Prendre racine

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« La nuit enveloppait la ville d'un manteau d'ombres et de silence. Le vent charriait les derniers échos des âmes tourmentées, témoins invisibles du drame qui s'était joué. Dans cette atmosphère oppressante, Victor, le tueur à la démarche implacable, se tenait seul face à la froideur implacable de son destin.

Ses mains tremblaient encore des stigmates de son acte irrévocable. Le visage d'Éléonore, celle qu'il avait tant aimée, demeurait gravé dans son esprit, éclatant de pureté et de douleur. Il avait dû, en un geste désespéré et terrifiant, éteindre la lumière qui faisait palpiter son cœur. Ses yeux, habituellement empreints de cruauté calculée, étaient désormais voilés par une tristesse insondable, reflet de l'abîme qui s'ouvrait en lui.

"Que suis-je devenu ?", murmura-t-il dans un souffle, à la nuit complice et silencieuse. Les étoiles, ces témoins éternels des drames humains, luisaient indifférentes, suspendues dans l'infini. Leur éclat distant paraissait à Victor une moquerie cruelle, un rappel de l'inanité de ses actes et de l'insignifiance de sa souffrance.

Il se souvenait encore des moments de félicité partagés avec Éléonore, des instants volés à la tyrannie du temps. Mais le destin, ce maître impitoyable, l'avait contraint à une cruauté sans nom. L'amour, autrefois refuge et salut, s'était mué en arme fatale. En ôtant la vie à celle qu'il chérissait, il avait scellé son propre sort, condamné à errer dans les limbes de la culpabilité et du remords éternel.

Les heures s'écoulaient, indifférentes aux tourments de l'âme humaine. Victor, seul face à ses démons, contempla l'étendue de son œuvre avec une lucidité glaçante. Il était le créateur de son propre enfer, architecte d'une tragédie qui, désormais, le hanterait jusqu'à la fin des temps.

L'aube pointait à l'horizon, ses premiers rayons perçant la noirceur de la nuit. Victor, épuisé et brisé, se redressa avec une lenteur cérémonieuse. Il se savait à jamais marqué par son acte ultime, indélébile stigmate sur son âme tourmentée. Alors, dans un dernier geste d'abandon, il leva les yeux vers le ciel, implorant un pardon qu'il savait impossible.

Ainsi se termina l'histoire de Victor, le tueur au cœur brisé, pris dans les filets de sa propre fatalité, tandis que le jour naissant promettait de nouvelles souffrances à celui qui avait tout perdu en tuant l'amour de sa vie. »

Alexander, les yeux rougis par des heures de travail acharné, tapa ses dernières lignes sur le clavier. À chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe, il se sentait un peu plus proche de la fin de ce projet titanesque qui représentait des mois de travail acharné, de nuits blanches et de sacrifices. Enfin, il ajouta le point final, scellant ainsi son œuvre.

Épuisé mais rempli de fierté, il laissa tomber sa tête sur son bureau en un geste brutal, laissant échapper un cri de libération :

- J'AI ENFIN FINI CE PUTAIN DE BOUQUIN !

L'excitation bouillonnait en lui, une euphorie qu'il ne pouvait contenir. Il se redressa et attrapa son téléphone avec précipitation. Ses mains tremblaient légèrement tandis qu'il composait le numéro de Damian.

Le téléphone sonna quelques fois avant que la voix endormie de Damian ne réponde :

- Allô... ?

- DAMIAN, DAMIAN, DAMIAN ! J'AI FINI MON LIVRE !!

Il y eut un silence, puis un soupir lourd de sommeil du côté de Damian.

- Génial, Alex, mais t'étais obligé de m'appeler à six heures du matin pour ça ?

Alexander, pris dans l'euphorie du moment, avait perdu toute notion du temps. Il baissa les yeux vers la radio posée sur son bureau : 6h27.

- Ah... Oui, désolé, Damian... Je n'ai pas pensé à l'heure. J'étais juste tellement excité que je devais te le dire tout de suite.

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