Chapitre 2

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Gabriel

C’est pour ce soir. Dans quelques heures.
Le premier ministre, ex ministre de l’éducation nationale, face au président du Rassemblement National. Monsieur Attal contre Monsieur Bardella. Une tête d’affiche comme les médias les aiment.
Deux ans que j’attendais cette occasion de remettre à sa place mon opposant.
Je suis la jeune femme coiffée d’un casque qui me guide vers ma loge, tandis qu’elle semble écouter les indications qu’on lui donne. Les couloirs se ressemblent tous ici. D’un blanc immaculé, de temps à autre décorés de tableaux divers. Rien de bien fameux, tout en sobriété.
Elle s'arrête à l’angle d’un nouveau couloir tout aussi épuré.
“Voilà Monsieur Attal, c’est la deuxième pièce sur votre gauche. Nous vous avons fourni le nécessaire pour vous abreuver, vous nourrir et vous changer si besoin. N’hésitez pas à utiliser le téléphone situé à l'entrée de la loge pour toute demande, nous ferons au mieux pour vous satisfaire.
-Merci madame.
-Je vous en prie.”
Elle m’offre un sourire accompagné d’un bref signe de la tête avant de rebrousser chemin. Je le dirige vers la pièce qu’elle m’a indiqué, et y retrouve deux costumes de rechange ainsi qu’une chemise neuve dont le parfum de lessive caresse mes narines. Je prends tout de suite une bouteille d’eau pour me rafraîchir alors que je relis mes notes. Je structure ma pensée, mon argumentation, réfléchi aux potentielles attaques que je vais subir lors du débat, mais surtout comment les retourner à mon avantage pour l’emporter.
Je quitte ma loge pour aller aux toilettes, me trompe deux fois de couloir, avant d'enfin les trouver. Les deux hommes qui accompagnent chacun de mes mouvements me laissent plus d’espace dans ce genre de bâtiments. La sécurité y est renforcée, ce qui m’offre plus de liberté et d’intimité. En sortant des toilettes, je soupire en anticipant le chemin du retour. Je suis assez observateur, je devrais arriver à retrouver mon chemin.
Je passe devant un tableau qui m’est familier, tourné dans un nouveau couloir blanc et terne, et ouvre la deuxième porte sur ma gauche. Mon téléphone reçoit une notification à ce moment-là, et je ne prends pas la peine de vérifier l’affiche scotchée sur la porte avant d’entrer. Ce n'était qu’un SMS d’une de mes sœurs pour m’encourager. Rien d’inhabituel.
Par contre, ce qui est inhabituel, c’est de tomber nez à nez avec son opposant politique avec qui l’on doit débattre dans moins de deux heures. Chemise ouverte. Tout aussi surpris que moi.
Monsieur Bardella reprend la fermeture des boutons de son haut propre, un sourcil interrogatif levé à mon intention.
“Je veux bien que nous discutions avant le débat, Monsieur Attal, mais il aurait été plus sage d’attendre ou d'au moins frapper avant d’entrer.
-Je… pardonnez-moi c’est une erreur. Je me suis…
-Trompé de loge ? Il faut dire que l’aménagement des lieux et le peu de décoration n’aident pas à se repérer.
-En effet. Veuillez m’excuser je vais…
-Je vous en prie, Gabriel.”
Je m'arrête juste avant de quitter la pièce.
“Je vous prierai de m’appeler Monsieur Attal. Cette entrevue inopportune n’est pas sujette aux familiarités.
-Si je voulais être familier je te tutoierai, Gabriel.
-Veuillez cesser à présent, Monsieur Bardella.”
Je pars, un peu trop rapidement pour être naturel. Je marche trop vite dans les couloirs, tout comme mon cœur bat trop vite dans ma poitrine. Je reconnais la bifurcation dans laquelle je m’engage, et rejoins enfin ma loge. Je referme la porte derrière moi et vide d’une traite ma petite bouteille d’eau.
Je suis en colère.
Il joue clairement avec mes nerfs, mais ce qui me met le plus en colère c’est d’avoir apprécié la vue que j’ai eu l’espace d’un instant. Comment ai-je pû ressentir ce genre de choses pour lui ?
Je passe ma main dans mes cheveux, fais quelques exercices de respiration comme avant chaque prise de parole, et relis encore une fois mon texte. Mes yeux survolent les pages, mais les mots sont comme flous. Mon esprit est ailleurs. Ressassant inlassablement ces quelques secondes où mon opposant m’a semblé attirant.
J’ai la nausée rien que de penser à cela.
J’espère arriver à retrouver toute ma concentration pour le débat. Le temps passe beaucoup trop vite lorsque l’on est attendu sur un plateau de télévision.

Après le débatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant