Chapitre 10

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Gabriel

J'ai couché avec Jordan. J'ai aimé. J'ai adoré.

J'ai dormi comme un bébé une fois qu'il m'a envoyé un message pour m'informer qu'il était rentré chez lui. Une part de moi sait que cela ne se reproduira pas, mais une autre compte les minutes jusqu'à notre prochaine rencontre. J'ai pleinement conscience que là, maintenant, je me dis que ce n'était qu'une seule et unique fois, mais que dès que je me retrouverai face à lui je succomberai. Il me rend faible.

Cela ne fait même pas quarante-huit heures et j'y repense encore.

Dans quelques heures, sur un plateau de télévision, nous serons face à face, à nous affronter lors du dernier débat avant les votes du premier tour, demain.

J'ai hâte, mais j'ai aussi peur.

Je ne veux pas que nos différences politiques aient de l'influence sur notre vie personnelle. Je ne veux pas devenir un inconnu pour lui, une erreur, ou que l'on se déteste. Je ne veux pas que ma victoire l'éloigne de moi, ou que la sienne fasse passer mon égo avant mes émotions.

Je ne peux rien prédire, j'espère seulement.

Malgré les embouteillages sur la route, j'arrive pile à l'heure aux studios. A peine le temps de passer par la case maquillage que je me retrouve assis à la gauche des deux journalistes, face à Jordan. Il me salue poliment, mais je devine ses pensées lorsque son regard brûlant se pose sur moi. Cette fois-ci, je ne compte pas me laisser faire.

Le direct se lance, tandis que la confiance et l'envie de jouer s'emparent de moi. Je lui souris plus qu'habituellement, le débat est bien plus cordial que les précédents. Même lorsque l'un de nous attaque, l'autre ne peut s'empêcher de sourire.

"Quand je vous ai traité de menteur tout à l'heure, vous avez dit que j'étais irrespectueux, je dis avec un sourire en coin.

-Un point partout", me répond Jordan, faisant au passage référence à ses propres paroles d'il y a quelques jours.

Cette remarque agrandit mon sourire. Le débat continue ainsi, de taquineries dissimulées à véritable combat politique. Lorsque je rejoins ma loge, après une heure et demi devant les caméras, je n'arrive pas à effacer ce sourire idiot qui s'accroche à mes lèvres. Heureusement, mes collaborateurs pensent que je suis fier de mon débat. Ils ne se doutent pas une seconde de la nature des pensées qui se bousculent dans ma tête. Je prends quelques minutes seul avec moi-même et me sert un verre d'eau. Parler longtemps est épuisant. Quelqu'un frappe à ma porte et je lève les yeux au ciel. Je voulais juste un peu de tranquillité.

Cette pensée s'évapore dès que mes yeux tombent sur Jordan, le col de sa chemise déboutonné, devant ma loge. Je le fais entrer rapidement avant que quiconque ne nous voit.

"Pour une fois que c'est moi qui vient te rejoindre dans ta loge.

-Ce n'est pas prudent, Jordan.

-J'en avais envie."

Je passe ma main sur mon menton pour retenir un sourire. Jordan s'avance vers moi et glisse ses doigts sur ma taille. C'est un geste doux, sans érotisme.

"Je sais que tu vas avoir beaucoup à faire demain et les jours à venir, mais tu voudrais bien venir chez moi, lundi soir ?

-Je croyais qu'on devait laisser faire les choses ?, je demande sans une once d'opposition à cette idée.

-C'est juste un repas, répond-il en collant doucement son corps au mien.

-Juste un repas ?"

Jordan sourit et se penche pour déposer un baiser sur ma joue.

"Juste un repas."

Je ris doucement.

"Je suppose que je peux me libérer, juste pour un repas."

Jordan sourit de plus belle et prend mon menton entre ses doigts.

"Parfait. Je t'enverrai mon adresse."

Mon humeur se ternit un peu lorsqu'une pensée vient effleurer mon esprit.

"Et si le résultat de demain a... de l'influence sur nous deux ?

-Que ce soit toi ou moi qui gagne, on s'en fiche. C'est Gabriel que j'invite chez moi, pas Monsieur Attal.

-Tu dis ça maintenant mais...

-Je sais que ce ne sera pas facile, ni pour toi ni pour moi, mais si on veut...continuer, il faudra mettre nos égos de politiciens de côté. Ça fait partie de nous, mais ça ne doit pas avoir une mauvaise influence sur nous deux.

-Je ferai de mon mieux.

-Et moi aussi", conclue-t-il en embrassant mon front.

Alors qu'il commence à reculer, je prends les devants et l'embrasse. Il est surpris, mais se laisse faire.

"Pardon, mais j'en avais envie."

Jordan ne dit rien, me sourit, et se dirige vers la porte.

"A lundi ?

-A lundi."

Après le débatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant