Après le débat

Chapitre 11

Jordan

J’ai gagné. J’ai été élu. Je suis si content…
Gabriel.
Oh non. J’espère que sa défaite n’aura pas d’influence sur notre dîner de demain. Et s’il annulait ? Et s’il n’arrivait pas à passer au-dessus de nos différends politiques ?
Je dois me ressaisir. Pour le moment je dois faire mon discours de victoire, je m’occuperai de Gabriel après. Je prendrai le temps de parler avec lui pour anticiper tout problème. Je préfère que l’on se dispute une bonne fois pour mettre tout à plat et partir sur de bonnes bases.
On me donne mon discours, que je lis avant de monter sur scène devant la foule d’adhérents du Rassemblement National. Ma bonne humeur s’écroule. Je savais que cela devait arriver, mais le constater maintenant me terrifie : je dois demander au président de dissoudre l’Assemblée nationale. Je dois lui demander de renvoyer Gabriel de son poste de Premier Ministre.
Je me déteste. Je déteste chaque mot qui sort de ma bouche lorsque je fais mon devoir de président du Rassemblement National. Je déteste chaque faux sourire que je fais ensuite. Ma victoire est si amère que je rentre chez moi rapidement. Je prends mon téléphone, commence à taper un message, l’efface. Je compose son numéro, effleure la touche “appel” mais n’appuie pas dessus.
Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ?
J’ai privilégié mon travail à nous. Je hais ce sentiment.
Il faut que je lui parle, que je lui explique, que je m’excuse.
Je souffle un bon coup, essuie mes mains sur mon pantalon, et tape mon message.
“Bonsoir, c'est bon pour toi demain soir à 20h ?”
Une fois le message envoyé, je jette mon téléphone sur mon lit. Je le rejoins, le visage dans les mains.
Et s’il ne répond pas ? Et s’il répond ?
Je soupire, déchiré par l’attente. Je regarde mon téléphone : envoyé depuis 1 minute. Le temps passe tellement lentement quand on attend quelque chose…
Une vibration. Une deuxième.
“Bonsoir, félicitations.”
“20h”
Ok. C’est froid, mais c'est une réponse. Je lui donne mon adresse et il me répond par un simple “merci”.
Je relis encore et encore ses mots, espérant dénicher un sens caché.
Est-il fâché ? Vexé ? Fatigué ?
Je me redresse et me déshabille pour prendre une douche. L’eau chaude n’efface pas mes pensées et l’eau froide ne fait guère mieux. Je vais me coucher la tête bourdonnante de questions et de suppositions. Une chose est sûre : je suis terrifié.

Il est là. Il vient de sonner. J’arrange mes vêtements et mes cheveux devant le miroir de l'entrée avant de lui ouvrir. Je n’ai jamais été aussi stressé de ma vie. Je ne sais pas à quoi m’attendre.
Gabriel se tient devant ma porte, une boîte blanche à la main.
“Bonsoir.
-Bonsoir. Entre je t’en prie.”
Quelque chose ne va clairement pas. Il pénètre dans ma maison, et le voir ici me réchauffe le cœur. Je m’avance vers lui et entre-ouvre la boîte qu’il tient.
“Qu’est-ce que c’est ?
-Le dessert, dit-il en refermant la boîte en carton. Tu n'avais pas précisé ce que je devais emmener, donc j’ai pris ceci.
-Très aimable de ta part”, je lui réponds en souriant.
Il ne me rend pas mon sourire.
“Jordan il faut qu’on parle.”
Mon sourire s’évanouit et mon cœur tremble.