La Tour d'Ivoire - Tome 4

Le Loup Noir

"Bien après que tous ces événements eurent  lieu, les gens ne cesseront de s'interroger : qui était vraiment le véritable héros de cette histoire ? Était-ce Era Eléazar et la lumière de renouveau qu'elle apportera au monde ? Ou bien Amara Amjal, qui, bien qu'elle faillit passé du mauvais côté de l'histoire, a su rassembler autour de son symbole et de ses idées des milliers d'hommes et de femmes à travers tous les âges ?

D'un point de vue personnel, je pense qu'un grand héros est un héros qui aurait tout aussi bien pu être le méchant de l'histoire, Amara Amjal rempli tous ces critères. Elle a toujours été à mes yeux la véritable figure de ce siècle, éclatante d'humanité dans toute son imperfection.

Ce que l'on peut toutefois dire sans trop susciter de controverses parmi les experts , c'est que chacune d'elle a graver sa légende dans la grande toile de Histoire de l'Humanité."

Les chroniques de l'inconnu au visage de cendre

Elina

— Vous me laissez parler, c'est compris ? lui répéta une énième fois Naé.

Elina hocha la tête, agacée.

Le visage de la vieille femme était dissimulé sous une lourde capuche, de sorte qu'Elina ne distinguait pas les traits de son visage.

— Je croyais que vous aviez confiance en cette personne ? souffla la jeune femme.

— Jadis, oui. Mais les gens changent.

— Peut-être est-ce une mauvaise idée ? Le risque...

— Nous n'avons pas le choix, la coupa Naé. Nous ne pouvons espérer quitter la ville sans aide. Les choses ont empiré depuis ma dernière visite.

Elina avait des doutes. Elle sentait la peur s'emparer peu à peu d'elle. Jamais auparavant elle n'avait été aussi proche du danger. Comparée aux autres Joyaux d'Émeraude, elle n'avait pas encore mis le pied sur un champ de bataille, n'avait jamais tué personne. Elle savait se battre, espionner, tuer s'il le fallait et mentir. Mais pour la première fois de son existence, elle se sentait en danger de mort. Elle avait 16 ans depuis peu, et elle n'était pas prête à mourir.

Elle aurait aimé que Lorenzo soit là. S'il avait survécu pendant si longtemps en s'attirant autant d'ennui, c'était qu'il devait posséder un instinct de survie imparable. Si le pirate avait d'abord accepté le plan de Naé, peut-être qu'il changerait d'avis à présent, peut-être ressentirait-il les mêmes doutes qu'elle. Mais Lorenzo n'était pas là. Il avait insisté pour sortir seul. Il avait « des affaires à régler », et Elina n'avait pas réussi à le convaincre de rester. Quant à Naé, elle avait simplement répondu :

« Laissez petite, les êtres comme lui sont poussière et vent, on ne peut les obliger à rester ».

Lorenzo leur avait dit qu'il irait guetter les différentes sorties de la ville, il était certain qu'il trouverait un passage qui ne soit pas gardé.

« Faites-lui confiance, le pirate sait ce qu'il fait. » avait ajouté Naé.

Connaissant Lorenzo, cela ne la rassurait pas du tout, au contraire. Il était censé les rejoindre dans une demi-heure, ici même.

— Et quand était votre dernière visite ?

La femme ne lui répondit pas, et sans un mot frappa trois petits coups sur la porte.

Il faisait nuit, l'air s'était un peu rafraichi, mais la ville portuaire, avec ses bâtisses en pierre, avait emmagasiné assez de chaleur pour qu'Elina trouve l'air étouffant.