Chapitre 16: La louve écarlate recouverte de cicatrices

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          « Très bien. Tout a commencé avant ma propre naissance. La femme qui m’a mise au monde est une humaine. »

_ « Quoi ! »

_ « Oui. Elle me maudissait tous les jours. Quand elle me prenait dans ses bras, elle se « protégeait des vices et des démons » en couvrant sa peau de deux couvertures et en se les lavant une dizaine de fois après m’avoir tenue J’étais la seule personne de tout le village à avoir les cheveux foncés et j’étais également la seule à avoir les yeux rouges. Tous étaient blonds aux yeux bleus.

Nul besoin de préciser que je faisais tâche … Mon père me battait souvent. En fait, en y réfléchissant, c’était à chaque fois qu’il posait les yeux sur moi.  Oui c’est ça… A chaque fois. Il a longtemps essayé de me perdre dans la forêt, mais je revenais toujours. Quand je passais un pied dans l’enceinte du village, les habitants me canardaient de pierres, de branches, de bouteilles de verre en huant des noms atroces. Je pleurais dès que j’étais seule. Toutes les larmes de mon corps si frêle et malnutri, versées par litres comme deux grosses rivières qui jaillissaient des yeux que je détestais tant. J’ai tenté de me les crever à de multiples reprises tu sais. A chaque fois, je guérissais en moins de quelques jours.

          Dans cet enfer, la seule et unique personne qui me regardait comme une personne normale, c’était mon grand frère. Il était le portrait craché de mon père. On jouait souvent ensemble en secret. Il me rassurait en disant qu’un jour je serais aimée par quelqu’un. Que ce jour-là, je serais heureuse. Pff… Sottises. Le lendemain, il avait rapporté à ma mère que je n’étais pas si méchante, qu’on jouait ensemble parfois. Mon père, fou de rage, m’a attrapé par le col, puis m’a emmené loin du village. Encore plus loin que d’habitude. Il m’a jetée dans un gouffre tellement profond, que peu de lumière atteignait le fond.

Je me rappellerai toujours de ce visage. Jusqu’à ce moment précis de mon existence, il n’avait jamais sourit en ma présence. Là, son visage était si clair, si radieux… Jamais je n’avais ressenti une émotion pareille. Mon cœur s’est déchiré et réchauffé. Pour la première fois, j’ai vu un sourire et en plus, c’était celui de mon père. Quel bonheur. Mais, ce qui le mettait tellement en joie était simplement la libération. Oui, il venait de se libérer de moi, de ma présence, du dégoût qu’il ressentait à mon égard. Ils m’appelaient tous : « démon » ou « calamité » là-bas. Quand j’étais seule dans ce trou, j’ai repensé à toutes ces souffrances. J’y ai tant pensé qu’au bout d’un certain temps je n’arrivais plus à ressentir aucune douleur. Les cicatrices demeuraient béantes, cracheuses de sang et d’espoir, mais pas mon cœur. Il s’est solidifié, figé, jusqu’à ne plus être capable de battre pour quoi que ce soit.

          Au bout d’un mois, une ombre est apparue au-dessus de ma tête. J’ai bien évidement cru d’abord, à un nuage ou un arbre poussé par le vent. Mais j’eu la curiosité de lever les yeux. J’ai aperçu cet homme au loin, dans le vrai monde. Là, un bras noir immensément long est descendu à ma rencontre. Je me rappelle n'avoir pas bougé d’un pouce. Je m’étais contentée de le regarder ‘approcher de ma taille, s’enrouler autour de mes côtes et enfin me soulever de terre pour me remonter à la surface. Arrivée en haut, je ne bougeais toujours pas. L’homme était comme moi, brun aux yeux rubis. Il avait des cornes rouges qui perçaient sa chevelure. Il m’a dit qu’il prendra soin de moi, qu’il sera comme un père pour moi. Je ne l’ai pas cru.  Voyant que je ne bougerai pas de sitôt, il m’a mise sur son dos et s’est rendu chez lui. Il s’est présenté comme étant le chef des démons présent dans le royaume terrestre : Crow. Il peut créer des membres à volonté sur son corps, et générer des corbeaux très facilement. Sa puissance n’a encore jamais été égalée jusqu’à l’heure d’aujourd’hui. Il m’a entraînée, instruite, nourrit, blanchit, abreuvée… Il a tout fait pour moi. »

_ « Quel genre de capacité t’a-t-il transmise ? »

_ « Je suis la meilleure stratège que les trois royaumes n’ont jamais connu. Mais j’ai également des compétences en médecines et connaissance de la nature très poussées. Je suis la plus forte en combat avec ou sans arme, rapproché ou à distance. Sans oublier que je me place en première position dans le classement du meilleure archer et épéiste. Mon pouvoir démoniaque est aussi puissant que moi. »
Zuko restait scotché devant toute l’histoire. Il n’en revenait pas.
« Pourquoi est-ce que Crow te fait subir de telles tortures dans ce cas ? » questionna-t-il en baissant la tête.
_ « C’est de cette manière que je suis devenue la meilleure. »

_ « Quoi ? Comment ça ? Explique-toi ! »

_ « A chaque faute ou à chaque fois que je n’étais pas à la hauteur, je subissais son courroux. Il m’a détruit jusqu’au dernier morceau, que ce soit physiquement ou mentalement, pour me reconstruire ensuite, mais en une version parfaite de moi. Il disait qu’il avait de grandes ambitions me concernant. »

          Le prince n’osait toujours pas se redresser. Il continuait de marcher pour rejoindre ses amis, puis y arriva enfin. Leila disparut au premier pas de son hôte en dehors des arbres. Malgré sa pitié, Zuko n’avait pas la force de l’apprécier davantage. Il ne pouvait toujours pas la supporter. La seule idée de rester avec elle pour le reste de sa vie lui donnait des haut-le-cœur. « Personne ne mérite cette vie. Sauf peut-être elle. Bien fait pour cette démone de pacotille. Jamais au grand jamais, je n’accepterai devenir son larbin attitré ou encore moins rester son « colocataire » de corps. Beurk ! »

Cursed Legacy: Daughter of the Abyss - la Fleur De LotusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant