Chapitre 12 - Changyun/Yuto

23 5 116
                                    


Le son de la télévision est à peine perceptible, pourtant Yuto reconnaît immédiatement la voix de Changyun sans même avoir à tourner la tête. Il ferme les yeux un instant, n'osant pas le regarder directement, il se remémore simplement son visage lorsqu'il lit paisiblement, assis sur le tapis devant le canapé. Son cœur se serre si fort qu'il devient difficile de respirer, chassant cette image d'un revers de la main, il se lève et quitte la petite pièce poussiéreuse qui sert de salon à sa famille.

Il y a bientôt un mois qu'il est revenu vivre dans la maison familiale auprès de Mashi mais également de ses parents. Le peu que son contrat en Corée lui ait rapporté a été directement englouti par la dette à rallonge de ses géniteurs. Ils sont avachis sur le canapé poisseux, ne se doutant pas une seconde que la personne qu'il critique allégrement est celui qu'il aime et qu'il a dû quitter par leur faute. Regagnant la chambre qu'il partage avec son frère, Yuto étouffe ses sanglots.

Jusqu'au bout, il a cru que Changyun serait là pour lui dire au revoir. Il est resté à attendre si longtemps que les hôtesses ont dû le menacer pour qu'il se dirige enfin vers la passerelle d'embarquement, le cœur en miette. Il n'a jamais osé envoyer un message, n'a pas voulu demander d'explication, c'est sûrement mieux ainsi. Il a pu voir de temps à autre apparaître son visage sur un écran, la série est un immense succès ici aussi, Changyun doit avoir un emploi du temps chargé. Tant mieux, Yuto est persuadé que de cette manière, il a dû très vite oublier sa présence et même son existence...

La porte s'ouvre, Mashiho entre avec un sourire, sa joie est perceptible depuis son retour, nul doute que le temps lui a semblé long, seul avec leurs parents. Maintenant que son grand frère est avec lui, il peut sans crainte retourner en cours, tandis que de son côté, Yuto a trouvé plusieurs petits boulots afin de continuer à rembourser les nombreux emprunts de la famille. Il est épuisé, les journées sont affreusement longues et ennuyeuses, cependant il doit reconnaître que cela l'empêche de trop penser à ce qu'il a dû abandonner derrière lui. Le visage de Changyun hante ses rêves ou plutôt ses cauchemars, il aimerait que les choses soient différentes, revoir ce qu'ils ont vécu, mais non, tout ce qu'il voit est dicté par le manque et la douleur.

Il ne pensait pas être tombé aussi profondément amoureux de lui. Lorsqu'il vivait avec lui, il a très vite compris son attirance, il avait clairement un énorme coup de cœur pour Changyun. Pourtant, ce n'est qu'une fois de retour au Japon qu'il a commencé à ressentir un terrible vide à l'intérieur, une douleur intense chaque fois qu'il pense à lui. Au début, il a cru qu'il pourrait tout simplement se contenter de le voir à travers la série, ce fut une terrible erreur de sa part. Son cœur n'en finissait plus de saigner tout en l'admirant sur son écran.

Alors, il s'est mis à l'éviter le plus possible, de toute façon, celui qu'il voit à la télévision n'est pas celui qu'il aime, non, E-Tion n'est pas Changyun. Yuto le sait, il est tombé sous le charme de l'homme si fragile et si pur et non pas pour la star du petit écran. Bien sûr, il admire l'acteur qu'il est. Il admire sa beauté et son talent, mais ce qu'il aime par-dessus tout, ce sont les petits détails que lui seul a pu voir dans l'intimité de la maison qu'ils ont partagé. Rien qu'à l'idée qu'il n'est plus à ses côtés pour profiter de tous ces moments qu'ils ont passés ensemble le plonge dans une profonde détresse. Il voudrait fuir cet endroit et retrouver celui qui le rend heureux.

Les larmes se mettent à couler malgré lui, sans prêter attention à Mashi qui le regarde sans comprendre, il se met à pleurer. C'est la première fois qu'il se laisse ainsi aller devant quelqu'un, il souffre tant et personne ne peut rien pour lui, il ne peut même pas en parler à qui que ce soit alors. Il continue simplement de pleurer jusqu'à ce que ses yeux n'aient plus de larmes à verser et que son cœur se referme comme un tombeau sur ses sentiments à la fois si beaux et si douloureux. D'un revers de sa manche, il essuie son visage, attrape son sac à dos avant de partir sans un bruit, c'est déjà l'heure d'aller travailler.

Let me see youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant