Enola Holmes 3 : Leurs cœurs enragés | Sherlock Holmes x Andrea

Angoisses et hésitations

Andrea se met en route pour rentrer chez elle, ignorant les dernières protestations de Sherlock Holmes. Elle le déteste. Elle le déteste tant que sentir son regard sur elle la dégoûte. Elle essaie de faire le vide dans sa tête, contemplant les arbres autour d'elle. Ses pensées divaguent, elles se focalisent sur le meurtrier. Quelqu'un en a après elle, elle en est persuadée. Il lui reste à savoir qui avant qu'il ne frappe à nouveau. Elle ne cesse de regarder autour d'elle, elle est anxieuse et même effrayée. Elle qui est habituellement si calme se voit réduite à un amas de stress et d'appréhension. Son sang-froid si bien gardé au fil de ses petites enquêtes s'évapore à chaque pas. La détective sait très bien que s'abandonner à ses émotions ne la mènera qu'à l'échec, mais tout semble la tendre encore plus. Entre le meurtrier qui tourne autour d'elle, Moriarty qui lui propose un partenariat avant de disparaître, Sébastien qui la force à travailler avec Enola Holmes, et son frère Sherlock qui ne veut que la voir échouer, elle se sent dépassée. 

En continuant de marcher, elle jette encore une fois des coups d'œil derrière elle, prête à toute éventualité. Elle passe devant les immeubles de Londres, les bars, les boutiques. Il y a tellement de monde. Elle se met inconsciemment à scruter le visage de chaque femme pour y retrouver ses traits, ses yeux affolés presque terrifiants pour tous ceux qu'elle croise. La jeune femme ne pensait pas que cela l'affecterait autant. Il s'agit sûrement d'une surcharge d'émotions, n'est-ce pas ?

Elle continue de parcourir les rues de Londres avec une légère angoisse tiraillant son estomac. Son souffle est bien trop irrégulier pour qu'elle parvienne à marcher assez longtemps, mais elle s'en fiche. À vrai dire, elle ne souhaite que retrouver son appartement au plus vite au risque de finir essoufflée. Cela peut paraître stupide, mais elle ne s'est jamais sentie aussi vulnérable. Quelque chose au plus profond d'elle sait qu'elle est en danger. Elle ne cesse alors d'avancer et pousse un soupir de soulagement en apercevant son logement au loin. La détective pose instinctivement sa main sur la poignée et sursaute lorsque celle-ci s'abaisse directement. La porte s'ouvre en un grincement sourd qui lui glace le sang. Elle était pourtant persuadée d'avoir fermé derrière elle. Peut-être avait-elle été trop hâtive en allant à la rencontre de Moriarty ? 

Andrea hésite. Elle a peur mais a toujours appris à rationaliser. Elle pose alors un pied à l'intérieur et scrute autour d'elle. Il ne semble y avoir personne, mais elle ne peut pas en être sûre immédiatement. La détective referme la porte à clé derrière elle. Elle se dit que c'est stupide, qu'elle n'aurait aucune sortie en cas de danger, mais n'y fait rien. La jeune femme continue alors d'analyser son propre appartement. Rien ne semble avoir changé, ou bougé. C'est alors qu'elle remarque un petit papier plié sur sa table. Elle le prend délicatement dans ses mains. Il s'agit d'un cygne en origami, soigneusement formé. Il n'y a rien d'autre, seul cet oiseau. Andrea fronce les sourcils avec confusion et le déplie tout doucement. Elle se dit qu'il s'agit peut-être d'autres indications de la part de Moriarty. Pourtant, rien n'est marqué. Elle examine avec attention dans l'espoir de trouver ne serait-ce qu'un seul indice. Aucune trace de doigts, aucune poussière, rien. Aucun élément qui pourrait l'aider à comprendre. Elle sait que Moriarty la trouve intelligente, mais elle ne pensait pas qu'elle allait lui proposer une énigme si complexe. 

Elle regarde néanmoins autour d'elle, se demandant si elle n'avait pas simplement raté quelque chose. Pourtant tout est absolument en ordre. Andrea passe sa main sur son visage. Elle est confuse, perdue même. Quand bien même ce serait l'œuvre de Moriarty, comment peut-elle la retrouver ? Ou la contacter ? Elle ne sait pas du tout quoi faire. Elle ne sait pas si elle devrait s'engager sur ce chemin-là, accepter sa proposition au risque de trahir sa propre morale. Mais lorsque le pouvoir est à portée de main, il est difficile de ne pas lever le doigt pour l'attraper. 

Andrea prend une grande inspiration avant de s'assoir à sa table. Elle regarde l'origami déplié avec hésitation. Elle laisse son esprit divaguer tandis qu'inconsciemment ses mains reforment le cygne. Jamais dans sa vie elle n'avait été confrontée à un tel choix. Entre se mettre en danger pour se retrouver au sommet de tous les podiums ou rester sur la bonne voie au risque d'échouer mais d'avoir la satisfaction de s'être battue, la décision est dure à prendre. Tout serait d'ailleurs bien plus facile si elle n'était pas sous la menace d'un tueur ambulant. En une seule même journée, son quotidien a basculé. Elle n'ose pas se l'avouer, mais tout son corps est paralysé à l'idée d'être la prochaine cible. Pourtant, son cœur lui dit que le danger est bien plus grand. Qu'être une simple victime n'est pas le sort qui lui est réservé. Si c'était le cas, elle serait déjà six pieds sous terre, la gorge tranchée. Non, ce n'est pas aussi facile. Le meurtrier a décidé délibérément de la placer au centre de toute cette attention. Il a choisi ces deux femmes pour leur nom, pour leur apparence. 

Aurait-elle raté un détail ? Non, impossible. Alors pourquoi est-elle dans l'impasse ? Résignée, elle repense aux mots de Sébastien. Après tout, il a peut-être raison. Travailler avec Enola Holmes aiderait à résoudre cette enquête bien plus vite et éviter de voir d'autres meurtres se faire. Elle soupire de frustration avant de se lever à nouveau. Elle ne sait toujours pas quoi faire à propos de Moriarty, mais elle se dit que s'allier avec Enola ne pourrait que l'arranger dans tous les cas. Si elle décide de rester du côté moral, elle l'aidera simplement à retrouver le tueur plus rapidement. Si elle se résout à rejoindre Moriarty, la jeune Holmes la mènera directement vers Sherlock et lui offrira sans le savoir toutes les armes pour le faire tomber.