La danse

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Andrea est liquéfiée. Son cœur s'est probablement arrêté de battre la seconde où Enola a prononcé ces mots.

— C'est un cauchemar, se dit-elle.

Elle parcoure la foule de danseurs, seule cette fois, à la recherche de Sherlock Holmes. Elle se sent presque nauséeuse à l'idée de devoir lui parler comme si de rien n'était, l'interroger. À tous les coups, il ne lui donnera même pas de réponses. Elle n'a pas le temps de lever la tête qu'elle trébuche sur l'ourlet de sa robe, et une vague impression de déjà-vu la submerge lorsqu'en fermant les yeux, elle ne se sent pas tomber. 

— Cela commence à devenir une habitude entre nous, dit simplement l'homme avec amusement.

— Monsieur Holmes, répond-elle froidement.

— Mademoiselle DelRose.

— Bien, maintenant que nous avons fait les présentations, j'aimerais vous parler.

Le détective en face d'elle souffle, un léger rire lui échappant. Il retire sa main du corsage de la jeune femme qu'il tenait encore pour la stabiliser. Il est amusé de voir qu'elle ne l'avait même pas remarqué. Et voilà qu'elle lui tendait une nouvelle fois le bâton pour se faire battre.

— Parler ? Mais mademoiselle, vous n'avez pas de chaperon, murmure-t-il dramatiquement. 

Si la rage était un visage, il aurait celui d'Andrea. Elle sait pertinemment qu'il n'en a que faire de ces règles, et qu'il aurait parlé avec n'importe qui, chaperon ou non. Elle le fixe avec la mâchoire serrée. Elle avait raison. Ce bal n'était qu'une mauvaise idée. Voilà où elle en était, à confronter son rival pour une simple discussion alors que son plus grand rêve était de le jeter au milieu de la foule de danseurs et le voir se faire piétiner à mort. C'est alors que lui vient l'idée. Non, pas celle de le tuer, évidemment. Elle se souvient de ce qu'Enola lui avait confié lorsqu'elles parlaient du plan. Elle lui avait raconté comment elle avait réussi à parler à William Lyon en l'invitant à danser. Et même si aucune autre vision ne pouvait la dégoûter autant, elle sait qu'elle n'a pas d'autre choix. 

— Dansez avec moi alors, réplique-t-elle avec réticence. 

Les yeux de Sherlock s'écarquillent. Il s'attendait à tout, sauf à cela. Il s'apprête à lui répondre quelque chose d'autre pour rejeter sa demande, mais il entend au loin quelqu'un appeler son nom. Les deux détectives se tournent au même moment pour trouver l'origine du son, et remarquent au loin Enola, paniquée, et Lestrade, avançant à toute vitesse vers eux. En un instant, et sans même qu'Andrea ne comprenne ce qu'il se passe, elle se retrouve au milieu de la pièce, dans les bras de Sherlock Holmes qui l'entraîne pour une danse. Elle lève la tête pour le regarder droit dans les yeux, sa surprise lisible sur son visage.

— Bien que vous m'insupportiez, je préfère souffrir d'une danse avec vous que d'une discussion avec Lestrade, expliqua le détective en la faisant tourner gentiment.

Elle continue de le fixer avec étonnement. Elle ne s'attendait absolument pas à cela, mais elle commence à s'y accommoder. La jeune femme place une main sur l'épaule de son rival, et le laisse tenir l'autre entre ses doigts. Elle se laisse danser quelques instants le temps de reprendre ses esprits, et enfin, parvient à récupérer la parole.

— Pourquoi Lord Bristle vous a-t-il engagé ? demande-t-elle brusquement. 

Il baisse la tête pour la regarder directement et scrute ses yeux, intrigué par sa question. 

— Je crains ne pas pouvoir vous répondre, mademoiselle DelRose.

— Vous ne le savez même pas, n'est-ce pas ? rit-elle légèrement.

— Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? rétorque-t-il en tentant de garder son calme.

— Je sais que vous êtes perdu, monsieur Holmes. Admettez-le. Vous ne savez même pas pourquoi Lord Bristle a tenu à ce que vous vous penchiez sur l'enquête et pas moi. Vous ne savez même pas pourquoi il est intéressé, il n'a aucun lien avec les victimes. Je dois le dire, je m'attendais à mieux de votre part.

Cette fois, c'est au tour de Sherlock de fulminer. Il sait très bien qu'il ne peut rien réfuter, elle a complètement raison et il déteste ce sentiment. 

— Si je ne me trompe pas, c'est plutôt vous qui avez besoin de mon aide, provoque-t-elle avec un léger sourire. 

— Arrêtez, mademoiselle, murmure-t-il avec le brin d'autorité qu'il lui reste. 

Elle se hisse sur la pointe des pieds pour être à sa hauteur et place une main autour de son menton.

— Regardez-moi dans les yeux, et admettez que vous avez besoin de moi, murmure-t-elle avec une nouvelle satisfaction.

— Plutôt mourir, dit-il en la faisant tournoyer un peu plus brusquement cette fois-ci.

— Et priver le monde de votre médiocrité sans pareille ? Quelle honte, rit-elle une nouvelle fois.

Il peut lire dans son regard le malin plaisir qu'elle prend à l'humilier. D'un côté, cela l'attriste, car il réalise que c'est exactement la manière dont il l'a traitée durant les dernières semaines. Mais de l'autre, il est enragé. D'un mouvement rapide, il la tire vers lui et elle commence à chuter. Il la rattrape bien avant qu'elle ne trébuche, mais ne peut s'empêcher de sourire en voyant son visage affolé pendant une fraction de seconde. Leur échange n'est qu'une danse passive-agressive d'attaques l'un envers l'autre, chacun appréciant reprendre le pouvoir sur son rival. Pourtant aucun ne s'arrête, pas tant que la musique ne sera terminée.

— Pour une jeune femme sans chaperon et capable d'insulter son aîné sans même bouger d'un cil, je trouve que vous vous permettez beaucoup de choses, dit Sherlock avec néanmoins un air amusé.

— Comme si mon âge avait quoique ce soit à voir avec l'animosité que j'ai envers vous, répond-elle agacée.

— Il est un bon indicateur de votre manque d'expérience. C'est à se demander comment vous parvenez à résoudre des enquêtes alors que vous ne savez vous adresser correctement à quelqu'un supérieur à vous. 

Elle serre les dents, ses doigts se crispant légèrement au contact de ceux du détective. C'était comme si, peu importe ce qu'elle disait, il trouvait toujours un moyen de reprendre le dessus et lui rendre les coups. Seulement les coups qu'il lui renvoie à cet instant sont dix fois plus puissants et agissent comme un couteau dans son cœur. Agacée par cet homme, et la discussion, elle lâche un soupir de soulagement lorsque la musique se termine. 

— Toujours un plaisir de converser avec vous, monsieur Holmes, dit-elle avec froideur.

Elle lâche sa main et recule, non sans marcher sur son pied avec la pointe de son talon. Elle hausse les épaules innocemment, faussement désolée et retire sa main de son épaule. Sherlock tient pourtant toujours sa taille d'une main et il la tire d'un coup sec vers lui. 

— Toujours un plaisir, répète-t-il. Cependant la prochaine fois, évitez de prétendre être une piètre danseuse après avoir réalisé une valse plus gracieuse que toutes les femmes de cette pièce réunies.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 14 ⏰

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Enola Holmes 3 : Leurs cœurs enragés | Sherlock Holmes x AndreaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant