Les larmes de nos ancêtres - Partie II

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"Et elle lui transmis non seulement la vie, mais aussi le poids de rêves brisés, d'espoirs silencieux, et de fardeaux invisibles."

MM


Soudain, un bébé se mit à pleurer.

Je me réveillai en sursaut, trempée de sueur. Je mis quelques secondes à reprendre mes esprits. Je n'étais pas au fond d'une cellule. Je n'étais pas face à Maximilian Malkam. C'était mon propre enfant qui pleurait. Hélios.

Pantelante, je m'extirpai du lit pour rejoindre le berceau de mon fils. Ilyana m'avait devancée, elle berçait doucement Hélios dans ses bras pâles.

Mon amie avait gracieusement accepté de dormir dans mes appartements, près du berceau d'Hélios, afin de m'aider à m'occuper de lui. C'était peut-être idiot, mais je n'arrivais pas à m'en occuper seule. Je ne savais pas, plutôt. Dans la Tour, j'avais eu une armée de domestique pour m'aider, et même si j'avais insisté pour le nourrir au sein, c'était la seule chose que je savais à peu près bien faire. Et très souvent, c'était les domestiques qui s'étaient occupées de lui donner le biberon tiré de mon lait en pleine nuit. Pour le reste, j'étais dépendante des autres. Ilyana, qui s'était souvent occupée de ses cousins, avait l'habitude, elle m'apprenait patiemment à m'occuper de mon propre fils. Cela me rappelait à chaque fois à quel point j'étais démunie. J'en souffrais, mais ce n'était qu'un détail par rapport à tout ce qui se passait actuellement, je ne pouvais pas pleurer sur mon incompétence longtemps. J'aurais pu demander de l'aide et Lysandre m'aurait certainement fait envoyer des domestiques, mais je comprenais maintenant que ce n'était pas une solution à long terme. Je devais apprendre à m'occuper moi-même de mon fils.

— J'allais te réveiller, me dit-elle d'une voix ensommeillée. Il a faim.

Je hochai la tête, mais mon esprit était encore dans cette cellule au fin fond de Myrange.

Je pris place sur une chaise à bascule. Elle était en bois, mais Ilyana avait ajouté des coussins et des couvertures pour que cela soit plus confortable.

Ilyana déposa délicatement Hélios dans mes bras, et rapidement, il se mit à téter. Mon sein me lança, et je grimaçai. Dans la Tour, avec tous les médecins et infirmiers autour de moi, je n'avais jamais manqué de rien, et très souvent, ils anticipaient mes besoins. Je me souvenais avoir appliqué une crème sur ma peau pour éviter ces tiraillements.

— Pourras-tu demander à une des servantes si elle aurait de quoi soulager ces tiraillements ? demandai-je à Ilyana. Je crains que je ne puisse bientôt plus allaiter sinon.

Elle acquiesça.

S'occuper d'un enfant était bien plus compliqué que je le pensais. Surtout lorsqu'on était seule. J'avais une chance immense d'avoir Ilyana à mes côtés. Mais j'aurais aimé avoir ma mère. Je chassai cette pensée bien vite, s'apitoyer ne m'aiderait en rien.

— Si tu le souhaites, je pourrais demander une nourrice, elle pourrait te remplacer. Je ne veux pas que tout cela te pèse, lui dis-je.

Ilyana secoua la tête et ses yeux couleur bronze se posèrent sur Hélios.

— Non, je tiens à t'aider moi-même. Tu dois apprendre à pouvoir gérer tout ça seule, et une nourrice refusera de te laisser s'occuper de lui, et c'est normal, c'est son travail. Je l'aime, tu sais. Il me rappelle...

Elle lui caressa les cheveux, qui prenaient chaque jour une teinte plus dorée – se rapprochant de ma propre nuance de blonds et s'éloignant de celle, plus claire, de son père. Une immense tristesse obscurcit son regard.

La Tour d'Ivoire - Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant