Enola Holmes 3 : Leurs cœurs enragés | Sherlock Holmes x Andrea

Pensées nocturnes

Andrea rentre alors chez elle. Elle n'arrive pas à réaliser qu'elle vient de passer deux derniers jours aussi intenses. Jamais elle n'aurait imaginé se retrouver dans une telle situation. Elle a peur pour sa vie, et c'est quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti aussi profondément. Lorsqu'elle passe la porte de chez elle, elle ne peut s'empêcher de soupirer de soulagement en réalisant que personne n'est là. C'est un bon début. Pourtant, elle a du mal à comprendre le tueur. Comment peut-il passer de folie meurtrière à inactivité totale d'un jour à l'autre ? Mais pour l'instant, ce n'est qu'une question parmi la pile de ses problèmes. Dans deux jours, elle devra se rendre à un bal. Elle est presque terrifiée par cette idée. Elle a toujours détesté ce genre de festivités. Elle n'a jamais su quoi porter, quoi dire, quoi faire. Ses parents n'étaient pas vraiment là pour lui apprendre à danser. Elle a dû l'apprendre d'elle-même. Elle sait qu'une bonne détective doit savoir être polyvalente pour faire face à toutes les situations possibles. Elle n'a pourtant aucune envie d'aller se ridiculiser de la sorte. Tout ce qu'elle espère, c'est trouver Lord Bristle rapidement, lui poser les questions nécessaires et fuir le bal aussi vite qu'elle est arrivée. Son cœur lui dit que ça n'arrivera pas, et que tout le contraire arrivera. L'espoir fait vivre.

Elle se dirige vers sa chambre et pose ses quelques affaires sur la petite table de nuit à côté. Elle enfile des vêtements pour dormir et se glisse sous les couvertures. Elle se tourne, encore et encore mais le sommeil ne vient pas. Son esprit est torturé par les milliers de pensées qui ne veulent pas la quitter. Elle ne peut s'empêcher d'anticiper le désastre que pourrait être le bal. Subitement, elle n'a plus envie d'y aller. Elle se maudit d'être comme cela. Elle n'a pas le choix. Ici, ce n'est pas une affaire de sentiments mais pour le bien de l'enquête. Elle pousse ses sentiments de côté. Elle ne peut cependant arrêter de maudire ce bal. Pourquoi ne pouvaient-ils pas simplement aller chez Lord Bristle, l'interroger et repartir directement ? Cela aurait été plus rapide, et aurait évité de nombreux tracas. Elle n'a même pas de tenue pour cela, ni l'argent pour s'en trouver une. Oh, elle est désespérée. Elle n'avait pas pensé à ce détail. Demain, elle ira en parler aux autres. Avec un peu de chance, ils la laisseront hors de tout ça. Non, évidemment que cela n'arrivera jamais. Au mieux, Tewkesbury ou Enola lui prêteront de la monnaie pour s'acheter la robe adéquate. Elle le sait très bien, mais elle préfère ignorer cette information pour l'instant.

Elle ne comprend absolument pas pourquoi, mais elle repense aux mots de Tewkesbury. Ceux où il avouait qu'il pourrait y avoir une certaine alchimie entre elle et Sherlock. Cet homme qu'elle hait tant. Lui aussi sera au bal, c'en est sûrement pour cela qu'elle est aussi réticente à l'idée d'y être, à vrai dire. Elle n'est pas en état de refaire face à son air arrogant et ses mots durs. Elle doit lui prouver qu'elle vaut mieux que ça. Elle doit lui montrer qu'elle mérite tout ce qu'elle a, et qu'elle est bel et bien prête à tout pour le dépasser. Elle veut l'écraser, elle veut lui renvoyer tout ce qu'il lui a fait subir en l'espace de quelques semaines. L'humiliation, le dénigrement, la haine. Elle sait qu'elle ne devrait pas s'abaisser à son niveau mais elle ne peut s'en empêcher. Elle ne peut pas laisser cela passer. Comment Tewkesbury peut-il seulement imaginer quoique ce soit entre les deux détectives ? Il ne peut pas comprendre l'ampleur de leur ressentiment l'un envers l'autre, il ne connaît pas l'ampleur des dégâts. D'une certaine manière, elle doit l'avouer, la situation serait comique. Mais cela n'arrivera jamais. Elle déteste les Holmes de tout son cœur, jamais elle ne pourrait l'offrir à l'un d'entre eux.

La jeune femme se tourne sans cesse, sans pouvoir trouver le sommeil qu'elle cherche depuis de longues minutes, voire des heures. Elle aimerait faire taire ces pensées inarrêtables. Cependant, c'est ce qui lui permet d'oublier tout le reste. Au moins, elle ne réfléchit plus à tous les indices qui flottent dans son esprit. Le cygne en papier, le bal, les corps. Absolument rien ne concorde, chaque fil sur lequel elle tire se détache et mène à d'autres nœuds tous plus gros l'un que l'autre. Elle a beau continuer à les défaire, ils ne font que s'emmêler, emmenant avec eux ses pensées incontrôlables et ses sentiments qui partent dans tous les sens. Elle déteste se sentir aussi dépassée, c'est tout ce qu'elle déteste, elle qui est d'habitude si contrôlée et calme. C'est ce qu'elle se force à faire car elle sait que les émotions sont inutiles dans les enquêtes qu'elle mène. Sans le savoir, elle est la copie parfaite de Sherlock Holmes. Les deux détectives procèdent de la même manière, ils sont aussi efficaces et aussi rapides. Pourtant, ils se cherchent des différences et s'y raccrochent pour creuser un fossé qui, en soi, n'a pas lieu d'être. Il s'agit d'une des rares fois où Andrea, tout comme Sherlock, laissent leurs différends avec quelqu'un prendre autant d'ampleur. Cela leur fait prendre des risques inutiles. S'ils étaient capables de dépasser cela, peut-être qu'ils auraient même déjà résolu le mystère. Au moins, Andrea travaille avec Enola maintenant. Les deux jeunes femmes parviendront sûrement à elles deux à trouver les réponses. Mais seront-elles aussi rapides qu'elles l'auraient été avec Sherlock Holmes ? 

Andrea continue de bouger sous les couvertures, fermant les yeux dans l'espoir de se forcer à plonger dans ce sommeil qui semble la fuir de plus en plus à chaque seconde. Elle a besoin de repos si elle veut être en forme demain. Elle a encore beaucoup à faire. Elle doit se préparer pour ce maudit bal qui arrive malheureusement pour elle bien plus tôt qu'elle le voudrait. Elle serre le poing et chasse brutalement toutes ces pensées de son esprit avant d'enfin, après de longues heures, s'endormir lourdement.