Chapitre 1 : Nouveau départ.

31 5 0
                                    

Jeudi 1er juillet - Route direction Boston

Bras à l'extérieur de l'habitacle, le paysage défile à vive allure et mes cheveux me fouettent le visage. Ça fait maintenant 15 minutes que je suis au volant de ma Chevrolet Camaro SS de 1980 et que nous sommes parties de Cambridge. Nous avons enfin pris la légère décision de laisser derrière nous nos deux familles. Coincée et surprotectrice pour moi, violente et toxique pour Violette. Notre destination n'est pas bien loin, Boston se trouve à seulement 30 minutes de Cambridge, mais c'est suffisant pour commencer à zéro et goûter au prix tant attendu de la liberté.

Je tourne la tête et croise les yeux marron foncé de ma meilleure amie d'enfance. Elle est euphorique et rit à gorge déployée. J'augmente le son de mon autoradio, le bruit crache dans tout le véhicule. Je commence à fredonner les paroles de " Rock this party de Bob Sinclar et Cutee B". Violette me rejoint dans mon délire et nous nous mettons à hurler en chœur des paroles approximatives. Paroles, instruments, mélodie de fond, tout y passe, aucune seconde du morceau n'est épargnée. Vi remue sur son siège, lève les bras, claque des doigts pendant que moi, je secoue la tête et tape des mains sur le volant. Comme à son habitude, Vi enregistre ce merveilleux moment sur son smartphone pour pouvoir le partager. Aucune inquiétude à se faire concernant les potentiels voyeurs, elle ne partage nos moments que dans sa story privée où se trouvent nos quelques amis en commun, pour la plupart, amis d'enfance ou rencontrés durant nos études.

Une fois la musique terminée, le calme revient peu à peu et les battements de mon cœur retrouvent une cadence à peu près normale malgré ce sentiment d'excitation de l'inconnue qui persiste dans mes veines. Je baisse le volume du son puis me tourne de nouveau vers ma passagère qui me regarde avec un sourire jusqu'aux oreilles.

-"Quoi ? Une couille m'a poussé en plein milieu du visage ?" Je lui demande tout en rigolant à la possibilité que cela arrive.

-"Non, une bite, une énorme bite, bien grosse et bien dégueulasse, comme celle du vieux con qui vivait en face de notre école primaire. Tu sais celui qui se tou... "
-" STOPPPP ! "Je lui réponds tout en la coupant.

L'évocation de ce souvenir pourrait me faire vomir d'un instant à l'autre. Lorsque nous étions enfants, un vieux pervers du nom de "Schmitt" vivait en face de notre école primaire. Il était alcoolique et avait pour habitude de sortir son "engin" dès qu'il y avait suffisamment de spectateurs sur le parking de l'établissement. Après plusieurs plaintes de parents d'élèves, les agents de police sont intervenus et l'ont embarqué. On ne la plus jamais recroisé. D'après les rumeurs, il a fini en hôpital psychiatrique à l'autre bout de la ville. Vu son état de dégradation ainsi que son vieil âge à l'époque, la faucheuse est sûrement déjà passée près de son lit. Pour ce que j'en ai à foutre.

-"Non, pour être vraiment sérieuse Liv" reprend Violette "Nous l'avons fait, fin je veux dire, ça fait deux ans que l'on compte les jours pour quitter cette ville de merde ! Et là, on y est. Tu vas intégrer ton master en économie et moi en spé enfant, jeunes et famille. On va trouver un travail pour payer notre loyer, l'université, nos courses... Mais surtout pouvoir vivre H24 ensemble ! Sans personne sur notre dos pour nous dire quoi que ce soit. Nous serons maîtresses de nos décisions. Non ! Attends, je corrige. Nous. Sommes. Maîtresses. De. Nos. Décisions !" Elle détache volontairement chaque syllabe afin de bien se faire comprendre. " En parlant de décision, je n'imagine même pas la tête de ta mère en voyant ta nouvelle coupe. Elle a dû passer à un cheveu de l'arrêt cardiaque".

Nous rions à cette idée. Elle a raison. Mes parents sont très traditionnels. Ils ont rencontré des difficultés à accepter mon tatouage de cerf sur mon avant-bras gauche et mes différents piercings, en particulier mon anneau qui décore mon nez. Mais il faut bien avouer que cette fois-ci j'ai fait fort. Afin de bien leur faire comprendre que je partais pour une nouvelle vie, j'ai coupé ma longue chevelure châtain clair et me suis teinte les cheveux. J'ai désormais un carré noir qui m'arrive juste au-dessus des épaules avec deux grosses mèches bleues sur le devant. Et il n'y a pas à dire, qu'est-ce-que ça fait du bien d'avoir l'apparence de la personne que l'on est intérieurement. J'ai vécu bien trop longtemps selon leurs idéaux. C'est-à-dire, représenter la jolie jeune fille sage, parfaitement éduquée durant les évènements d'affaire de mon père.

LIBERTÉSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant