ALAÏS : TU TE CROIS À L'AUBERGE ?

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Ce matin, Alaïs était bien décidée à préparer comme il se doit son départ.

Bon, par quoi je commence ? Apprendre à me nourrir seule, ce serait pas mal... Elle se vêtit et descendit dans la cuisine prendre une petite collation.

Devika était déjà là :

— Tu devrais manger assise avec ton père, Alaïs, comme il se doit.

Pour toute réponse, elle lui fit un bisou sur la joue, ce qui décrocha un sourire à la cinquantenaire, puis, la bouche pleine, courut jusqu'aux écuries. Cela faisait déjà plusieurs mois qu'elle ne mangeait plus dans la Grande salle. Elle n'avait jamais eu de très bonnes relations avec son père, mais elles s'étaient empirées depuis la disparition de sa mère et de sa petite sœur. À présent, ils ne se parlaient que par nécessité.

Arrivée à destination, la brune tendit une pomme à Vilger et profita de ce moment calme pour le caresser. Il avait l'air ravi.

— Toi et moi, on va bientôt partir vivre une grande aventure ! Il faut que tu sois au meilleur de ta forme !

Après avoir procédé à tous ses soins quotidiens, Alaïs partit en direction des champs, à quelques centaines de mètres des écuries. Ils avaient été labourés il y a une dizaine d'années pour que la cité puisse vivre en autosuffisance et n'aient plus à échanger leurs biens pour obtenir de la nourriture des marchands. Même si les récoltes n'avaient jamais été très fructueuses, cela s'empirait de plus en plus. La moitié des plants n'avaient pas pris, ce qui inquiétait de plus en plus la jeune femme. Que va-t-on devenir ? L'eau douce était de plus en plus rare et cela empêchait un arrosage régulier des plantations. Heureusement, certains légumes comme les laitues et les haricots verts n'étaient pas très gourmands et permettaient de nourrir la population. Pour l'instant.

Quelques travailleurs s'affairaient dans les champs, et elle les salua en passant. Elle continua à contrecœur jusqu'à la boucherie de Raj. Cet homme n'était pas un tendre et elle détestait devoir lui demander des conseils. Mais c'était le chasseur attitré du royaume et le seul qui pouvait l'aider sur ce point. Quand elle ouvrit la porte, l'odeur des carcasses lui donna un haut le cœur. Il n'y avait personne derrière l'étal, alors elle ne se gêna pas pour continuer sa route dans l'arrière-salle, dans laquelle travaillait le boucher les trois quarts du temps.

Ici, l'odeur était encore plus saisissante, et la vue des carcasses suspendues au plafond renforça son malaise. Elle observait le goutte à goutte du sang coulant des corps décharnés sur le grillage au sol, se concentrant pour ne pas détourner le regard et se boucher le nez. S'il voit qu'un peu de sang et des lambeaux de corps me dérangent, il ne voudra jamais m'aider.

Comme prévu, l'imposante silhouette de Raj était là. Il était occupé à découper une viande de petite taille, probablement un volatile. À côté du cou frêle de l'animal, les mains du boucher paraissaient encore plus massives que d'habitude. Cet oiseau a dû mourir étranglé dès que Raj a posé ses mains sur son cou. Au moins, il n'a pas souffert. Elle souffla un bon coup puis se racla la gorge pour que l'homme remarque sa présence.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Sa voix grave résonna dans la salle, voix qui concordait impécablement avec le reste de son physique.

— Bonjour Raj. J'ai besoin de tes conseils...

— Je suis en plein boulot là, ça ne peut pas attendre ?

— Ce sera rapide, j'aimerais que tu m'apprennes à chasser.

Le cœur battant, elle essayait de se donner le plus de contenance possible afin qu'il la prenne au sérieux. Il la regarda de haut en bas et retourna à ses affaires. Visiblement, la technique de la jeune femme ne fonctionnait pas.

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