Chapitre 11 - La Rebelle

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Cela faisait une semaine que je n'avais pas vu ma patronne. Le matin, elle ne venait plus prendre son café avec moi et ça me faisait mal. Lorsque je passais devant son bureau chaque matin, je voyais un raie de lumière sous sa porte, preuve qu'elle était déjà au bureau mais elle avait mis fin à nos instants matinaux. Peut-être avait-elle trop de travail pour se permettre de prendre un simple café avec moi, mais j'en doutais. Avait-elle mal interprété mon départ de son bureau lundi dernier alors qu'elle se penchait vers moi pour m'embrasser ? Bien-sûr que moi aussi je voulais posséder ses lèvres mais je ne voulais pas passer après l'un de ses sextoys. Je la voulais tout à moi. C'est la première fois que j'étais possessive. Elle avait eu plusieurs rencards avec ses sextoys et j'avais veillé à chaque fois à être enfermée dans mon bureau. Je l'imaginais en train d'haleter en sueur contre le corps d'un homme et cela me brisait le cœur à chaque fois. Pourtant, je n'étais pas du genre romantique. J'enchainais les conquêtes et les rencontres sans lendemain et refusais de tomber amoureuse. Mais elle, elle était différente. Il suffisait qu'elle rentre dans une pièce où je me trouvais et mon cœur s'emballait. J'adorai sentir son parfum. Il lui allait si bien. Il suffisait qu'elle plonge son beau regard vert dans mes yeux et j'en oubliais qui j'étais. Je voulais prendre soin d'elle, la protéger du monde entier et lui donner tout le bonheur qu'elle méritait. Elle était la femme la plus puissante que je connaisse et pourtant, à chaque fois qu'elle plongeait son regard dans le mien je pouvais voir une souffrance et une fragilité que je rêvais de lui faire oublier. Elle était magnifique mais ce qui me plaisait le plus c'était son âme. Je rêvais qu'elle me fasse suffisamment confiance pour s'abandonner à moi. J'adorais la voir céder. Je me sentais alors la femme la plus chanceuse. Maxime Delvaux, la femme la plus puissante au monde, m'avait supplié de revenir. Moi qui n'était rien, elle me faisait me sentir forte.

Depuis une semaine je ne l'avais pas vu. Pourtant, je savais qu'elle était là, je captais son parfum par petite touche lorsque j'allais manger le midi alors qu'elle était venue imprimer un document  à la photocopieuse ou bien que j'allais à notre petite cuisine pour me chercher un café. Je voyais sa tasse, lavée et retournée sur le plan de travail. Je rêvais de poser mes lèvres sur les bords de sa tasse pour savoir ce que cela me ferait de poser mes lèvres là où elle avait posé les siennes quelques heures auparavant. Le soir, j'étais tellement frustrée de ne pas la voir que je partais à la salle de sport pour me défouler sur le ring ou le sac de frappe. Franck me surveillait mais se gardait bien de me faire la moindre remarque. Lorsque je quittais la salle de sport, j'étais épuisée. Je rentrais directement, prenais une douche puis m'écroulais nue sur mon lit. Cela faisait pratiquement deux semaines que je n'avais pas couché avec la moindre fille mais je m'en foutais. Mon cerveau était obnubilé par ma patronne. Je croisais plus souvent Esther, mais elle ne me posait pas de question. Peut-être pensait-elle que je m'investissais enfin pleinement dans mon nouvel emploi et que j'allais enfin trouver un peu de stabilité.
Le midi, je fuyais Carla. Je n'avais pas envie de subir ses questions sur les recrutements de notre patronne, et encore moins d'entendre les ragots de la tour où nous travaillons. Je me prenais un sandwich, je m'installais sur un banc et déjeunais tranquillement. Lorsque mon sandwich était fini, je sortais un carnet de dessin et je dessinais tout ce qui envahissait ma tête. C'est-à-dire ma patronne. J'avais toujours eu une mémoire photographique. Il me suffisait de voir quelque chose pour qu'il se grave dans ma tête. Je pouvais ensuite le restituer les yeux fermés. Je me demandais de qui je tenais ce talent. Ces derniers temps, je pensais de plus en plus à ma mère. Était-ce à cause de moi qu'elle s'était jetée du haut d'une falaise alors que je me trouvais à ses côtés ? C'est ce que mon père et mes frères voulaient me faire croire mais qu'avais-je donc fait de si terrible pour qu'une enfant de trois ans pousse sa mère à mettre fin à ses jours. Je n'avais aucun souvenir de ma mère. J'étais bien trop jeune lorsque le drame était survenu. Parfois, je me demandais comment aurait été ma vie si ni ma sœur aînée n'avait disparu et si ni ma mère ne s'était suicidée. Aurais-je été alors une enfant aimée de ses parents ou bien aurais-je quand même été le vilain petit canard de la famille du Plessis de Lalande ? Des larmes roulèrent sur mes joues sans que je ne puisse l'empêcher. Parfois, je me disais que ma vie n'avait aucun sens et que ma mère aurait dû me prendre dans ses bras avant de sauter de cette falaise. M'avait-elle aimé ? Certainement pas, sans doute ne méritais-je l'amour de personnes. J'arracha avec rage la feuille de mon carnet sur laquelle je venais de dessiner avant de la froisser et de la lancer à la poubelle située à côté de mon banc. Je loupa mon lancer et la boule de papier atterrit aux pieds de hauts talons. Je levais la tête et vit ma patronne ramasser le papier.

La patronne et la rebelle (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant