Chapitre 4

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— Je ne sais pas si c'est une bonne idée de les récupérer, déclare son père d'une voix hésitante, son regard se posant longuement sur les pierres étincelantes au fond du bocal. Il y en a plein, en plus. C'est vraiment impressionnant ce que tu as gagné, mais vraiment, ajoute-t-il en se grattant le menton, visiblement troublé.

Après avoir passé quelques minutes à observer les opales, le père de Rokia finit par déplacer le bocal sur la table de chevet de sa fille, comme elle le lui a demandé. Avec un sourire rêveur, Rokia ressent le désir de s'endormir sous le regard de sa méduse. Il exécute sa demande avec soin, ses frères suivant des yeux chaque mouvement du bocal, intrigués.

En marchant en file indienne derrière son père, Rokia, la benjamine, observe à distance l'étrange créature dans le bocal. Malgré l'éloignement, elle distingue les mouvements agités de la petite bête lumineuse qui semble chercher quelque chose. Lorsqu'ils arrivent dans la chambre, la méduse se fige, et Rokia sent une vague d'apaisement l'envahir, comme si une connexion mystérieuse s'établissait entre elle et l'animal.

La mère de famille, qui n'a cessé de regarder la méduse avec méfiance depuis leur retour, refuse de les accompagner jusque dans la chambre.

— Bon, je vous laisse toutes les deux, dit le père, en haussant les épaules. J'espère qu'elle ne mord pas. Si jamais il t'arrive quelque chose, moi et tes frères serons là ! ajoute-t-il en adressant un clin d'œil taquin à sa fille.

Les frères de Rokia échangent un regard amusé et se mettent à ricaner, tandis que leur père, toujours prêt à faire rire ses enfants, leur fait un clin d'œil complice pour détendre l'atmosphère.

Face à elle, la méduse dorée semble fixer Rokia d'un regard intense. Bien que cela puisse être perturbant pour d'autres, elle n'y trouve rien de dérangeant. Avec un sourire, elle tapote doucement le mini aquarium pour provoquer une réaction ; la méduse, en réponse, vient toucher son propre reflet avec l'une de ses tentacules, comme pour imiter son geste.

Finalement, son père se retire pour aller se coucher. Rokia, elle, s'apprête à nourrir la méduse, mais son regard est irrésistiblement attiré par les pierres au fond du bocal. L'envie de les toucher la submerge, et, sans réfléchir, elle plonge sa main dans l'eau tiède, un frisson d'excitation lui parcourant l'échine.

Elle commence par effleurer les pierres multicolores, dont la texture soyeuse et la brillance la fascinent. Cela lui rappelle les éclats lumineux du lac qu'elle aime tant. Elle se demande un instant si ces pierres viennent de cet endroit mystérieux. Dans un coin du bocal, la pierre verte, particulièrement étincelante, capte son attention. La méduse semble suivre le mouvement de sa main avec une grâce hypnotique, et Rokia se sent comme emportée par la douceur de l'eau. Lorsqu'elle atteint la pierre verdâtre, une étrange décharge électrisante la saisit.

— Rokia, i bɛ ka ɲɛ wa ? 

— Rokia, ça va ? appelle sa fille depuis la pièce voisine, alertée par un cri de douleur étouffé.

La jeune fille, le souffle court, mord sur sa lèvre pour contenir sa surprise. Peu après, elle finit par s'endormir, la tête pleine de questions, une sensation de vertige l'enveloppant doucement. Au réveil, elle repense à l'étrange sensation de la veille. Durant cet instant bref mais intense, elle avait eu l'impression de quitter la planète, comme si une énergie légère l'avait traversée. Tout semble en ordre, mais elle réalise le risque qu'elle a pris.

Rokia ne comprend pas pleinement l'ampleur de ce qui vient de se passer. Cette opale verte est si singulière qu'elle en paraît dangereuse. Elle commence à soupçonner que la méduse, bien que paraissant inoffensive, protège peut-être certains secrets mystérieux.

Ce jour-là, Rokia n'entreprend rien de spécial, si ce n'est de passer des appels à ses amies pour leur raconter son aventure. Demain, c'est déjà la rentrée ; elle espère que ce nouveau chapitre lui apportera de la sérénité.

En observant la méduse dorée qui flotte calmement, elle se demande quels secrets elle dissimule. En tournant le bocal, elle remarque soudain un petit papier plié au fond, avec une phrase écrite dessus :

— Dans un jour, approchez vous de l'étang pour régénérer la méduse afin qu'elle vive plus longtemps, peut-on y lire.

Surprise, Rokia se demande un instant si ce message est une farce. Elle décide de l'ignorer et continue de préparer ses affaires pour le lendemain, légèrement troublée. À sa grande surprise, elle n'a pas très faim, et après un copieux repas à midi, elle s'endort plus tôt que d'habitude.

La nuit passe en un éclair, et elle se réveille brusquement, n'ayant dormi que sept heures. Elle entend les pas rapides de sa mère qui descend les escaliers, déjà prête à partir travailler.

— Aw ka hɛrɛ sɔrɔ bi in na !

— Bon courage pour aujourd'hui ! ajoute son père d'une voix chaleureuse, suivi de ses frères qui l'encouragent également. 

Rokia réalise alors que c'est la rentrée pour tout le monde. En sortant, elle aperçoit des enfants plus jeunes courir, excités par l'idée de retourner à l'école, tandis que des petits de maternelle traînent les pieds, certains pleurant bruyamment.

Cette marche la fait réfléchir : elle prend conscience que le retour à l'école est vécu différemment par chacun, selon l'âge et l'expérience.

Arrivée à l'arrêt de bus, elle aperçoit des jeunes de son âge, tous impatients d'entrer dans l'établissement. Elle est pile à l'heure et se dirige vers la porte d'entrée. Un garçon de son âge arrive en courant, visiblement pressé, et traverse la cour en toute hâte. 

Rokia, en s'installant en classe, espère se faire une place parmi ses nouveaux camarades. Les bavardages emplissent la salle, et la matinée passe rapidement. À son retour, elle découvre avec surprise la porte d'entrée laissée entrouverte.

— Comment s'est passée ta matinée ? demande Alassane, l'un de ses frères, curieux d'en savoir plus sur cette première journée.

Rokia, hésitante, lui répond brièvement, expliquant qu'elle n'a encore rien de concret à raconter et qu'elle fera connaissance petit à petit.

Thierno, impatient, se faufile dans sa chambre pour lui poser la même question, mais s'arrête net, remarquant quelque chose d'anormal.

— Euh... Rokia ? C'est quoi cette tâche que tu as sous l'œil ? demande-t-il, perplexe, en la dévisageant.

— De quoi tu parles ? réplique-t-elle en s'approchant d'un miroir, la gorge serrée.

Elle découvre alors une petite tâche verte juste sous son œil. Éberluée, elle scrute son reflet, un frisson d'inquiétude lui parcourant l'échine.

— Rokia... Tu vas bien ? C'est sûrement rien de grave, la rassure Thierno, l'air sincèrement inquiet.

Mais Rokia reste silencieuse, perturbée. En jetant un coup d'œil au bocal de la méduse, une intuition grandit en elle. Elle est convaincue que cette étrange tâche verte est liée à la fameuse opale. Elle pensait que ce n'était qu'une sensation passagère, mais, peu à peu, elle comprend que quelque chose de mystérieux a commencé à se manifester.

Opales des AbyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant