Chapitre 7

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Jordan

J'arrive dans les locaux de la chaîne de télévision avec un peu d'avance. J'ai mal dormi. J'ai passé la soirée d'hier à ressasser ma rencontre avec Gabriel, nos discussions et mon imprudence. Je me suis laissé aller, à l'aise et j'ai parlé. Trop peut-être. Je me suis senti très bête quand Gabriel s'est ouvert à moi. J'ai abordé le sujet naturellement, sans réfléchir, et je pense que je l'ai blessé ou effrayé. Il n'a même pas exprimé ce que lui ressentait. Je me suis donc retrouvé seul avec mes questions et mes inquiétudes. Je pense que je me suis pris un râteau. Ou pas. Je n'en sais rien.

Je retrouve un peu de légèreté lorsque l'on dépose une pomme et des bonbons dans ma loge. Je remercie la jeune femme qui court partout avec son casque posé sur son crâne. Elle part lorsqu'elle reçoit de nouvelles directives, et je demande à mes collaborateurs de rester un peu seul pour me concentrer sur le débat à venir.

Ce soir j'affronte onze autres candidats. Dont Gabriel.

Il va me rendre fou, à me laisser dans l'incertitude.

Je n'aurai peut-être pas dû me lancer, l'autre jour. Mais comment rester insensible à son sourire en coin ?

Je consulte l'horloge au mur : trente minutes avant le direct. Je dois m'avancer dans les couloirs pour rejoindre le plateau et recevoir les informations concernant les caméras et le placement. J'ajuste ma chemise et prend ma veste en main. Il fait trop chaud pour que je la mette tout de suite. Je quitte ma loge, croise une fourmilière de personnes qui s'affairent à préparer le direct, et rejoint un coin un peu à l'écart pour relire une dernière fois mes notes.

"Bonsoir, Jordan."

Cette voix...

Je souris instantanément. Lui s'avance, les mains dans les poches, parfaitement apprêté pour la télévision.

"Gabriel.

-Je... Je voulais m'excuser pour l'autre jour.

-T'excuser ?

-Oui je me suis montré un peu abrupt avec toi, et je me suis rendu compte une fois chez moi que je ne t'avais même pas répondu correctement."

Je ris doucement en regardant autour de nous. Nous sommes assez isolés, personne ne peut nous entendre et il faudrait vraiment nous chercher pour nous voir. Je ne peux m'empêcher de la détailler des pieds à la tête, de ses cheveux coiffés à ses joues rasées de près. Sans parler de ses yeux qui ne lâchent pas les miens et de cette bouche qui hésite à parler.

"Repousse-moi si tu ne veux pas.

-Si je ne veux pas quoi..?"

Je prends sa mâchoire dans ma main et pose mes lèvres sur les siennes. Il reste immobile, surpris, et moi je savoure les deux petites secondes dont je fantasmais depuis quelque temps. Je m'écarte, fixe ses yeux et souris en reculant. Mon élan de courage s'enfuit si vite que je me sens obligé de m'éloigner de Gabriel. Je me dirige vers le plateau sans me retourner, une main devant ma bouche.

Qu'est-ce qui m'a pris ? Et cette phrase clichée que je lui ai dit...

Je me sens tellement ridicule à cet instant que je ne peux même pas poser les yeux sur lui. Je n'ose pas constater s'il est en colère, dégoûté ou... heureux.

Une voix résonne dans les hauts parleurs pour nous indiquer le début du débat d'ici cinq minutes. Mes mains sont moites et j'ai l'impression d'avoir oublié toutes mes notes. Je n'aurai jamais dû faire ça. Ou du moins pas maintenant.

Le décompte se lance, tous les candidats sont debout derrière leur pupitre, mais mes yeux ne sont attirés que par Gabriel. J'ose jeter un regard dans sa direction, très brièvement. Il regarde ses feuilles, concentré.

J'espère ne pas avoir tout gâché, mais j'en mourrais d'envie.

Et il ne m'a pas repoussé...

Mon corps fonctionne de lui-même pendant tout le débat. Je le regarde lui plus que les autres, je ne peux m'empêcher de sourire à chaque fois que je prononce son nom dans mon discours, mais lui reste tendu malgré des regards que je n'arrive pas à interpréter. Une part de moi espère que ce désir, cette attirance est réciproque, que ses attaques lors du débat ne sont pas une manière détournée de me rejeter. Je ne pourrais pas rentrer chez moi sereinement si je n'ai pas de réponse de sa part. Je dois savoir, j'en ai besoin. 

Après le débatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant