Chapitre 9

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Dans les profondeurs, le groupe s'arrête dans un endroit désert, à l'exception de quelques algues et serpents aquatiques qui semblent tourner autour d'eux, sinueux et inquiétants, comme s'ils cherchaient quelque chose. Rokia se sent très mal à l'aise, une sensation d'oppression dans la poitrine, tandis que les autres essaient de garder leur calme, échangeant des regards nerveux.

Soudain, leurs peaux commencent à scintiller, reflétant la lumière douce des abysses, puis les serpents disparaissent brusquement dans un dernier mouvement ondulant. Intriguée, et quelque peu soulagée, Rokia se tourne vers Cincotti, qui semble déjà avoir deviné sa question, un sourire énigmatique aux lèvres.

— Mais... pourquoi ont-ils disparu ? murmure-t-elle, un léger tremblement dans la voix.

— Ce sont des serpents éphémères, lorsqu'ils entrent en contact avec des personnes, ils meurent. lui explique-t-il d'un ton grave.

Cette révélation surprend Rokia et lui provoque un pincement au cœur, un étrange mélange de soulagement et de tristesse pour ces créatures mystérieuses. Autour d'eux, des bulles commencent à se former, dansant dans l'eau, et soudain, une sensation étrange les envahit : l'apparition du dortoir se fait sentir, comme une énergie nouvelle qui imprègne l'espace. Du sol, invisible jusque-là, émerge un espace où tous les jeunes peuvent se coucher confortablement, semblant s'être matérialisé en un clin d'œil. Rokia, les yeux écarquillés, n'en revient pas de cette transformation soudaine.

— D'ailleurs, je ne t'ai pas encore dit, ajoute Cincotti, le ton empreint de fierté, mais ici, on est à Doussou-Centre-ville. Bienvenue !

Rokia observe autour d'elle, émerveillée. À Doussou, tout est incroyablement photogénique, comme si chaque détail avait été pensé pour fasciner. Une tour imposante en forme de losange, ornée de précieuses opales, se dresse devant eux, scintillant de mille feux. Autour d'eux, des jeunes sont déjà installés, émerveillés par la beauté des bâtiments, et certains commencent même à explorer ce lieu mystérieux avec des éclats de rire.

— Comment un dortoir peut-il être aussi magnifique ? Il y a trois losanges argentés et dorés, et les coraux envahissent les murs. C'est tellement ravissant ! s'émerveille Rokia à voix basse

Ryujin, amusé par son air d'enfant émerveillée, joue le rôle de guide.

— Il faut que tu poses ta main ici, vas-y ! Ils ne te feront pas de mal, assure-t-il avec un clin d'œil.

Rokia hésite un instant, les yeux fixés sur une boîte tenue par des requins à deux têtes. Les créatures, orange vif, la fixent de leurs yeux rouges et perçants. Elle retient son souffle pour ne pas trahir son appréhension, la gorge serrée, mais finit par poser sa main sur l'objet, se demandant si elle n'a pas commis une erreur en obéissant. Une sensation de viscosité lui colle à la peau ; elle tente de retirer sa main, mais la machine semble la retenir fermement.

— Ne bougez pas, c'est pour vérifier si vous êtes purs, déclare une voix grave qui semble émaner de la machine elle-même.

Des bulles apparaissent soudain autour d'eux, dansant dans l'eau comme des lucioles aquatiques, puis sont rapidement englouties par les mouvements de la machine, laissant une sensation de légèreté étrange avant de disparaître. Finalement, la machine relâche la main de Rokia, qui se sent écœurée en découvrant sa paume couverte de morve visqueuse. Elle se retient de vomir, crispée par la répugnance, et se demande avec amertume s'il n'existait pas un autre moyen de vérifier cette « pureté » qu'on lui impose.

Malgré cette sensation désagréable, une bonne odeur flotte dans l'air, attirant Rokia vers son dortoir. Elle est encore émerveillée par l'architecture fantastique qui l'entoure.

Ils se retrouvent alors face à une deuxième porte gigantesque. À chaque pas qu'ils font, le sol change de couleur, passant du blanc au noir, comme un miroir des émotions de chacun. Le plafond, lui, s'anime en motifs mouvants toutes les trente secondes. La salle d'accueil est remplie d'opales multicolores suspendues comme des lanternes, diffusant une lumière apaisante. Ici, la notion du temps semble s'être évaporée.

Les jeunes, fascinés, courent dans tous les sens, joyeux et insouciants. Dans ce dortoir magique, des poissons argentés de trois mètres de long glissent majestueusement autour des colonnes. Un coin lecture attire Rokia ; les livres semblent se mettre automatiquement à jour avec les événements de la ville, un détail qui l'intrigue profondément.

Depuis leur arrivée à Doussou, tout surprend Rokia. Elle se sent dans un conte magique, mais aussi terrifiant, face à des choses qu'elle n'a jamais vues auparavant.

— Bon, la porte s'est ouverte, vous pouvez aller vers vos dortoirs ! lance Cincotti avec un geste bienveillant.

Ils retrouvent les serpents arc-en-ciel de tout à l'heure, qui glissent paisiblement dans la salle comme si de rien n'était. Rokia se demande s'il s'agit des mêmes serpents ; peut-être ont-ils ressuscité, songe-t-elle, le regard intrigué.

Cincotti, les observant discrètement, n'est pas là par hasard. Ce qu'ils ignorent, c'est qu'il a orchestré leur arrivée dans les abysses, chaque étape savamment calculée. Il s'apprête à leur donner un objet curieux, les appelle d'une voix ferme.

— Attendez, ne bougez pas ! Je dois vous donner ceci, dit-il en s'approchant avec deux boîtes délicates.

En ouvrant les boîtes avec précaution, leurs yeux s'illuminent à la vue des objets, de petits cercles en métal dont l'éclat leur évoque la mer. Rokia a du mal à décrire ce qu'elle ressent, émerveillée.

— J'ai oublié de vous le donner hier, ce que je vous donne est un moyen de vous préserver, de vous protéger, et surtout de vous entraîner. C'est fragile, donc faites attention, explique Cincotti, le ton sérieux.

Les adolescents saisissent les objets et sont surpris de voir des lumières s'activer : violette pour Ryujin et verte pour Rokia. Ce qui les distingue, ce n'est pas seulement la couleur, mais les motifs délicats à l'intérieur, fascinants et complexes.

Pendant ce temps, Rokia, envoûtée par l'étrange beauté des abysses, continue d'explorer ce monde sous-marin, tandis que ses parents, désespérés, décident de retourner au lac de la ville. La zone est encerclée de rubans de la police, tentant d'éviter de nouvelles disparitions. La tragédie de Rokia semble enfin avoir alerté les autorités, malgré les cas précédents de Ryujin et Cincotti.

Mariam, la mère, est accablée, ses pensées brouillées par la douleur. Elle se demande si elle arrivera un jour à reprendre son travail de médecin, le cœur en lambeaux. Pour elle, l'absence de Rokia est un gouffre insondable.

— Tu penses que Rokia est partie à la recherche du château des abysses ? murmure Thierno, l'un des frères, à son jumeau, l'air pensif.

— Pourquoi serait-elle partie sans nous prévenir ? rétorque l'autre, inquiet. C'est très dangereux, mais je connais notre sœur ; elle est encore vivante.

Dans les abysses, Rokia poursuit son exploration, se laissant absorber par la magie du dortoir.

— Trêve de rêvasserie. Avançons, les amis ! lance Cincotti d'un ton joyeux.

Les escaliers devant eux sont immenses, ornés de touches d'or scintillantes, et les algues, sculptées en forme de marches, semblent solides malgré le passage des jeunes. En s'aventurant sur ces marches, les adolescents ressentent une sensation unique, presque en apesanteur. Rokia, malgré son émerveillement, avance prudemment, retenant son souffle à chaque pas, même si Cincotti et Ryujin n'arrêtent pas de la rassurer sur la solidité des marches.

Opales des AbyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant