Chapitre 16

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Jordan

Les résultats sont tombés et... aucun de nous n'a gagné.

Avec nos équipes de campagne nous étions en pleine effervescence face à la défaite. Réflexions, stratégies, discours pour maintenir la motivation des adhérents et des électeurs. L'ambiance était bien différente de retour à la maison. Une fois que nous nous sommes retrouvés avec Gabriel, on a rit de notre rivalité sans issue. Pas Monsieur Bardella et Monsieur Attal, mais juste Jordan et Gabriel.

Les médias vont nous laisser un peu de tranquillité maintenant que les élections sont terminées. Plus de débats où nous pouvions allier confrontations et regards langoureux, mais plus de temps libre à passer ensemble.

Nous ne négligeons pas notre travail, c'est aussi notre passion. Nous faisons seulement en sorte que notre rivalité reste politique, et lorsque nos regards se croisent nous ne sommes que deux êtres humains qui se sont choisis.

Cette profession qui nous oppose est aussi celle qui nous a rapprochés.

Je ne regrette rien, bien au contraire.

Quand je vois son sourire, quand je reçois ses appels, quand je l'entends rire, quand je l'embrasse, quand je tiens sa main, quand je m'endors contre lui : je sais que j'ai fait le bon choix.

Nos différends politiques n'ont pas fini de tourmenter notre couple, mais je reste persuadé que nous arriverons à surmonter toutes les embûches que notre métier pourrait mettre sur notre chemin.

Je suis en route pour l'aéroport. Je dois rejoindre Gabriel pour un vol privé qui nous emmène dans les îles grecques, à l'abri des regards et loin du quotidien. Ces deux semaines de vacances vont nous faire du bien. Je gare ma voiture, prends mes valises dans mon coffre, et me dirige vers le petit avion dont la porte ouverte m'invite à monter. À peine ai-je posé un pied sur la première marche que Gabriel apparaît, souriant, vêtu d'un short et d'un polo. J'arrive rapidement à sa hauteur et prend son visage entre mes mains pour l'embrasser.

"Salut, me dit-il avec un sourire.

-Salut. Prêt ?

-Oui. J'avais hâte. Je suis épuisé, ces vacances ne sont pas de refus."

Gabriel me guide jusqu'au cockpit pour saluer l'équipage, pilote, co-pilote et les deux stewarts, à qui je confie mes valises. Nous nous installons tous les deux dans les larges sièges autour d'un verre. Nous trinquons quelques minutes avant le décollage.

"Je te propose deux semaines sans parler boulot, je lui dis en prenant sa main sur la table.

-Je valide cette idée !

-Je te promets de prendre soin de toi pendant ce voyage. On sort de quelques mois interminables, mais tu as bien plus été sous l'eau que moi.

-Je ne vais pas jouer la carte de l'humilité sur ce coup-là. Je prends toute attention que tu me donneras."

Gabriel sourit en regardant par le hublot. Moi, je souris en le regardant. J'ai vraiment envie de prendre soin de lui, de lui offrir tout le temps que nos quotidiens nous enlèvent, de lui faire vivre quinze jours de pur bonheur. Et ça commence maintenant.

Je me lève et vient m'asseoir sur le siège vide à ses côtés sous son regard interrogatif. Je m'installe et entrelace nos doigts avant de déposer un baiser sur le dos de sa main. Il lève un sourcil, mélange de plaisir et de questions silencieuses, et je l'embrasse doucement avant de laisser ma tête reposer contre la sienne. Ce contact m'apaise immédiatement, tout comme son pouce qui dessine de petits cercles sur ma paume. Je ferme les yeux, détendu, et laisse le sommeil m'emporter en quelques minutes.

Nous avons atterri depuis une petite heure sur l'île de Spetses, au sud-ouest d'Athènes. L'atterrissage m'a réveillé brusquement, contrairement à Gabriel qui dormait comme un bébé. Il devait être vraiment fatigué. Nous avons rejoint notre hôtel, discret et à l'abri des regards, et découvrons avec émerveillement notre suite, aussi grande que belle. Les couleurs méditerranéennes rendent hommage aux eaux turquoises qui nous entourent. Comme quoi il n'est pas nécessaire de partir bien loin pour admirer de beaux endroits. Un petit salon avec baie vitrée donne sur une terrasse ombragée par des bougainvilliers, sous lesquels un hamac se balance bercé par un léger vent. Une autre pièce ouverte nous dévoile une table et deux chaises ainsi qu'un petit frigidaire savamment dissimulé dans la décoration. Dans la chambre, le lit fait face à une plage privée, où nous seuls pouvons nous rendre. L'intimité est de mise dans cet hôtel : nous ne voyons aucun autre client, et personne ne nous voit. Seuls quelques rares employés tirés à quatre épingles croisent notre chemin.

C'est parfait.

La jeune femme qui nous a conduit jusqu'à notre suite s'en va une fois que je lui remets un généreux pourboire, et nous nous retrouvons enfin seuls. Je déplace mes valises jusque dans la chambre et laisse mes doigts effleurer les draps propres et blancs qui sentent la lessive et le soleil. Le calme qui nous entoure est ressourçant. Gabriel me rejoint, pose sa valise à côté des miennes et passe ses bras autour de ma taille.

"Tu as envie d'aller te baigner ? me demande-t-il en regardant les vagues venir caresser le sable blanc.

-Pas pour le moment, non."

Je fais glisser mes mains de ses épaules à ses bras, souriant en constatant les frissons qui parsèment sa peau après mon passage. Gabriel m'embrasse rapidement et s'éloigne de moi.

"Je vais aller nous commander à manger. Si je reste là, il y a de fortes chances qu'on ne quitte jamais cette chambre.

-Quoique l'idée soit très intéressante, j'avoue que ce serait dommage de se priver de tels paysages, je réponds en regardant par la baie vitrée la vue qui s'offre à nous.

-On mange un peu et on part se balader ?

-Ça me va."

Gabriel sourit, s'éloigne à reculons, et quitte la chambre. Je n'arrive pas à me défaire de mon sourire lorsque je commence à ouvrir ma valise.

Après le débatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant