BAQI : N'GALA, N'ÉCOUTEZ QUE MA VOIX

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C'est au rythme de la nature et de la musique que Baqi menait sa vie. Il était loin dans la jungle quand les gouttes d'eau tombèrent du ciel, dans un tempo qui résonnait en lui tel une musique apaisante. Les bouts de ciel qu'il pouvait apercevoir à travers les branches épaisses des arbres à lianes étaient sombres, signe que ce n'était pas une pluie passagère. Il tenait là l'invitation pour rentrer auprès des siens. 

Il récolta le fruit le plus mûr du papayer, le jeta dans son panier et entreprit sa descente à la force de ses jambes et de ses bras. Un jeu d'enfant auquel Baqi s'était prêté toute sa vie.

C'est avec une certaine fierté qu'il ramena au camp ses trouvailles du jour : du manioc, de la patate douce et des papayes. Les filles vont être aux anges ! Il fut accueilli avec des rires d'enfants, un des sons qu'il préférait. Les petits du village profitaient de la pluie pour se laver tout en dansant, ce qui le fit sourire. Parmi eux, se trouvaient ses deux plus petites filles, Zuri et Amara. Il les interpella :

— N'oubliez pas de frotter les orteils !

Elles lui répondirent par un gloussement.

— Où est votre sœur ?

C'est Zuri, la plus âgée des deux, qui lui répondit. Avec le poids de l'eau, ses cheveux crépus étaient plaqués sur son crâne, ce qui la rajeunissait davantage.

La voir ainsi se comporter comme une simple enfant lui faisait chaud au cœur. D'habitude, Zuri mettait un point d'honneur à s'occuper de tout le monde et à prouver qu'elle avait une certaine maturité. Depuis que ses amis l'avaient tous dépassés d'une tête, elle était obsédée par son apparence, laquelle lui faisait paraître six ans alors qu'elle en avait huit.

Sachant qu'elle prenait à cœur les remarques à ce sujet, Baqi garda cette constatation pour lui.

— Avec maman, à la maison !

Baqi hocha la tête et traversa les quelques cabanes de bambous typiques de son île qui le séparaient de la place centrale. Il déposa les vivres dans le grand panier tressé prévu à cet effet et continua son chemin pour atteindre la dernière habitation, un peu plus excentrée que les autres. Comme d'habitude, il fut obligé de se baisser pour pouvoir passer la porte étroite. Le bruit sourd des pilons tapant contre la planche de bois lui confirmait qu'il était bien chez lui.

À l'intérieur, son épouse et Kaya étaient en train de cuisiner. La chaleur était étouffante, malgré la pluie, et Baqi était admiratif du courage qu'elles avaient de rester à l'intérieur. Ifène, sa femme, s'essuya le front avec son avant bras et mit un petit coup d'épaule à Kaya en lui indiquant la porte d'entrée.

— Baba ! s'exclama sa fille aînée avec un grand sourire.

— Heureusement que la pluie est là pour te ramener ! enchaîna sa femme avec un regard malicieux. Qu'est ce que tu as ramené ?

Baqi fit un signe de la main qu'il voulait nonchalant.

— Des patates douces, du manioc et de la papaye...

— De la papaye ? Waouh génial, j'ai hâte de la manger ! s'écria Kaya en portant les poings à sa bouche. J'espère que tu l'as pas dit à Amara, sinon elle va tout finir !

Baqi rigola puis mima une bouche cousue. Sa fille prit un air satisfait et retourna à sa besogne. Contrairement à Zuri, il avait sans cesse l'impression que Kaya grandissait à chacun de ses réveils, et cet effet s'intensifiait lorsqu'elle s'occupait de la maison avec sa mère, son modèle. Il faut dire que la ressemblance entre la mère et la fille était frappante : Kaya avait les traits fins d'Ifène, sa bouche pulpeuse et son corps svelte. Elle aimait porter ses cheveux en tresses comme le faisait sa mère, ce qui accentuait leur similitude. De son père, elle avait seulement tenu de sa couleur ébène, plus foncée que celle de sa mère, bien qu'il ne fallait pas négliger que Kaya ait aussi hérité de son caractère. Une bonne chose.

Les ÉmergésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant