✩₊˚.⋆☾⋆⁺₊✧ ✩₊˚.⋆☾⋆⁺₊✧
Ce matin, je n'ai pas cours. C'est Vendredi et je n'ai que 4h de retouche d'image l'après-midi avec Mrs Johnson, une hippie d'une cinquantaine d'années, un peu folle et peu aimable, mais assez drôle quand on apprend à la connaitre.
Je m'étire longuement, profitant de la douceur matinale. L'air est frais et légèrement parfumé par la brise hivernale qui entre par la fenêtre entrouverte. La chambre est en désordre, avec des livres et des magazines éparpillés un peu partout, et mon ordinateur portable trône au centre du bureau, entouré de tasses de café vides et de notes griffonnées à la hâte.
Je m'apprête alors à entamer ce que je n'ai pas pu terminer la veille à cause d'un petit imprévu nommé "soirée crêpes" : les retouches des portraits. J'aurai pu sortir, j'en ai largement le temps. J'ai presque trois semaines d'avance sur mon planning, mais c'est plus fort que moi. Depuis que je ne suis plus avec Jérémy, ma seule activité est le travail, et quand je n'en ai plus, je m'arrange pour en trouver et je m'efforce de repousser ces souvenirs encore vifs en me concentrant sur ma passion pour la photographie. Les deux soirées précédentes faisaient exception dans ma nouvelle routine. Cela faisait des mois que je n'étais pas sortie avec mes collègues photographes sous prétexte que "j'avais du travail". Soyons honnêtes, c'était faux. Je sens parfois brièvement que le manque de socialisation pèse lourdement sur mes épaules, mais je trouve du réconfort dans l'idée que je progresse constamment dans mon art. Je pense que le travail est une manière pour moi de penser à autre chose, de faire mon deuil en saturant mon cerveau déjà si proche du burn out. C'est ce qui s'appelle combattre le mal par le mal. Tandis que pour Benjamin, le remède, c'est l'alcool ; pour moi, c'est le travail.
Après une bonne douche, je prends le temps de me préparer un petit déjeuner simple. Je découpe quelques fruits frais - des fraises juteuses, des bananes mûres et une poignée de myrtilles - et les mélange avec du yaourt nature et du granola croquant accompagnés d'un verre de jus multivitaminé. Puis j'ouvre mon ordinateur et me prépare une infusion le temps que la barre de chargement, en dessous de la petite pomme blanche, termine ce qu'elle a à faire. Le sifflement de la bouilloire me rappelle des matins tranquilles chez ma grand-mère, et une vague de ce que j'imagine être de la nostalgie me traverse pour aussitôt disparaître. Oui, j'ai les habitudes d'une grand-mère de 75 ans, et alors ?
L'eau bout, je remplis ma tasse à l'effigie de l'entreprise pour laquelle travaille mon père en chantonnant sur du Radiohead qui sort de mes écouteurs. La musique me transporte et adoucit la monotonie de ma routine spéciale retouches. C'est au tour du logo "Ps" bleu de s'afficher sur mon écran et j'importe toutes les images sélectionnées mais non retouchées de la veille. La lumière bleue de l'écran éclaire mon visage, et je m'installe confortablement sur ma chaise, prête à plonger dans le travail. Le visage de Remy s'affiche enfin dans la fenêtre Camera Raw affiliée à Photoshop où j'effectue un premier développement. J'ajuste la balance des blancs afin de rendre les couleurs plus naturelles, puis j'ajuste l'exposition et le contraste pour récupérer toutes les nuances dans les noirs et dans les blancs. Une fois tous ces premiers paramètres réglés à ma convenance, j'ouvre enfin les images dans photoshop où les portraits ne sont plus un visages ni une personne, mais des assemblages de couleurs et de formes. Le processus est presque méditatif, chaque clic de la souris apportant une petite satisfaction alors que l'image se transforme petit à petit sous mes yeux. J'ajoute un éclat dans l'œil sur une image, enlève des traces de pas sur le fond sur une autre, ou encore efface tous les petits cheveux essayant de s'échapper des wavy hair de Remy. J'utilise l'outil appelé courbe pour modifier l'exposition générale, contraster mon sujet et assombrir mon arrière-plan.
VOUS LISEZ
Sans états d'âme
RomanceOlivia a quitté la France pour faire ses études aux Etats-Unis. Lorsqu'elle se voit dans l'obligation de travailler avec le seul mec solitaire, inexpressif et impénétrable de sa promo, elle remet en question tout de son plus lourd fardeau. Elle qui...