L'accident

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Lorsque j'étais petite, mon père faisait beaucoup de voyages d'affaire ce qui engendrait des conflits entre mes parents. Dès lors que mon père partait, ma mère devait s'occuper seule de ma sœur qui, à cette période n'avait encore qu'un an, et de moi qui n'en avais que 10 en plus de son travail à plein temps.

Après un de ses déplacements à Londres, les voyages de mon père se firent de plus en plus nombreux, il partait de plus en plus souvent et nous ne le voyions que très peu. Ma mère n'en pouvait plus, elle ne dormais plus et se nourrissait très peu. Il pouvait lui arriver de ne pas penser à nous réveiller le matin, ce qui nous faisait très fréquemment arriver en retard, ou même d'oublier ma sœur à la crèche. De plus, lorsque mon père rentrait à la maison après un déplacement, il retrouvait la maison sans dessus dessous, des vêtements négligés qui jonchaient le sol, un évier remplit de vaisselle sale, des traces de crasses sur tout les murs, tout était dans un état catastrophique.

Mon père décida alors d'organiser une semaine de vacances dans les Alpes « en amoureux » comme il aimait tant le dire. Il avait tout parfaitement préparé, ils logeraient dans un chalet avec une vue merveilleuse, sur un temps scolaire pour qu'il n'y ait presque personne, il avait trouver des restaurants, des salons de beauté, de belles randonnées à faire... Tout était vraiment parfait !

La date de leur départ arriva très rapidement, il était 18h lorsque mon père rentra du travail. Les valises étaient prêtes, ma mère avait pris une semaine de congé et ma grand-mère était sur le chemin pour venir nous garder pendant leur voyage. C'était la première fois que je ne voyais pas mes parents pendant aussi longtemps et j'étais triste de les voir partir mais j'étais heureuse de savoir que ma grand-mère nous garderait pendant une semaine entière. La sonnerie de la porte d'entrée retenti et je courus pour l'ouvrir mais ce n'était qu'un livreur qui venait déposer un colis pour ma mère. Déçue je remontais dans ma chambre et peu de temps après mamie arriva je me jetais dans ses bras, sourire aux lèvres. Je me surpris même à verser une petite larme car je ne la voyais que très rarement : elle habitait loin et voyageait souvent, d'ailleurs, elle me tendit un cadeau de son dernier déplacement en Chine. Une petite peluche en forme de panda et un flacon de parfum à la vanille, je filai dans ma chambre l'essayer pendant que mes parents s'occupaient des derniers préparatifs. Ils partirent dès que tout fut prêt. J'étais très heureuse car ma mère s'en alla avec un grand sourire, que je n'avais pas vu depuis très longtemps sur son visage.

Mamie accepta de commander des pizzas pour le dîner bien que ma mère avait préparer un repas, mais après tout, nous avions une semaine pour le manger non ? La semaine passa très rapidement, nous avions fait quelques activités : coutures, visites de musées, nous étions même allées au restaurant. Nous nous promenions dans les bois quand mamie reçu un message de ma mère pour dire qu'elle et mon père partaient et qu'ils seraient là dans 4 heures. J'étais contente de les revoir mais je savais que ça signifiait que ma grand-mère allait partir ce qui me faisait mal au cœur. Nous finissions la balade puis nous rentrions à la maison pour préparer le repas avant leur retour. J'aidais mamie à faire la cuisine lorsque son téléphone sonna, elle s'enferma dans la chambre d'ami et je ne pu entendre ce qu'elle disait. Elle passa une bonne heure cloîtrée dans la pièce, quand elle sortit enfin elle avait des poches sous ses yeux qui étaient injectés de sang. Je devinais qu'elle avait pleuré néanmoins je n'osais pas lui demander quoi que ce soit sur le sujet car de toute évidence elle ne souhaitait pas m'en parler. Ma petite sœur se mit à pleurer et je profitais de ce laps de temps pour jeter un coup d'œil à l'historique d'appels de ma grand-mère seulement, elle était intelligente : elle l'avais effacé ! J'entendis ses pas sur le carrelage alors je m'empressais de reposer son téléphone avant qu'elle ne remarque que je l'avais pris. 

Nous cuisions les pommes de terre pour les frites lorsque ma grand-mère eut un comportement étrange, elle bafouilla en me disant de rester quelques minutes seule pour qu'elle aille chercher d'autre pommes de terre au magasin sous prétexte qu'il en manquait. Elle partit mais je savais très bien qu'il y en avait assez. Quelque chose clochait mais je ne savais pas quoi...

Quelques minutes plus tard, elle revint mais lorsqu'elle rentra dans la maison quelqu'un la suivait, et ce quelqu'un, c'était ma mère. Je m'empressa alors de demander où était mon père mais la seule réponse que j'obtins fut des pleurs. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Une fois calmée, ma mère vint me parler. Entre deux sanglots, elle m'expliqua que mon père était parti rejoindre papy, qui était décédé 2 ans plus tôt. Je n'arrivais toujours pas à assimiler correctement la chose. Alors elle me raconta qu'il était parti au ciel, que son âme reposait, à présent, en paix...enfin tous ce qu'on pourrait dire à une enfant de 10 ans pour lui faire réaliser qu'elle ne reverra plus son père. Je fondis en larme tandis que ma mère et mamie me prenaient dans leurs bras. Pourquoi avait-il décidé de m'abandonner ? Pourquoi maintenant après tout l' amour que je lui avait offert ? Je ne saisissait rien à la situation à cet âge là.

Je mis énormément de temps à comprendre exactement ce que voulait dire la mort. Ma mère remarqua que ma santé se déclinai peu à peu et à l'âge de onze ans, elle décida de m'emmener voir une psychologue. Et, sans grandes surprise, elle découvrit que je faisait parti des personnes qui ont beaucoup de mal à accepter les gros changement tels qu'un décès, un déménagement ou une altération assez importante de comportement. Et bien évidemment, pour arranger les choses ma mère était devenue méconnaissable au niveau de son attitude. 

À cause de cette accumulation de mauvaises choses, j'allais vraiment mal et je fut diagnostiquée dépressive. Ma mère me déscolarisa pour que je puisse me reposer et faire ce qui me plaisait dans la journée. Ma psy m'a toujours dit que mon cas était très spécial parce que dans la vie de tous les jours je paraissais vraiment très heureuse. Bien entendu je ne l'étais pas vraiment, seulement je préférais me taire par peur de déranger les autres. Quand je n'allais pas très bien je m'occupais de ma petite sœur ce qui me remontait facilement le moral.

Lors de mon douzième anniversaire, ma mère m'avait organisée une belle fête colorée avec des confettis, une piñata licorne, des bonbons, des gâteaux, pleins de copines pourtant quelque chose clochait. Je n'arrêtais pas de penser à mon père et je me rendis compte que je ne savais toujours pas exactement de quoi il était décédé. Ce ne fut que là, que j'appris dans quelles circonstances il était mort... je le demandais à ma mère et elle me répondit qu'ils avaient eu un grave accident de voiture, elle avait pris feu et le temps de réaction de mon père fut trop lent, la fumée l'asphyxia avant qu'il put s'extirper de la voiture. Ma mère, par miracle s'en était sortie indemne. Lorsque ma mère m'expliqua cela je m'en voulu de reproché pendant quelques instants à ma mère la mort de son mari. Je partis dans ma chambre pour lâcher quelques larmes puis revint souffler mes bougies.

Je mis beaucoup de temps à digérer cette information et ma mère avait bien compris  que cela me tracassait car elle essaya de me consolée quant au décès de mon père. Elle me dis qu'il était bien là où il se trouvait et que, en temps voulu, nous le rejoindrions. Cela me rassura quelque peu. J'avais juste l'impression qu'une partie de moi s'était envolée le jour où je découvris que je ne le reverrai jamais.

Je pourrais écrire des centaines de pages sur mon père, tout l'amour qu'il m'avait offert, tout les bons moments passés en sa compagnie et tout les cadeau géniaux qu'il m'avait fait. Malheureusement je crains de ne pas avoir assez de temps... 

PèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant