Chapitre sans titre

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Nous demeurâmes ici durant près d'une heure sans même s'adresser un mot... Les gazouillis des oiseaux commencèrent à se faire entendre. Je vis une tourterelle, qui avait fait son nids dans le mûrier platane de mon jardin, arriver, vers dans le bec. Je l'observais nourrir ses tourtereaux qui n'avaient encore que quelques petits poils de duvet qui commençaient à apparaître. Ils allaient vite grandir et quitter le nid...

Corentin retourna dans la maison, je le suivis. Il pris son téléphone et parti dans le couloir entre la cage d'escalier et ma chambre. Je l'entendis parler puis plus rien avant un discret « Je te rappelle plus tard, bisous... ». Il revint dans la chambre les yeux gonflés de larmes, tout en reniflant il me dit :

- Mon... mon père est dans un coma éthylique...

- Oh... bordel... je... je suis désolée pour toi...

Il s'assit sur le lit.

- Je peux être seul un instant ?

- Pas de soucis, je vais me préparer puis faire un tour à la salle des fêtes voir comment se passe l'installation du brunch. Je reviens d'ici une trentaine de minute, je me dépêche !

Il me lâcha un « OK » du bout des lèvres.

J'enfilai rapidement un jean large, une légère chemise en lin. Un peu de déodorant, un peu de parfum, un coup de brosse sur les cheveux (sans oublier les dents) et j'étais partie.

Je trottinai jusqu'à la salle j'arrivai donc assez rapidement sur le parking entre l'hôtel et le grand bâtiment où s'était déroulé la fête. La même odeur que ma mère et Anthony m'avait partagée lorsqu'ils étaient rentrés parvint à mes narines et croyez moi, on était loin du Miss Dior...

Les volets de la façade de l'immeuble, où logent une bonne partie des invités, étaient encore tous fermés.

Plus je m'approchais de la salle plus l'odeur se mélanger à celles de produits ménagers ce qui était pire que tout. Je rentrais à l'intérieur, en apnée, personne n'était à la réception, cependant j'entendis du bruit dans les cuisines. Je m'empresser donc d'exécuter mon plan « Remonte Moral ». Je sortis un sac que j'avais glissé – assez difficilement – dans ma poche de jean, il était assez petit mais ça suffirait.

Je m'approchai discrètement du buffet, déjà installé. J'enfournais dans la poche à peu près tout ce qui était sucré et qui passait sous mes yeux : viennoiseries , dans le sac, macarons, dans le sac, fruits, dans le sac, et bien d'autres choses... j'avais l'impression de faire mes courses. Je fis bien attention de ne pas en prendre trop pour que personne ne le remarque. Et pour le nutella et la glace, j'en avais déjà chez moi !

Je repartis avant que quelqu'un ne me remarque, mon sac bien chargé. Sur le chemin du retour, je priais pour que la surprise fasse plaisir à Corentin ce qui ne fonctionna pas très bien puisque, une fois rentrée, j'avais tout installé sur la table. Et quand je l'avais appelé il avait juste lâché :

- Merci, c'est très gentil mais j'ai pas faim, avant de remonter.

Je m'engloutis rapidement un croissant, quelques fraises et deux macarons aux citrons avant de monter les marches deux à deux.

- Eh ? lançai-je après avoir toquer à la porte de ma propre chambre. On peut discuter ?

- Il n'y a pas grand-chose à dire...

- Je comprend... c'est compliqué. Mais tu sais ton père à très peu de chance de mourir ! dis-je d'un ton presque enjoué.

Il ne répondis pas. Tu m'étonnes, je ne sais pas ce qui m'a pris de sortir un truc comme ça. J'aurais voulu disparaître. Au lieu de ça, je sorti une autre bêtise.

- Tu veux pas aller les voir à l'hôpital ?

- Bah je voudrais bien moi, mais je peux pas !

Alors sur ce coup, je n'avais vraiment pas été maline et il était désormais en colère.

- Désolée Corentin je voul...

- Laisse moi, me coupa-t-il d'un ton sec.

Je redescendis. Les larmes aux yeux. Pourquoi j'avais dit ça, franchement ?

Je m'installai sur le canapé et lançai une série mais je ne suivais pas vraiment... J'essayais de trouver un moyen pour me faire pardonner... mais là, je séchais...

J'entendis les mariés se lever aux alentours de 9h30.

- Ça va ma puce ? Corentin n'est pas avec toi ? me demanda ma mère.

- Il voulait rester seul. Je respecte juste ses choix, répondis-je assez sèchement, je doit l'admettre.

- On va au brunch et on amène Louise et Lou, je te laisse les clefs si jamais tu veux nous rejoindre...

- OK, à toute à l'heure m'man !

Ils partirent aussitôt.

À 10h je montai voir si Corentin s'était calmé et je le retrouvai endormis... Je pris alors un post-it sur mon bureau et écrivis un petit mot « Désolée pour tout, il reste à manger en bas si tu veux... Ta princesse. » et je le collai sur son portable, resté dans sa main avant de redescendre.

Il était 11h lorsque j'entendis de légers bruits de pas dans l'escalier. Je me redressais rapidement tels un suricate. Et je vis son visage, ensoleillé par un sourire allant d'une oreille à l'autre. Ça me réchauffa le cœur...

- Je reviens dans cinq minutes, dit-il sèchement sans même m'adresser un regard.

Moi qui croyais que ça aller mieux... Mes yeux s'embuèrent et j'eus l'impression que mon cœur se faisait déchirer tout comme on déchirerais une feuille de papier. Mes joues devinrent vite des rochers sur lesquels s'écoulaient deux cascades de larmes... Je filais m'enfermer dans ma chambre je ne voulais pas qu'il me voit comme ça à son retour. Je pris une feuille et lui écrivis ces mots :

« Corentin, je t'apprécie vraiment beaucoup mais là tu dépasses les bornes. Je fais tous pour que tu ailles mieux. Je vais voler de la nourriture au brunch pour te la ramener, je t'écris un petit mot pour me faire pardonner mais ce n'est jamais assez. Alors je sais que la situation que tu vies en ce moment est compliquée et je comprends totalement... Mais il faut quand même faire la part des chose. Je n'y suis pour rien moi et j'essaie tant bien que mal de t'aider. Mais je ne peux plus continuer. Il reste le déjeuner sur la table, tu peux regarder la télé mais moi je reste dans ma chambre. Signé : Prune. »

Je dut réécrire la lettre plusieurs fois tant je l'inondais de mes larmes. Lorsque j'eus finit je la mis dans une enveloppe.

Quelques minutes plus tard, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir puis je perçus des bruits de pas dans l'escalier.

Il toqua.

- Je peux entrer ?

Comme unique réponse il eut l'enveloppe que je glissai sous la porte, fermée à clefs.

L'enveloppe fut ouverte et la carte lut puisqu'il redescendit.  

PèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant