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La guerre est finie, tout du moins c'est ce qu'on m'a dit .
Alors , apaisé, je me laisse porter par cette chaleur humide propre aux oasis de Kissan. Ma maison y est plantée sur de grands piloris de bois, ses arbustes colorés, les meubles multicolores et le puits de pierres roses.Je l'imagine déjà. Les palmiers seront peut-être adultes... Je ne sais pas. Ça fait trop longtemps.

Ces lieux étaient une des dernières choses qui me maintenaient en vie. Quand le froid terrible tapait, quand j'eus l'impression que mes doigts et mes oreilles tombaient, quand le gel cassait mes mèches blondies, je m'efforcais de replonger encore dans ces souvenirs enfantins .

Malheureusement, les années passèrent et ces réminiscences devenaient de plus en plus floues.

Revoir mon chien dans un bosquet qui a ma simple vue, se redresse sur ses vieilles pattes et accourt, le souffle court.Je crois que c'est le genre de vision auxquelles je me raccrochaient.

Je souris et saute de la charrette, le conducteur râle je ne sais quoi, sûrement à cause de ma récente blessure. Mais je m'en fiche. Je prends le vieux canidé dans mes bras, je laisse échapper une larme discrète avant de me cacher dans le pelage roux de mon compagnon.

La chaleur s'est atténuée grâce à la fraîcheur des soirée Kissanaise. Mon capitaine de brigade se tient assis dans le hamac , à côté de moi.On parle. C'était un plaisir que l'on ne s'était que trop peu offert voire jamais vraiment. Pourtant nous nous apprécions l'un l'autre. Mais le rythme assidue de la guerre du grand nord nous maintenait muet et terrifié.

-"En toute honnêteté, Jiho , quand je t'ai vu étaler comme tu l'étais, saignant dont ne sais où, j'ai vraiment cru qu'on t'avait perdu."

-"Je sais. J'ai eu la même impression. Mais vous savez quoi...." Sa tête se penchait légèrement sur le côté et ses sourcils se froncèrent imperceptiblement. Connaissant si bien mon capitaine, je sais que je disposais de son entière attention.

-"Ça va vous paraître étrange, mais j'ai quasiment rien vu. Ma vie a défilé devant mes yeux, mais je n'ai rien vu qui m'apaise vraiment. Je n'ai jamais vécu. Et je m'en suis rendu compte sur mon lit de mort,capitaine!" Mes yeux se brouillait d'une humidité indésirables. Je faisais papillonner mes paupières pour le dissimulé à mon capitaine. Malgré mes efforts pour éviter son regard, je pense qu'il a compris.

Il laissa peser un silence méditatif et reprit d'une voix rendu plus rauque par l'émotion.
-"Je suis comme toi. On m'a mobiliser si tôt que lorsque j'eus pour la première fois tirer sur quelqu'un , j'avais onze ans. Aujourd'hui j'en ai cinquante-neuf. Et pourtant je me souviens parfaitement de cette silhouette de sa m.....de tout." Il respire bruyamment et me regarde directement dans les yeux comme pour capter mon âme.
-"Jiho, la guerre tue. C'est con à dire, mais c'est vrai. Maintenant je sais que quand tu par arme à la main il y a deux solutions : soit du ne reviens pas, soit tu reviens à moitié mort."

"Nous sommes à moitié mort? J...je dirais que c'est faut. Je culpabilise,certe, mais je veux vivre. Ouais, je veux bien vivre."

Il souriait amusé.
-"Hmmm, c'est sûrement ce qui a de mieux à faire,en effet."

-"D'un autre côté, Monsieur, ça me fait bizarre de quitter ces grandes plaines de glace. Je suis à la fois coupable et...je leur  en veux."

-"Jiho, si je te dis que j'ai une solution pour combler ces deux désirs, que tu n'auras pas à tuer mais que rien ne t'y empêche. Tu serais intéressé ?"
J'ouvris les orbites larges et ma mâchoire inférieure se décrocha sous la surprise.
Lui, avait les yeux dans le vague et attendait sûrement ma réponse.

-"Monsieur, j...vous me proposez d'y retourner ?"

-"Plus rien ne t'attends ici, Jiho. Tu le sais. Alors oui, je te propose de pouvoir te débarrasser de ce sentiment néfastes à jamais ."

Je regardais autour de moi, détaillant le bois vieilli, les fenêtres, le jardin ou j'avais grandi...mon chien. Il avait, comme par instinct, compris que d'une manière ou d'une autre cela le concernait. Il posa sa tête contre mon genou où s'y déposait une auréole humide . Ses yeux s'incrustent dans les miens. Sans le lâcher du regard je souffla:
-"Mon chien. Je veux pouvoir ramener mon chien."

-"Il est vieux, Jiho. Il ne va p....."

-"Je m'en fous. Ça fait neuf putain d'années qu'il m'attend. Il vient ou rien."

-"Soit , comme tu veux."

Je m'accroupis, et tout sourire je caresse la tête de mon toutou.

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Je suis sur le départ.  Depuis deux heures je m'offre comme rituel de remplir ma valise de peau avant de douté de tout vidé et de recommencer. J'avais prévu de retourner fumer du Mejang froid avec la voisine avant de partir. Mais je n'en aurai pas le temps, malheureusement.
Subitement, je veux faire plein de choses. Plein de dernière chose. Car au fond je le sais, je ne reviendrai probablement jamais. Cependant, il y a des priorités.

Quelques heures plus tard je sors de ma maisonnette non pas avec une mais trois valises pleine à craquer. Sans compter les sac de fournitures "nostalgie" pendus à mes bras.
Les fruits exotiques de couleur multiple les encens de bois et de fleurs endémique l'ensemble de ma petite bourgade dans un sac.
Le tri n'a pas été aisé. Le portier s'en est bien rendu compte quand il a dû porter la valise et la mettre dans la charrette. Le capitaine à ma droite leva les yeux au ciel. Allez savoir s'il était exaspéré ou amusée.

Le trajet commença. De petites secousses faisaient tresauter l'ensemble des affaires à bord. Mes yeux divaguaient sur les paysages changeant. Les palmiers grands et verts se transforment peu à peu en paysage de plus en plus désertique avant de se faire plus froid. Les côtes grises d'une mer colérique s'empourpre du soleil matinal.

Une petite chaloupe nous attend bercé par les flots. Alors que je mettais mon premier pas dans l'embarcation des souvenirs douloureux de ma première mission me revinrent.

Dieu seul sait dans quel périple je m'engageais tout ce que je peux dire c'est que mon cœur n'appartenait plus totalement à ma petite maisonnette, tranquille ,au milieu des campagnes.

Terre du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant