Chapitre 07

1 0 0
                                    

Les yeux de mon copain sont rivés vers moi mais son regard est vide. Et je viens de comprendre que j'avais parcouru ce bout de papier à haute voix et qu'il était en train de réfléchir à ce que j'ai lu plus tôt.

Je me dirige donc vers le bureau de mon père, la lettre en main. Une fois devant, ma main s'approche lentement de la poignée de porte. J'ai peur de ce que je vais trouver à l'intérieur de cette pièce. Un objet, un journal, donc un morceau de passé qui appartient à leurs derniers moments.

— Je me demandais... les parents de Ujin sont décédés au même moment et au même endroit que tes parents, alors si on trouve quelque chose qui pourrait le concerner, on pourrait peut-être lui en parler... ?

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

— Pourquoi ? dit-il confus.

— Certes on était petit quand ça s'est passé, mais rappelle-toi que Ujin a mis énormément de temps avant de faire le deuil, je dirais même qu'il ne l'a pas encore fait... Il fait genre que tout va bien, il fait le pitre et est sans arrêt en train de sourire mais je me suis toujours demandé si ce n'était finalement qu'un masque, une façon pour lui de relativiser. Si ça se trouve, lui aussi culpabilise, comme moi. Seulement, on n'a pas la même tolérance.

— Tu as raison...

— On verra bien d'accord ? proposé-je dans un semblant d'espoir.

Ma main exerce une pression sur la clenche et la porte s'ouvre. Et effectivement, un journal est bel et bien présent sur ce meuble en bois. Recouvert d'un tissu. Je prends soin de l'enlever et je prends l'objet entre mes doigts.

— Un briquet ?

— ça correspond à ce que t'as vu ?

— C'est exactement le même.

Mais alors, ce monsieur à quelque chose à voir avec l'accident de mes parents ? Hein ? Mais ça colle pas cette histoire. Un post-it est posé sur le journal, il est écrit : J'espère que tu trouveras tout ce que tu cherches à savoir. Prends en soin et complète le.

Curieux, je prends le journal en main et m'empresse de l'ouvrir.

Je jure d'aller jusqu'au bout de cette enquête quoi qu'il arrive. Je jure de tout dire dans ce carnet de bord.

Décembre 1998

Accident de Park Akim, Park Sehi, Choi Jonghyun et Choi Meyin.

Putain, j'ai tout vu. La scène où ils essayaient tous de les réanimer, je les voyais à travers la vitre, depuis le couloir de l'hôpital. La folie dans cette salle insonorisée. Je pouvais malgré tout entendre les cris des supérieurs, la panique dans les yeux des infirmières et des deux ambulanciers qui se tenaient avec effroi sur le côté, tandis que les médecins donnaient tout pour faire battre leurs cœurs à nouveau. Moi j'étais là, accroché à la vitre, en pleurant et en humant l'odeur agressive du gel hydroalcoolique qui flottait dans l'air, cette odeur que je ne peux supporter aujourd'hui, qui ne me faisait que dalle avant. Les murs blanc, à la couverture de ce mois de décembre, le froid et cette vue atroce, du rouge partout, je ne savais plus où donner de la tête, je devenais fou. Derrière moi Dongchul qui restait assis malgré la panique qu'il tentait tant bien que mal de maîtriser. Nous étions que deux à attendre. Et je me souviendrai toute ma vie du moment, où sur la machine les traits constants, le personnel médical qui s'est arrêté d'un coup, les lueurs tristes dans leur regard. Oui, je m'étais effondré si fort au sol, sur mes genoux, que la douleur est remontée jusqu'à ma colonne vertébrale. J'ai dû leur dire au revoir comme ça, en y étant forcé. Et je détestais la vie de m'avoir imposé ça.

Blood Sweat and Tears (Roman version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant