Chapitre 6 - Jamais deux sans trois (Léon)

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         — « C'est historique ce qu'il vient de se passer ce jour ! Léon Marchand est triple champion olympique et... »

La voix commentateur sportif continue de résonner sur les écrans alors que le public entonne la Marseillaise et que l'on me passe ma seconde médaille d'or autour du cou.

Ce soir, j'ai obtenu non pas une, mais deux médailles d'or. La première au 200m papillon, la seconde au 200m de brasse.

J'ai du mal à y croire. L'adrénaline peine à redescendre dans mes veines, je me sens fébrile, excité, sur un nuage. Je ne pensais pas parvenir à remonter et dépasser Kristof Milak, recordmen du 200m papillon depuis Tokyo. Le hongrois était une vraie machine. Tout s'est joué sur les 50 dernier mètre, je savais que si je poussais fort contre le mur, je pouvais prendre de l'élan. La foule était en liesse quand j'ai relevé la tête et que le Bip a résonné dans l'Arena. J'ai levé le poing, sous les applaudissements et les hurlements.

— Quel est votre secret, Léon ? me demande une journaliste alors que je descends de mon deuxième podium.

Ce soir, je suis triple champion olympique, mais je n'ai pas d'autre secret que :

— Un mental d'acier, une bonne préparation, et un bon coach.

Mon regard court vers Bob. Il lève son pouce, fier de moi, comme Michael Phelps qui m'a appelé tout à l'heure, entre les deux courses. On aurait dit qu'il venait lui-même de l'emporter tant il hurlait au téléphone. Mes parents aussi sont exaltés et Oscar ne cesse de s'agiter. J'ai l'impression de revoir le petit garçon qui me suivait après l'école, enfant.

— Tout de même, trois titres olympiques en quelques jours, reprend la journaliste. Vous rendez vous compte de votre exploit ? C'est historique ! Vous êtes rentrés dans l'Histoire ce soir, Léon.

— Pas vraiment, j'ai du mal à réaliser.

Pourtant, c'était ce que je voulais. Du haut des gradins, mes amis toulousains me font de grands signes. Ils sont venus exprès pour assister à la compétition, cela me fait plaisir de les voir.

— Vous n'aviez pas peur d'échouer ?

Un sourire étire mes lèvres.

— Si, mais j'ai appris à gérer la pression, grâce à un préparateur mental aux Etats-Unis. Je savais que je ne devais pas me laisser envahir par le stress, alors je me suis dit : « Quelle est la pire chose qui puisse arriver ? ». Dans le pire des cas, je finissais huitième. Est-ce que ma famille m'aimerait moins ? Non. Est-ce que je serai déçu ? Probablement. Mais cela ne changerait rien : je continuerai à nager.

— Impressionnant. Savez-vous que pendant quelques minutes, tous les jeux se sont arrêtés pour vous regarder ? Il a même fallu interrompre la compétition d'escrime. Le public regardait votre exploit sur son téléphone. Tout le monde n'a d'yeux que pour vous.

Non, j'ai du mal à réaliser. C'est tellement incroyable.

— Je l'ignorais, mais cela me fait très plaisir, répond-je calmement.

D'autres journalistes se pressent pour m'interroger. Je réponds poliment, calmement, en jugulant mon palpitant. J'ai appris à garder mon calme en toute circonstance. Bien que ce soir finit, j'ai l'impression que la Marseillaise résonne encore dans mes oreilles. Deux fois pour moi aujourd'hui. C'est tellement fou.

Je quitte l'Arena sous les ovations pour rejoindre le vestiaire.

Quand j'arrive, une serviette m'attend sur le banc. J'avais presque oublié l'avoir demandé à la Fille-Océan, qui ne m'a toujours pas révélé son identité, mais que je suis ravi d'avoir recroisé. Elle n'était pas là durant les entraînements, ni les quarts et demi-finale. Je croyais ne jamais la revoir, et la croiser tout à l'heure m'a donné la force d'accélérer à la dernière seconde sur le 200m papillon, en plus des cris du public.

Je laisse tomber mes vêtements et me glisse sous l'eau chaude. J'ai besoin de redescendre sur terre, de faire cesser les palpitations de mon cœur et les cris dans ma tête. La douche me fait du bien. Quand je ressors, je suis presque triste de ne pas trouver Miss-Océan, mais me réconforte grâce à la serviette douce et chaude.

Puis, je pars rejoindre mes parents et mon frère. Ils m'ont proposé d'aller boire un verre (sans alcool) au bar de l'hôtel où je loge. Je ne dois pas me coucher trop tard, j'ai une nouvelle course demain soir, mais j'ai tellement d'adrénaline dans le sang que je ne pourrai pas dormir de toute façon. À peine ai-je mis un pied hors des vestiaires qu'Oscar se jette sur moi. J'ébouriffe les cheveux de mon frère et le serre contre moi pendant qu'il scande :

— Triple champion olympique ! Triple champion olympique ! Tu te rends compte ? Papa et Maman sont si fiers. JE suis trop fier.

Mon frère m'entraîne derrière lui, son plaisir faire du bien. Il n'y a rien qui me rende plus heureux que de contenter ma famille. Je vois peu Oscar depuis que j'étudie en Arizona, cela me fait du bien d'être avec lui. Mes parents m'attendent devant l'une des portes arrière de la piscine. La fédération a loué un hôtel à côté de l'Arena, ce qui nous évite les allers-retours vers le village olympique qui fatiguent. Une fois à l'extérieur, j'écoute mes parents refaire les deux compétitions, comme s'ils l'avaient vécu, pendant que nous marchons vers l'hôtel. Je sais qu'ils me comprennent, surtout mon père qui est médaillé olympique lui aussi, en 1996 et 2002.

La natation on l'a dans le sang chez les Marchand.

Oscar est le premier à pénétrer dans le hall de l'hôtel. Nous le suivons jusqu'au bar, où je trouve mes amis toulousains déjà réunis. Ils se lèvent d'un seul mouvement, se mettent à hurler, crier, puis se jettent dans mes bras.

— T'es un champion, frère.

— Tu fais honneur à Toulouse. Il n'y a pas que le Rugby dans la ville rose !

— Si on avait su que le futur champion olympique était avec nous au lycée, on ne t'aurait pas autant malmené.

Ils déconnent bien sûr. Mes années lycées se sont bien déroulées, même si je n'étais pas un très bon élève. Si j'ai brillamment réussi dans le sport, et que j'ai obtenu mon diplôme d'informatique, je n'ai pas pour autant eu un parcours scolaire facile.

— Qu'est-ce que tu veux boire ? demande ma mère.

Je suis tenté de répondre : un Perrier.

— Un jus d'orange.

J'ai besoin de sucre.

— Je te prends un cocktail sans alcool. Avec des fruits.

J'opine. Ma mère récupère la commande de tout le monde et se rend au comptoir. Je m'assois sur l'un des fauteuils, entouré de ma famille et mes amis et les écoute refaire les courses, sourire aux lèvres.

Je flotte sur un nuage. Mon père ne cesse de montrer des extraits de la course à mes amis sur son portable. Chaque fois que je dépasse le hongrois, ils se remettent à hurler. Je sirote mon cocktail, et m'apprête à en demander un deuxième, quand mes oreilles sont attirées par une voix que je reconnais.

— Tu devrais aller te coucher, Apolline ?

— Je prends juste un verre avec les filles et je monte.

Une seconde plus tard, Miss-Océan, accompagnées d'Olivia-la-bénévole et une inconnue, font leur entrée.

Apolline, de son prénom, tourne alors son visage et ses yeux rencontrent les miens pour la seconde fois de la journée. Mon cœur manque un battement.

Encore. 


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Le rêve olympique : Léon Marchand & la bénévoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant