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Dans la voiture, le silence règne. Il a enlevé les taisons de son visage et y a passé un peu de désinfectant dessus pour que ça arrête de saigner. Moi, je regarde les immeubles défiler par la vitre alors que nous allons je ne sais où, cet endroit qu'il appelle « chez nous ». N'importe quoi ! Il n'y a pas de « chez nous », c'est plutôt « chez eux », lui et ses onze femmes et leurs enfants. Pourquoi il a fallu qu'il fasse de moi la douzième ? Je ne sais pas ce qui est le plus offensant. Qu'il m'ait mentit ? Ou que je sois la douzième ?

Cette histoire de mafia ne m'inquiète même pas. À vrai dire, je m'y attendais, avec tous ces voyages luxueux, il ne pouvait pas être dans un business net. L'histoire avec son père est morbide, mais ce ne sont pas mes oignons. Mais c'est le fait qu'il ait onze femmes et huit gosses qui me choque. Qu'est-ce qu'il veut que je fasse au milieu de tous ces gens ? Je serais une intruse, vu qu'ils se connaissent tous. D'ailleurs, depuis combien de temps ça dure avec les autres ? Certainement longtemps vu qu'il a plusieurs enfants. Les autres femmes vont surement me démolir pour que je ne sois pas la favorite, compétitivité féminine basique. Peut-être qu'elles sont si belles qu'elles ne me verront même pas comme une concurrente, mais plus comme une servante. Et les enfants me verront peut-être comme la méchante marâtre, même si je ne suis pas méchante.

Au milieu de tous les films absurdes qui se déroulent dans ma tête, j'attends la voix d'Alex me répétant « Tu dois t'éloigner de lui ». Est-ce qu'il savait qui était réellement Stephen ? Comment l'aurait-il su ? Est-ce qu'ils se connaissaient ? Stephen me sort soudainement de mes pensées en cherchant la conversation, mais le simple son de sa voix m'irrite.

- Tu comptes me bouder encore longtemps ?

- Tu m'as menti pendant plusieurs mois, alors tient toi prêt

- *Tsi*... T'es vraiment pas croyable

Je le regarde alors qu'il semble trouver la situation amusante. Ça n'a rien d'amusant ! Je n'ai pas signé pour ça moi ! Je n'ai pas envie de me retrouver en compétition avec onze femmes inconnues et m'occuper d'enfants qui ne sont pas les miens mais ceux de mon mari. Moi, tout ce que je voulais, c'est vivre une vie paisible loin des champs de cocaïne, avec ou sans lui.

- Si tu pensais que j'allais te rendre la vie facile, après ce que tu as fait, tu te fourres le doigt où je pense

Il arque un sourcil et me regarde avec incompréhension, mais je ne laisse pas le temps de réflexion. J'ouvre brusquement la portière et me jette à l'extérieur du véhicule. Avant que la limousine et les autres voitures nous accompagnant ne puissent freiner, je me relève rapidement, oubliant la douleur et la peur, et me met à courir en flèche. Je fonce en ligne droite, sans me retourner, sans m'arrêter, sans ralentir, aussi vite que je peux, comme si j'avais le feu aux fesses. Et par chance, je ne tarde pas apercevoir deux officiers devant leur voiture de police. Je m'arrête en me plaçant derrière eux comme pour me protéger, je me mets à sortir des mots en désordre avec le souffle court. De toute façon, je comprends vite qu'il y a une barrière linguistique, ils parlent russe. Je me contente donc d'avoir l'air le plus en détresse possible, les mains tremblantes, le souffle perturbé, les larmes aux yeux, mon meilleur jeu d'acteur.

Et ça marche, vu que quand les gardes qui me poursuivaient arrivent à notre hauteur, les deux partis dégainent leurs armes et se mettent à se crier des intimidations en russe. Au milieu de tout ce désordre, Stephen arrive, marchant calmement, les mains dans les poches, une cible facile se dit-on. Mais en le voyant, le plus âgé des deux policiers met ses mains en l'air et pose délicatement son arme au sol en racontant je ne sais quoi avec un sourire gêné. Et merde ! C'est quoi son souci ? Il n'est pas censé défendre les gens en détresse ? Ou il vient de démissionner en voyant Stephen ?

HostageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant