BAQI : DÉSIGNÉ POUR ÊTRE LE MESSAGER

9 2 0
                                    


Le lendemain matin, Baqi prit quelques minutes pour rester allongé avec sa femme avant de se lever. Elle était belle quand elle dormait, et l'observer ainsi était un de ses moments préférés. Le calme rare de sa maison n'était appréciable qu'à ce moment de la journée.

— On en a déjà parlé, c'est gênant ce que tu fais, chuchota-t-elle, les yeux toujours clos.

— Je profite tant que je le peux, on ne sait pas de quoi demain est fait.

Elle se rapprocha pour sentir son corps contre le sien.

— Tu te souviens de ta cérémonie ?

Baqi leva les sourcils, amusé.

— Evidemment ! J'étais tellement pressé de me métamorphoser que je me suis éclipsé dans la jungle en plein milieu !

Il n'avait jamais vu le Shaman aussi furieux que ce jour-là. À l'époque, ce dernier était plus vigoureux et l'avait vite retrouvé dans la jungle. Pas sûr qu'il puisse suivre le rythme, aujourd'hui. Cette pensée lui décrocha un sourire nostalgique. Ifène posa sa tête sur son torse et lui caressa doucement le bras.

— Ça a dû être étrange de te sentir si près du sol, surtout pour toi, mon gentil géant.

Il grimaça.

— Ah oui ! J'étais terrifié ! D'ailleurs, je ne me suis pas transformé pendant plusieurs jours après ça !

Ils rigolèrent, puis il enchaîna :

— Je me souviens aussi de ta première métamorphose. Tu étais déjà une jolie petite fille, mais en lionne... Tu étais majestueuse !

Un sourire narquois se dessina sur le visage d'Ifène.

— Et tu ne m'as plus jamais embêtée après ça ! Je me demande quels seront les animaux totems des filles...

— Amara sera sûrement une loutre, elle passe tout son temps dans l'eau à faire des bêtises...

Sa femme regarda gravement son mari et son sourire s'effaça.

— J'espère que non...

Baqi, regrettant cette réponse trop spontanée, se mordit la lèvre. Il se força à sourire et changea de sujet d'une voix douce.

— Et Zuri... Un âne ?

Elle éclata de rire. Baqi ferma les yeux une seconde pour graver ce son dans sa mémoire. Un de ses préférés. Le rire franc et communicatif de son épouse était sans aucun doute ce qui l'avait fait chavirer lorsqu'ils n'étaient encore que des adolescents.

— Parce qu'elle est têtue ?

— Exactement !

Il se joignit à elle dans la rigolade, soulagé qu'elle ait oublié l'épisode de la loutre.

Le rideau de leur chambre s'ouvrit brusquement et trois petites filles apparurent, l'air endormi. Elles observaient leurs parents et attendaient. Ifene cacha son visage dans ses mains et chuchota :

— Tu crois qu'elles nous ont vu ?

Baqi murmura également, un sourire en coin.

— En tout cas, elles nous ont entendus.

Sa femme s'assit et dénoua le nœud qui maintenait le tissu qu'elle portait la nuit pour protéger ses cheveux.

— Vous pouvez venir, les filles.

Les concernées ne se firent pas prier pour sauter sur leurs parents et les couvrir de bisous. Elles se battaient pour être à côté de leur mère, comme toujours, et Baqi, lui, s'efforçait de se frayer un passage entre bras et jambes pour obtenir un calin de l'une d'entre elles. Ces matins-là étaient un peu violents, mais formidables. Le genre d'instants que Baqi priait pour garder en mémoire.

Les ÉmergésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant