Le destin de Kim

Chapitre 2 Kim

Point de vue Kimberley

Le rouge me monte aux joues. Sur la photo en sépia, trois femmes nues sont enlacées, il se dégage de ce cliché un érotisme d'un autre temps. Est-ce que mademoiselle Davis était avec deux filles avant d'arriver ? Je ferme d'un coup sec le livre et le range dans ma sacoche. J'essaye de chasser les images inappropriées qui flottent dans mon esprit. La journée commence très fort, je décide de me rendre dans la salle des profs pour me fournir en caféine.

Je rentre dans la pièce, jette mes affaires sur une chaise en soufflant. Ma collègue Mathilde assise face à moi me regarde, perplexe. Cette femme d'une quarantaine d'années est petite, un peu boulotte et c'est l'une des meilleures enseignantes de sculpture.

— Ben dit donc, tu as l'air remonté comme une pendule.

Je me dirige vers la machine à café et me serre une tasse bien chaude. J'enlève mon sac et m'installe à sa place. Mathilde, que je connais depuis un bon moment, attend avec impatience ma réponse.

— C'est à cause d'une élève qui a perturbé ma classe.

— Qui ?

— Tamara Davis.

Mathilde hausse les sourcils et sourit.

— Mademoiselle Davis... C'est une de mes meilleures étudiantes, très douée, mais indisciplinée. Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Elle est arrivée en retard, m'a prise de haut et à la fin du cours, elle m'a provoqué.

— C'est pas vrai ! dit Mathilde en éclatant de rire. Explique-moi...

Je pousse un soupir et récupère le livre dans mon sac. Je l'ouvre à la page 220 et lui montre la photo.

— Voici ce qu'elle m'a dit textuellement : « d'ailleurs, cela explique en grande partie, pourquoi je suis arrivée en retard ce matin »

Mathilde observe le cliché, ouvre de grands yeux et explose de rire.

— Tu trouves ça drôle ? Eh bien, pas moi.

— Cela ne m'étonne pas d'elle. Du coup qu'est-ce que tu as fait ?

— Je lui ai collé une dissertation sur les peintres de la renaissance pour son retard. Bon, je vais te laisser, j'ai cours dans dix minutes.

— OK à plus.

Je sors et pars en direction de ma salle de classe.

La journée passe rapidement. Il est dix-huit heures quand je franchis la porte de l'appartement dans lequel j'habite avec Damien. Je pose mes affaires dans l'entrée, enlève mes chaussures et vais au salon. Mon chéri est assis dans le canapé, en train de regarder un match de baseball à la télé. Damien est sportif, comme en témoignent ses tablettes de chocolat, bien sculptées. Il est PDG d'une grande multinationale de valises. Il adore : son job, les costumes et moi. Quand je rentre dans la pièce, j'ai droit à :

— Tu rentres super tard... tu étais où ? me demande-t-il en guise d'accueil

— Bonjour, mon chéri, dis-je ironiquement,

— Oui, bon ça va. Bonjour, donc tu étais où ?

— Ben en cours, c'était mon premier jour.

Il se lève et me prend dans ses bras.

— Oh ! Excuse-moi, mon chou. J'ai complètement oublié, comment ça s'est passé ?

Il ne me laisse pas le temps de répondre.

— Tu aurais pu me le rappeler quand même... mais, je sais que tu n'as pas de tête, dit-il tout en se rasseyant devant la télé.

Je soupire et me dirige vers la cuisine.

— Je vais aller préparer à manger. Qu'est-ce qui te ferait envie ?

— Ce que tu veux, ça m'ira.

Tout en coupant des carottes, je me remémore notre première rencontre.

C'était il y a cinq ans, je venais de sortir d'un bistrot, chargée de livres quand nous nous étions télescopés. Il m'avait aidé à récupérer mes bouquins au sol et m'avait invité à boire un café. J'ai eu un coup de foudre pour lui et dans les deux heures qui ont suivi, nous faisions l'amour. J'ai littéralement craqué pour son côté américano-asiatique et son physique idéal : pas un poil de graisse, un corps musclé et sa façon de me faire grimper aux rideaux à chaque fois.

Six mois plus tard, nous nous installions ensemble dans son superbe appartement situé en face de Central Park. Bref, le rêve. Même si à certains moments, Damien peut se montrer un brin cynique et me balancer des petites réflexions qui ne font pas toujours plaisir, la plupart du temps, ma vie est vraiment géniale.

Après le repas, Damien étant reparti en urgence bosser au bureau, je décide de tel à Vicky, ma meilleure amie depuis plus de dix ans. Nous étions au lycée en cours de math et on a tout de suite accroché. Vicky a vingt-sept ans, elle est prof de sport. Blonde, athlétique, elle ne jure que par son métier, la nourriture équilibrée et le yoga.

Au bout de quelques sonneries, Vicky décroche, un peu essoufflée :

— Allo ?

— Salut, c'est Kim. Ça va ? Je ne te dérange pas ?

— Jamais ! J'étais en train de me défouler sur mon tapis de course. Quoi de neuf ?

— Pas grand-chose... enfin, si, c'était ma première journée de cours et...

Le cri que pousse Vicky vient de me faire perdre la moitié de mon audition

— Merde ! J'ai complètement oublié de te téléphoner ! Oh p... je suis la pire des meilleures amies !!! Comment ça s'est passé ?

Je souris et lui raconte ma journée. Quand j'arrive à l'épisode de la photo avec Tamara, elle éclate de rire.

— Ouh, mais, dis donc, elle ne serait pas légèrement provocatrice, ton étudiante ?

— Mouais... je la trouve assez insolente, j'aimerais bien qu'elle fasse preuve d'un peu plus de respect, je suis sa prof, dis-je sévèrement.

— Oui, c'est pas faux.

— Et puis Damien m'a à peine demandé comment s'était passée ma journée... ça m'a déçu de sa part.

— Ah, tu sais comment il est, ce n'est pas bien grave après tout.

— Hum, tu as sans doute raison.

— On va boire un verre vendredi soir ? Je finis vers 20 h 30, on pourrait se retrouver au Mc-Lorens pour manger un bout, qu'en penses-tu ?

— Super idée !

— Génial ! Bon, je te laisse, je vais me doucher. Bisous, ma puce, bonne nuit.

— À plus, bisous.

Je raccroche et décide de bosser sur mes cours. Mais mon esprit vagabonde souvent sur cette image des trois femmes nues enlacées. Cette représentation m'a un peu excitée, il faut bien le dire.

Avant d'être en couple avec Damien, j'avais des aventures aussi bien avec des hommes qu'avec des femmes. Les deux m'attirent, mais depuis que je suis avec lui, je ne suis pas allée voir ailleurs, car, pour moi, la fidélité est sacrée.