Le Point de Non-Retour

Chapitre 7

Liam

3 septembre 2023

Une fois l'addition payée, Dim me fait signe de le suivre jusqu'à l'extérieur du bâtiment.
À peine lève-t-il le bras que pas moins de trois taxis s'arrêtent en face de nous.
Qu'est-ce que j'aimerais avoir ce pouvoir sur les gens, moi aussi.
Je déteste être en voiture sans pouvoir conduire, ça me démange. Mais malheureusement, l'aspect dernière minute de notre week-end ne m'a pas permis de me préparer correctement pour l'occasion, et d'en emporter une de ma collection. Par ailleurs, le garage de Kensington était vide à mon arrivée, puisque j'ai emmené à Paris la dernière voiture qui y restait, m'imaginant que je ne reviendrais pas de sitôt.
Quel idiot.
C'est le genre de truc qui n'arriverait jamais à Dimitri.
Mon meilleur ami indique ensuite au conducteur du taxi le plus proche l'adresse d'un restaurant à Mayfair, ce qui m'étonne au premier abord - vu qu'on vient à peine de se gaver de canapés au Ritz - jusqu'à ce que je réalise de quel emplacement il s'agit.
On ne va pas dîner. Il m'emmène en réalité au Black Out, la boîte de Charlie.
Enfin, la chaîne de boîtes de nuit appartenait au père de Charlie mais comme il est...mort - faute d'un autre terme plus pertinent pour décrire son état - les parts financières de la société ont été distribuées équitablement entre les quatre fils Dumas. C'est à dire Théodore, l'aîné, Charlie et Benji, les jumeaux, et Henry, le cadet, qui ne commencera à toucher les bénéfices de ses parts qu'une fois qu'il aura atteint la majorité.
Ils ont des emplacements un peu partout dans le monde, dont un à Londres, dans un des quartiers les plus chics de Soho.

Les Dumas sont franco-américains, le défunt père de Charlie étant français et sa mère, quant à elle, originaire de Floride. C'est d'ailleurs à Miami qu'il a passé le plus clair de son enfance. Il a grandi là-bas avec seulement quelques séjours à Paris jusqu'à ses 14 ans.
Quand il est arrivé à l'ISE en troisième parce que ses parents voulaient changer d'air, il nous a tous rencontrés, Dim, Aurore, Mila et moi - il connaissait déjà City. C'est ainsi que notre groupe au complet s'est créé.
Charlie nous parlait souvent d'Astrid, sa copine - et son premier amour fou - abandonnée à Miami. Il avait tellement hâte qu'on la rencontre enfin, cette boule d'énergie aux cheveux roses que nous avions pu apercevoir maintes fois grâce à des clichés pris par Charlie.
Alors que nous étions enfin supposés la rencontrer, l'été avant notre rentrée officielle au lycée, le sort s'est abattu sur mon ami. Incapable d'aller la chercher à l'aéroport le soir où elle était supposée atterrir puisqu'il avait un casting tardif important, Astrid lui avait assuré qu'elle se procurerait un taxi et le rejoindrait directement chez lui, attendant patiemment qu'il eu terminé son audition. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi.
Le père de Charlie s'est aventuré jusqu'à l'aéroport et a proposé à cette dernière de la raccompagner. Astrid n'y a vu aucun inconvénient puisque la relation entre Charlie et son père s'était agréablement adoucie quelques semaines avant l'événement. Malheureusement, c'était évidemment trop beau pour être vrai.
Un mauvais virage, et tous deux ont brûlé vif dans la Tesla qui a pris feu sur l'autoroute.
Le fin mot de l'histoire reste en suspens, même si Charlie - aussi bien que Dim - ont toujours été persuadés qu'il s'agissait de l'ultime doigt d'honneur que Léandre Dumas aurait fait à son fils.
Cette tragédie a profondément traumatisé l'homme auquel je suis si attaché.
Ce gars-là a toujours été un rayon de soleil, malgré son passé sombre et sa situation familiale plutôt précaire. Mais quand Astrid est décédée dans l'« accident » de voiture, quelque chose de fondamental s'est brisé en lui. Il a bien failli sombrer dans une spirale de désespoir. Ça aurait été le cas, je crois, si Dimitri et moi n'avions pas été là pour l'en sortir. J'imagine que son aventure récente avec Mila a aussi été bénéfique à sa réouverture aux sentiments plus que nécessaire.
Sans parler de son chien, Pizza, qui lui a également permis de remonter la pente à coup de câlins et de léchouilles déplaisantes que seul Charlie semble apprécier.
Dim, quant à lui, a moins été charmé par l'animal à quatre pattes qu'il a été forcé d'apprivoiser. Je me rappelle encore la soirée où Mila et Charlie sont revenus alors que je squattais leur canapé pour regarder une rediffusion du Loup de Wall Street avec Dim, tenant dans leurs bras un bébé yorkshire terrier.
Je me rappelle aussi la tronche à mourir de rire qu'à tiré Dimitri quand, après leur avoir demandé pourquoi ils avaient choisi ce prénom farfelu, Charlie a répondu, je cite, « On avait la dalle ».