Accord

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Les mots de Sébastien résonnant dans sa tête, la jeune femme se remet à marcher. Elle souhaite retrouver Moriarty, même si elle ne sait absolument pas comment. Une part de son instinct lui affirme pourtant que ce moment approche indéniablement. Ce n'est qu'une fois qu'elle remet les pieds dehors qu'elle réalise l'ampleur de ce qu'elle compte faire. Une énorme prise de risques, certes, mais un gain considérable. Andrea sait exactement quels pions jouer, quels sacrifices faire. Oui, elle est décidée. Quelque part l'avertissement de Sébastien fait encore écho mais rien ne pourrait la faire changer d'avis à ce point-là. 

D'un pas lent, elle décide finalement d'aller se coucher. La journée a été longue, haute en rebondissements. Il est temps pour elle de se reposer et se préparer mentalement à tout ce qui l'attend. Elle traverse une énième fois les rues de Londres pour regagner son appartement. Elle a l'impression d'avoir passé la journée à marcher, et elle est absolument épuisée. Ses membres fatigués la traînent difficilement sur les pavés mais elle finit enfin par arriver à destination. 

À sa plus grande surprise, elle constate qu'encore sa porte est entrouverte. Cette fois elle en est sûre, quelqu'un s'est introduit chez elle. Cette journée ne semble donc jamais en finir. Elle entre avec précaution, tentant d'ignorer l'angoisse pure qui perce son estomac. Pourtant lorsque son regard rencontre celui d'une femme à l'intérieur, son corps se détend légèrement et elle relâche un soupir. 

— Moriarty, souffle Andrea.

L'intéressée lève la tête et lui sourit chaleureusement. 

— Pardonnez-moi cette intrusion, mais notre petite discussion ne s'est pas achevée sur la note que je souhaitais, annonce la criminelle en face d'elle. 

— J'ai pris ma décision, coupe abruptement la détective. 

Moriarty la fixe avec intérêt, curieuse de savoir ce qu'il en est. Elle espère égoïstement que la brunette qui se tient devant elle compte s'allier et l'aidera à parvenir à ses fins. 

— J'ai accepté la proposition d'Enola Holmes pour l'enquête, dit Andrea sereinement.

Moriarty fronce les sourcils, ne tentant même pas de camoufler sa déception quant au choix de la jeune femme. Toutefois cette dernière reprend rapidement la parole. 

— Tout comme j'accepte la vôtre. Elle ne le saura pas, évidemment, mais cela m'aidera à avoir accès à de nombreuses informations pour faire tomber Sherlock tout en résolvant cette affaire de meurtres.

— Vous jouez d'une pierre deux coups, mademoiselle DelRose, j'ai toujours su que vous étiez une femme intelligente, répond Moriarty avec un sourire. 

— Quel est votre plan, donc ? Car je suppose que vous en avez un. 

— Oh ne vous inquiétez pas pour cela. Je suggère que vous commenciez à vous rapprocher d'Enola Holmes pour lui soutirer autant d'informations que vous pouvez. Nous ne pouvons malheureusement pas faire plus à notre petite échelle. 

Andrea hoche la tête, partageant son point de vue.

— Toutefois je vous préviens : faîtes attention. Enola est une femme rusée, et elle comprendra immédiatement que vous préparez quelque chose dans son dos si vous n'êtes pas extrêmement vigilante. Vous comprenez ? avertit Moriarty. 

— Cela va de soi. Il nous faudra d'ailleurs un moyen de se contacter sans éveiller aucun soupçon. Si vous pouviez éviter de vous introduire chez moi à de multiples reprises de la journée, cela m'éviterait une angoisse considérable. 

— Plusieurs fois ? Je viens d'arriver, s'étonne la femme.

Andrea hausse un sourcil et la regarde avec pure confusion. Elle n'ose même pas rajouter quoique ce soit, comprenant doucement la situation. 

— Le cygne. Ce n'était pas vous ? questionne la détective avec une pointe d'inquiétude. 

— Mais enfin, de quel cygne parlez-vous ? Je viens à l'instant d'arriver. 

Andrea ne peut s'empêcher de froncer les sourcils à son tour, complètement sous le choc après cette déclaration. Si ce n'est pas Moriarty qui est entrée tout à l'heure dans l'appartement, alors qui était-ce ? La détective se lève et saisit le papier plié sur la table pour lui montrer. Moriarty reste confuse et comprend elle aussi ce que cela signifie. 

— Quelqu'un d'autre s'est introduit chez vous. Qui est-ce ? demande-t-elle. 

— Si je le savais, je ne vous aurais pas posé la question, répond Andrea avec un soupçon de peur. 

Les deux femmes échangent un regard lourd de sens. 

— Peut-être que vous aviez mal fermé la porte et que quelqu'un s'amuse à vous faire une blague. De mauvais goût, certes, mais cela expliquerait ce papier, confie Moriarty.

Andrea ne répond rien mais hausse les épaules. Oui, peut-être qu'il ne s'agit que d'une mauvaise plaisanterie. Au fond d'elle, elle ne le pense pas une seconde. Elle s'imagine déjà les pires scénarios pour justifier cette intrusion. Et s'il s'agissait du tueur ? Moriarty remarque très vite l'inquiétude dans ses yeux et comprend à quoi elle pense en un instant. 

— Si le tueur est derrière cela, ne pensez-vous pas qu'il aurait attendu pour vous tuer également ? questionne la criminelle non sans un brin de crainte dans ses mots. 

— Je n'en sais rien. Il joue avec moi. En une seule journée, il a réussi à retourner tout mon cerveau et me faire faire tout ce dont je m'étais promis de ne jamais cautionner. 

Andrea lâche un long soupir avant d'enfouir son visage entre ses deux mains. Elle se sent perdue, totalement dépassée par les évènements. Elle doit faire face à un meurtrier qui prend dès son apparition un malin plaisir à la torturer. Pourquoi la laisser en vie ? Pourquoi tuer des innocentes qui lui ressemblent autant ? Veut-il s'amuser ? Lui faire peur ? Ou pire ? Toutes ces questions tournent en boucle dans la tête de la détective qui laisse apparaître pour la première fois une grande émotion sur son visage. En tant qu'enquêtrice, elle a toujours veillé à garder son côté logique et son sang-froid sous contrôle. Mais cette fois, quelque chose est différent. 

— Nous nous reverrons, mademoiselle DelRose. Je vais essayer de mener ma propre enquête sur l'intrus. Ne vous inquiétez pas, maintenant que nous avons un accord, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger mon alliée. Je vous contacterai au plus vite pour plus de détails, annonce Moriarty en quittant l'appartement.

Andrea ne dit pas un mot. Elle est bien trop bouleversée pour la contredire. Elle se lève, verrouille la porte, même si au fond elle se dit que ce n'est même plus nécessaire et se dirige vers sa chambre. Elle s'affale sur le lit et commence à s'endormir, non sans lâcher quelques larmes emplies de frustration, d'angoisse mais quelque part aussi un peu de regret. 

Enola Holmes 3 : Leurs cœurs enragés | Sherlock Holmes x AndreaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant