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Bien évidemment, qu'est-ce que serait une discussion avec un inspecteur sans que le directeur du centre ne soit au courant. Debout dans le bureau du directeur, Nozomi l'attendait, surveillée par une gardienne. Elle avait quitté le parloir à peine quelques heures plus tôt. Elle angoissait avec ce qui allait bien pouvoir se passer. D'un autre côté, elle espérait que la discussion qu'elle allait avoir allait être rapide. Elle ne voulait pas s'éterniser dans le bureau de cet ignoble Ikida. Malheureusement, ce n'était pas elle qui décidait ça. Elle n'avait aucune mise dessus.

Lorsqu'il rentra dans son bureau, elle sentit instantanément ses poils se dresser sur sa nuque. Elle avait l'impression de suffoquer, comme si une boule bloquait l'air, rendant sa respiration difficile. Lorsqu'elle sentit sa main passer dans son dos, elle eut un frisson. Elle tentait tant bien que mal de ne pas montrer le dégoût qui la tenait. Il était trop proche d'elle. Son souffle moite lui donnait la nausée.

— Tu fais des affaires avec les inspecteurs maintenant ?

— ça ne vous regarde pas, dit-elle avec le plus d'assurance possible.

— Tout ce qu'il se passe dans cet établissement me regarde. Mais ce n'est pas pour ça que je voulais te voir.

Il fit un signe à la gardienne qui quitta sur le champ le bureau, sans se faire prier. Moins les gardiens étaient au courant de ce qui pouvait se dire ou être fait dans le bureau, plus le directeur serait tranquille pour continuer. Personne ne parlait. Il valait mieux faire la sourde oreille et l'aveugle pour son propre bien. Les surveillants compris.

— Je suis content que tu sois de retour ma chérie.

Un frisson.

— On va pouvoir reprendre où on avait commencé la dernière fois. Est-ce que tu te souviens de ce que tu m'avais dit ?

— Vaguement.

— Je m'en souviens très bien. Tu avais dit que j'étais un "beau fils de pute" et que j'avais un pied dans la tombe. Je n'aime pas oublié votre petit pari.

Il passa devant elle. Son regard vert plongea dans les iris de Nozomi. Ce regard, elle le détestait. Il y avait quelque chose de pervers derrière la lueur qui étincelait. Une étincelle mauvaise remplie d'un sadisme terrifiant. Un mal que personne n'avait encore osé en parler. Qui le croirait ?

Elle détourna le visage pour ne plus voir le visage qui était à seulement quelques centimètres du sien. Il lui attrapa le visage pour la forcer à le regarder dans les yeux. La poigne était puissante et douloureuse. Elle fit comme si de rien n'était, du moins, tentait-elle.

— Dès que tu es partie, je me suis occupée de tes petites copines qui ont participé à ton pari. Surtout ton amie...

Il la lâcha et lui tourna le dos, se dirigeant vers son bureau. Sa phrase était restée en suspens, comme s'il cherchait ses mots.

— Comment s'appelle-t-elle déjà ?

Il se tourna vers Nozomi, affichant un immense sourire pernicieux. Sa voix se fit mielleuse, accentuant la répugnance que la pénitentiaire ressentait.

— Shion.

Les couleurs quittèrent le visage de Nozomi sous l'œil rieur d'Ikida.

— Elle ne te l'a pas dit ? Je pensais qu'elle l'aurait fait pourtant. êtes vous seulement encore amie ? Je ne lui ai pas caché que c'était grâce à toi qu'elle recevait sa punition.

Nozomi ne pouvait plus déglutir. Le peu de salive qui lui restait était bloqué dans sa gorge. Sa bouche s'était asséchée. Shion ne lui avait rien dit. Elle ne lui avait pas non plus reproché quoi que ce soit. Elle avait paru exactement comme elle l'avait quitté lorsqu'elle était partie.

— Vous êtes répugnant, lâcha-t-elle dans un chuchotement enroué.

Il s'approcha d'un pas lent. Elle savait ce qui allait arriver suite à ses mots. Elle redoutait le geste qui allait tomber.

Elle eut raison lorsque le premier coup fut porté. Sous la violence de celui-ci, elle perdit l'équilibre et s'écroula sur la chaise. Lorsqu'elle releva son visage meurtri, elle savait qu'elle n'allait pas passer un bon quart d'heure.

— Tu as raison d'avoir peur. Tu viendras tous les jours dans mon bureau ma chère Nozomi. Jusqu'à ton départ.

Il se mit alors à rire. Un rire cruel rempli de haine à son égard.

****

De retour dans sa cellule, elle avait mal partout. Elle ne pouvait pas bouger un seul de ses membres sans ressentir une grande douleur.

Elle regrettait une chose. Ne pas être assez forte pour se défendre. Mais comment aurait-elle pu se défendre sans subir encore plus ? Elle ne le pouvait pas. Condamnée, seule, perdue, elle laissa une larme de détresse couler sur sa joue.

C'est la nuit tombée qu'elle se laissa aller dans la détresse totale. Personne ne devait être témoin de ce craquage. Il devait rester entre elle et sa solitude.

Ses larmes taries, elle s'avança à quatre pattes jusqu'au petit bureau de sa cellule. C'est sur celui-ci qu'elle s'endormit de fatigue et de douleur.

****

Le sang, liquide visqueux d'un rouge carmin, se répandait sur le carrelage froid de la cuisine. Prostrée dans un coin, une jeune fille apeurée. Elle devait à peine avoir atteint l'âge de dix ans. Elle tenait fermement dans ses bras sa petite poupée.

Un bras l'entourait. Plus aucun bruit n'était audible dans la pièce en dehors de la pluie tapant sur les carreaux de la fenêtre. La peur se lisait sur son visage. Elle n'entendait que la pluie. Elle n'entendait que la respiration saccadé de la femme qui la gardait contre elle.

Elle observait le sang qui coulait vers elle avec une lenteur terrifiante. Elle recula ses pieds. Elle ne voulait pas être tachée. Elle ne voulait pas sentir la chaleur qui s'en dégageait. Comment pouvait-elle savoir qu'il était chaud ? Elle en avait sur elle. Une giclée sur elle. Elle était déjà tachée.

Un hoquet se fit entendre, suivi par un bruit métallique brisant le silence. La mère serra son enfant contre elle, pleurant sur les cheveux noirs de sa petite. La petite observait ce corps face à elle. Celui du père qu'elle pensait connaître. Il n'était pas son père. Son père est gentil. Son papa est bon. Jamais maman n'aurait pu tuer papa.

— Maman, commença-t-elle la voix enrayée. Où est papa ?

Un nouvel hoquet. Les bras la serrèrent encore plus fort. Une première larme roula sur sa joue, rapidement suivie par d'autres.

C'était papa...

MHA : Réhabilitation de cauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant