ANIL : CA NE VA PAS ÊTRE SIMPLE

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Des plumes blanches et des gouttes de sang jonchaient le sol rocheux de la grotte. En suivant les traces, Anil n'eut aucun mal à retrouver l'animal. Son souffle se coupa. Alors c'est vrai !

Il était aussi beau que dans ses souvenirs, mais paraissait plus grand, vu de près. La couleur nacrée du Nam-Kha était d'une pureté incroyable, le rendant presque brillant. Ses plumes se chevauchant les unes les autres faisaient penser à des vagues de sel, et son bec imposant ne laissait aucun doute sur sa puissance.

Chez les Tibétains, entrer dans le nid d'un Nam-Kha sans y être invité était un sacrilège. Mais Anil n'avait pas le temps de se sentir honteux : la respiration de l'animal semblait saccadée et il paraissait en souffrance. Au vu du sang éparpillé dans la grotte, il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il était blessé.

L'oiseau était allongé les yeux fermés, mais le garçon se méfiait. Si ses gestes étaient trop brusques, le Nam-Kha pouvait se sentir en danger et attaquer. Voulant signifier sa présence et avoir son approbation pour approcher, Anil fit la seule chose qui lui vint à l'esprit ; il siffla trois fois avec ses doigts et patienta, ses yeux bruns fixant l'animal. Ce dernier releva la tête, toisa le jeune homme plusieurs secondes, puis referma ses yeux en se rallongeant.

Le fait de ne pas se faire lacérer ou becter par le Nam-Kha fut suffisant pour Anil, qui s'approcha doucement de l'animal. Comme il le soupçonnait, son aile droite, repliée sur elle-même, était échymosée. À cet endroit, quelques-unes de ses plumes étaient collées par du sang séché. Il palpa doucement son aile pour juger sa raideur et fut agréablement surpris par la douceur de ses plumes. Mais à ce contact, l'oiseau eut un mouvement de recul et tenta, avec son bec, d'atteindre la main d'Anil qui eut le bon réflexe de se reculer rapidement.

Le Nam-Kha gardait à présent la tête relevée, l'œil méfiant. Anil le défia du regard.

Le guérir sans le toucher, ça ne va pas être simple... Anil recula de quelques pas et contourna l'oiseau pour examiner le reste de son corps. Il remarqua que les pattes du Nam-Kha étaient recroquevillées sous son corps.

— Tu me ferais le plaisir de te tourner ? Que je puisse regarder tes pattes ?

L'animal lui jeta un dernier regard puis reposa sa tête pour continuer sa sieste.

— OK. Bon, je vais partir du principe que tes pattes sont cassées, puisque, si je ne suis pas complètement fou, tu t'es cogné sur la falaise en partant, la dernière fois. Vu l'abri de fortune que tu t'es trouvé, j'imagine que tu es ici depuis la tempête, donc depuis sept jours. Tu dois être mort de faim et de soif... Je vais t'apporter de quoi te remettre sur patte, d'accord ? Je reviens le plus vite possible !

De mémoire, le jeune garçon n'avait jamais descendu la montagne aussi rapidement. Il ne saurait dire s'il était porté par son besoin d'aider le Nam-Kha ou bien par son excitation d'avoir eu raison. J'ai hâte de voir la tête de Sonam !

Son esprit tournait à plein régime. Si je réussis à sortir l'oiseau de ce guêpier, peut-être qu'il me laissera voler sur son dos ? Que je pourrai rejoindre les protecteurs ? Peut-être que les moines feront une exception ?

Arrivé au temple, il prit dans un premier temps le chemin de la faction des nourriciers pour récupérer de quoi sustenter l'animal. Il ôta ses chaussures et entra dans le sanctuaire de Tsheringma, Déesse des montagnes et protectrice des terres et des habitants. Chevauchant son symbolique lion des neiges, la Déesse majestueuse au visage serein, vêtue d'une robe et de parures précieuses, était représentée tenant un vase d'immortalité. Ce dernier était censé apporter prospérité et abondance à son temple, et Anil joignit ses mains pour lui demander de l'aider à nourrir le Nam-Kha.

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