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S'il y a bien une chose qu'il faille retenir, c'est que Stephen est un homme de parole. Il a dit qu'il resterait à mes côtés, et il l'a fait, il m'a fait oublier ma solitude passée. Il a dit que si je l'épousais, il me ferait quitter le village, et il l'a fait, le jour même. Il a dit qu'il réaliserait mon souhait de découvrir le monde, et en un mois seulement, nous avons tellement voyagés, nous sommes tellement baladés, que j'ai l'impression d'avoir fait le tour du monde. Ottawa, Los Angeles, Mexico, Londres, Paris, Berlin, Tokyo, New Delhi, Dubaï, Lagos, Pretoria et j'en passe. J'ai pu rencontrer des gens de toutes les couleurs et toutes les formes, gouter a des plats aussi originaux que délicieux, voir des paysages plus merveilleux les uns que les autres.

J'ai l'impression de vivre un rêve éveillée. Une chose qui a rendu tous ces voyages encore plus magiques, c'est l'aisance financière de Stephen. Il m'a demandé de ne pas poser de questions à ce sujet mais j'appréhende l'explication, car il est évident qu'il est riche, et pas qu'un peu. Nous nous déplaçons généralement en jet privée, yacht privé ou en grosses voitures noires, toujours escortés par plusieurs gardes du corps. Dans chaque ville où nous passons la nuit, nous logons de grands hôtels de luxe où nous sommes accueillis par tout le personnel qui nous accorde beaucoup d'attention et de respect, presque de la peur.

Autre chose de particulier, Stephen lui-même. Il est attentionné, gentil, et il ne me quitte jamais, de jour comme de nuit. Et les nuits avec lui sont justes magiques, il me fait l'amour comme un Dieu Grecque, me fait découvrir des positions et des pratiques dont je ne me doutais même pas de l'existence. Avec lui, j'ai découvert mes préférences et mes limites sexuelles. Il m'a sorti de la solitude et de la monotonie dans laquelle j'étais plongée, et aujourd'hui, j'ai du mal à rester loin de lui. Nous sommes encore plus proche qu'avant et je m'étonne moi-même d'avoir le cœur qui bat si fort quand il me touche ou m'embrasse. Je commence à aimer être sa femme, sa douce et tendre, sa compagne de vie, et de porter son alliance.

Mais parfois, j'avoue qu'il me fait peur. Une fois, je l'ai entendu parler au téléphone avec une personne et il me semble l'avoir entendu menacer cette dernière d'une mort certaine. Une autre fois, je l'ai surpris en train de frapper un de ses gardes du corps, à coups de poings si violents que l'homme saignait du visage et ne pouvait plus se tenir debout. Il m'a dit que c'était parce que cet homme avait commis une faute grave alors il s'est énervé et a voulu le corriger. Non pas que je ne le crois pas, mais quelle genre de faute commettrais un homme pour qu'il se fasse tabasser ou menacer de mort ? C'est louche mais je m'abstiens de toutes questions pour l'instant, comme promis. Mais quand le temps viendra de me donner ses fameuses explications, les interrogations seront au rendez-vous.

Justement ce matin, nous montons dans un autre jet privé, et en décollant, il m'annonce que c'est notre dernier voyage. Prise de court, je ne comprends pas tout de suite, mais il s'explique aussitôt.

- Nous allons à Kazan, en Russie, chez moi, chez nous

Chez nous... Vraiment ? Un endroit a tous les deux, où je pourrais reprendre à zéro, vivre une vie normale et paisible, en ville en plus. Je me mets rapidement à me faire des films dans ma tête, mais il me ramène sur terre en prenant mes mains avec un regard sérieux qui me laisse un arrière-gout dans la gorge.

- Comme promis, je vais tout te dire sur moi

Je n'ai même pas le temps de me mettre plus à l'aise, qu'il commence son récit avec un air à la fois sérieux et nostalgique.

- Mon nom, Belograndskaïa, est le nom de la famille la plus importante de toute la mafia russe...

- Mafia ?

- Ne m'interrompt pas, s'il te plait

Choquée par ce que mes oreilles entendent, je commence par prendre la coupe de champagne qui est posée sur la table entre nous, et bois pour essayer de mieux comprendre.

- Et c'est ainsi depuis plusieurs années et plusieurs générations de Belograndskaïa, mais comme toujours, le pouvoir attire la jalousie et la convoitise. Dernièrement, la famille était sous les directives de ma mère, après la mort de son frère lors d'un règlement de compte entre gangs. Ma mère, une femme forte et intelligente, qui pouvait être à la fois douce et sans pitié, a épousée un riche sénateur, un trouillard apeuré par sa propre ombre. C'était un mariage purement politique, mais ils ont eu un enfant, un fils unique, moi

Il s'arrête un instant, se penche en avant pour s'accouder sur la table, plongeant un regard profond dans mes yeux. Je me sers un autre verre et continue de siroter en l'écoutant parce que j'ai l'impression que je ne suis pas au bout de mes surprises.

- Dès mon plus jeune âge, ma mère m'a formé au monde dans lequel je suis né. Elle m'a appris à manipuler, intimider, torturer, tuer, à atteindre les sommets, mais surtout, a un jour prendre la tête de la famille. Mon père, *tsi*, il n'a jamais rien fait pour moi ou ma mère, je ne lui ai jamais fait confiance, il puait la traitrise. Et en effet, quand ma mère est morte du cancer, à mes 14 ans, tu sais ce qu'il a fait ? Il a essayé de vendre le nom des Belograndskaïa à nos rivaux directs, les Varshavsky

Il entrelace ses doigts et les serre tellement que les veines lui sortent, son regard devient glaçant et sa mâchoire se resserre, on croirait qu'il revoit la scène dans sa tête et que la colère persiste en lui.

- Ce jour-là, si je n'étais pas arrivé a temps, ils auraient signés ce contrat, et mes ennemis auraient eu possession de mon patrimoine, la seule chose que ma mère m'a laissé. J'ai ordonné un bain de sang ce jour-là. Malheureusement, la chef de la famille Varshavsky ne s'était pas déplacé en personne, sinon je me serais aussi débarrassé de lui. Quant à mon père, je me suis personnellement chargé de lui mettre une balle entre les deux yeux...

J'avale difficilement ma salive face à cette confession sanglante. Est-ce qu'il vient d'ouvertement m'avouer qu'il a tué son propre père ? A 14ans ? A cause d'une histoire de patrimoine ? Sérieux ? Dans quoi je me suis embarqué encore ? Des milliers de questions se bousculent dans ma tête et je n'arrive même pas à les classer par ordre d'importance. Mais le bon monsieur poursuit son récit, l'air plus calme et relaxé, comme si de rien n'était.

- Depuis, je conserve jalousement mon héritage et assure la postérité. J'ai déjà huit enfants et onze femmes, avec toi, ça fait douze

Hein ? What ? Pardon ? Non... J'ai l'impression que le champagne me fait entendre des absurdités. Mais il se répète fièrement, comme pour me dire que j'ai bien entendue. Trop d'informations d'un coup. Encore sous le choc, j'essaye de bien comprendre, me retenant de me jeter à son cou pour l'étrangler. 

- Tu as des enfants ?

- Oui

- Et pourquoi ce n'est que maintenant que tu me le dis !?

- Si je te l'avais dit depuis le début, m'aurais tu accepté ?

- Quoi ? Je ne sais pas... Non... Surement...

Il hausse les épaules et sirotant son champagne calmement. Il est sérieux la !?

- Et les onze femmes ? Qu'est ce qui leur est arrivées ? Vous avez divorcés ? Ou...

- Non, elles nous attendent à la maison, avec les enfants

Sur le coup, je ne sais plus quoi dire. Je me tais et pose ma main sur ma bouche, l'air consterné. Mais il n'en fait rien et se contente de siroter son verre en regardant tranquillement l'avion atterrir. J'ai beau tourner ça dans tous les sens, ce type s'est joué de moi, de ma détresse, juste pour m'ajouter à son harem. J'ai été une belle idiote naïve.

Une fois la machine posée sur la terre ferme, Stephen se lève et vient me tendre la main pour m'aider à me lever. Mais je me lève sans sa main, attrape la coupe de champagne, la lui verse au visage avant de lui jeter brutalement le verre, qui éclate en mille morceaux contre sa joue, lui coupant la peau au passage. Il reste figée, les yeux fermés, mâchoire carrée, probablement surpris par mon geste. La colère m'empêche de ressentir la moindre compassion pour son visage ensanglanté, à vrai dire, je me suis même retenue. Je me contente de le traiter de connard avant de me diriger vers la sortie de l'avion. Une hôtesse me donne un manteau pour me couvrir, car il fait un peu froid, puis je sors sans l'attendre.

HostageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant