Chapitre 3 : Rose et orties

Tous les deux jours depuis une semaine, Rick se rendait dans la ferme des Dixon. Il retrouvait Daryl et complétait son mur ensemble, cherchant des dates correspondantes. 

-Tu t’concentre trop sur les jeunes filles disparut. Si c’est comme je le pense, pour des anciens “ collègues” de mon père que Merle bosse, tu peux oublier toutes celles qui ont plus de vingt ans, elles sont périmées pour des gens comme ça. 

-Tu crois ? 

Daryl se contenta d’hocher la tête. 
Rick s’éloigna du mur pour essayer de prendre de la hauteur sur tout ça… Mais depuis quelque temps, presque un an, le nombre de disparus dans leur état avait triplé et c’était dur de trier toutes ces données et de les relier avec les aller et venus de Merle. 

-J’ai besoin d’une pause. 

Rick n’en pouvait plus. Rien que d’imaginer tous ces pauvres gosses raflés, puis vendus, ça lui donnait la nausée. Avec les dossiers qu’il avait pû récupérer en douce au poste, il s'était rendu compte que beaucoup d’enfants de migrant et en maison d'accueil avaient disparu ces derniers temps. Mais pas tellement des filles… Les garçons avaient plus tendance à fuguer mais les filles le pouvaient aussi alors il ne fallait pas tirer de conclusions trop hâtives. Et puis, il n’y avait pas que cette enquête en elle-même, il y avait le fait de la cacher. De se renseigner en secret, de venir ici en cachette. Sa relation avec Lorie qui était de plus en plus chaotique. Le fait qu’en voulant s’éloigner d’elle il s’éloignait aussi de son fils Carl et qu’il le vivait terriblement mal. À ça rajouter la trahison de son ami d’enfance, de celui qu’il considérait comme son meilleur ami. Quand avait il compris qu’il avait une liaison avec sa femme ? Il ne savait même plus. C’était juste un pressentiment et puis… l’odeur de son eau de cologne dans les draps que Lorie mettait trop souvent à laver. Peut être qu’encore une chose le perturbait ; de se rendre compte que Daryl Dixon n’était pas devenu un abruti en grandissant, comme il l’aurait pensé à leur première rencontre. À l'époque, il était persuadé qu’il finirait mal mais … La nature humaine était surprenante. Même au milieu des mauvaises herbes, les roses parviennent à pousser. Pleines d'épines mais avec un joli font. Daryl c’était ça. Il s’en rendait compte. Il était abrupt. Secret. Peu causant. Physiquement impressionnant. Rustre. Mais il était, chaque heure passée à ses côtés, un peu plus persuadé qu’il s’agissait d’un homme profondément bon. Enfin… Il y avait quand même les bidons d’essence au fond de sa cour. Et comme pour Shane, il était persuadé qu’il y avait là quelque chose qu’il allait savoir, bien qu’il aurait préféré l’ignorer. 
Rick était accoudé à la barrière de la terrasse de derrière. Il sentit d’un coup quelque chose de froid contre son bras et sursauta en se retournant. Ce n’était que l’aluminium plein de condensation de la canette de bière que Daryl lui tendait. 
Rick le remercia et s’en saisit. 

-Tout va bien ? 

-C’est plus difficile que ce que je ne le croyais… Si seulement on pouvait réduire le champ des possibles… 

Daryl hésita … Longuement. Mais résigné il finit par prendre la parole. 

-J’t’ai dis que je pense que c’est les anciens amis de mon père qui sont derrière tout ça. P’t’ être que je me trompe. Mais si c’est pas le cas et que c’est vraiment eux alors… Faut concentrer les recherches sur les filles de douze à vingt ans maximum et sur les garçons de dix à dix-sept ans. 

Rick le regarda choqué. Daryl, lui, regardait par terre. Les mâchoires serrées. 

-Des… Des garçons ? T’es sûr ? 

Le regard à la fois clair de par ses yeux et sombre de par son âme de Daryl à cet instant précis fit que quelque chose s’effondra dans la poitrine de Rick. 

-Merle c’est le genre de gars qui se dit, si moi je l’ai vécu alors les autres ont qu'à le subir aussi. C’est que justice après tout. 

Rick eut les mains qui tremblent. 

-Ton.. Ton père et ses amis ? 

-Mon père. 

D’un coup Rick n’en voulait plus vraiment à Merle de lui avoir tiré dessus il y a sept ans. Il avait seulement de la peine pour lui et puis de la haine d’un coup, en se disant qu’il n’hésitait peut-être pas à faire vivre ça à des dizaines de gamins innocents. Mais Rick eut un sursaut soudain. Il en lâcha sa canette qui heurta le sol avec violence. Ses yeux étaient embués d’angoisses. Pourquoi ? Pourquoi réagissait-il ainsi rien que d’y penser. Il avait travaillé aux mœurs, il avait vu l’horreur de ses yeux alors pourquoi ça le mettait dans cet état d’imaginer que l’homme devant lui.. 

-Et toi ? Ce n’était qu’un murmure mais Daryl avait entendu. Il ne répondit pas. 

-Fait des recherches aussi sur les garçons de dix à dix sept ans. 

Daryl commença à se retourner pour rentrer. Fuir cette discussion qu’il ne voulait pas avoir. Il avait été obligé de le dire. Pour le bien de l’enquête mais il n’avait jamais dis ces choses-là à quiconque. Et force est de réalisé qu’il n’avait jamais autant parlé avec un autre être humain si ce n’était Merle. 

-Tu avais quinze ans quand tu m’as prévenu pour ta cousine. Pourquoi tu ne m’as rien dit ? 

-Et toi pourquoi t’as rien vu ? Et même si j’avais dit quelque chose ça me serait juste retomber dessus. Mon père a pas été condamné. 

-Mais t’aurais pû témoigner, toi et Merle… ça aurait pû changer les choses ! 

-Ça n’aurait rien changé. Le juge était un ami de mon père. 

C’est sur cette vérité glaçante qu’il le laissa. Daryl s’enferma à l'intérieur. Il ne voulait plus parler. Rick lui se laissa glisser sur le sol. Totalement perdu. Il n’avait rien vu. Comment avait il fait pour ne rien voir. Si seulement il avait sû peut être qu’il aurait pû l’éloigner de tout ça.. Il aurait dû le savoir… Daryl était quelqu’un de bien. Il ne méritait pas ça. Et dire que Carl avait onze ans. Son fils fêtait son onzième anniversaire dans quelques jours et Daryl lui au même âge… Quelque chose lui crevait la poitrine et il avait l’impression d’avoir du plomb dans le ventre. Il n’avait plus ressenti ça, ce dégoût de lui-même, cette haine contre le monde et l’injustice depuis sept ans. Depuis l’affaire Carole Dixon. Pourquoi cette famille était-elle si compliquée, pourquoi… Pourquoi tant de haine et de cruauté dans un seul homme. Les bidons de gazole sur l’herbe rase et bien entretenue. Il comprenait maintenant. Et il était tiraillé. Il ne le connaissait pas tant que ça, ce Daryl Dixon et pourtant… Et pourtant il allait se taire et le protéger.

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