Rokia ressent un pincement au cœur à l'idée de se séparer de Ryujin, le regardant avec une expression mêlée de tristesse et d'incertitude.
— Bon... Rokia, on se dit à demain, j'espère. Ça m'a fait plaisir de te rencontrer, dit-il d'une voix douce, le visage empreint d'une sincère chaleur.
— Moi aussi. J'espère être encore en vie d'ici là. À demain. murmure Rokia, esquissant un sourire malgré son inquiétude
Les adolescents, résignés, savent qu'ils sont contraints de vivre ici pour le moment, un peu comme des prisonniers sans chaîne, sans rien pouvoir faire pour retourner chez eux. Rokia sent en elle un désir d'échappatoire, quelque chose qui pourrait l'aider à oublier qu'ils sont plongés si profondément, presque prisonniers des abysses.
— Allez, viens ! Je ne te mangerai pas ! lance soudain une voix enjouée derrière elle, tirant Rokia de ses pensées.
Elle fait la connaissance d'une fille avenante, aux longs cheveux bruns et à la peau cuivrée, qui la regarde de ses grands yeux marron. Sa tenue, un peu trop courte et visiblement usée, lui donne un air à la fois décontracté et libre. Cette demoiselle, qui se présente d'un sourire lumineux malgré la fine couche de poussière qui recouvre son visage, signe d'une journée épuisante, l'invite à entrer. Sa bonne humeur sincère et naturelle rassure immédiatement Rokia, lui donnant même l'envie de s'intégrer.
Touchée par cette invitation, Rokia suit son hôtesse, qui lui montre sa chambre. Là, elle découvre un livre ancien, à la couverture usée, qui décrit en détail des créatures marines effrayantes ; certains dessins, d'un réalisme glaçant, lui donnent des frissons.
— Elle est trop belle, ta méduse ! s'exclame Anjali, les yeux brillants d'admiration.
— Elle est comme ma meilleure amie, répond Rokia avec une pointe de fierté, caressant doucement la méduse dessinée sur le livre, comme si elle la connaissait vraiment.
Elle prend le temps d'explorer le dortoir, un lieu si fabuleux et chaleureux qu'elle a l'impression d'être dans une suite luxueuse, bien loin de l'austérité qu'elle imaginait. Les lits, marbrés de rouge, dégagent une élégance étrange, et des tapis portant l'effigie de l'opale dorée de la ville confèrent à l'endroit une allure presque royale.
Un grand aquarium trône dans la pièce, illuminant doucement l'espace. À l'intérieur, un requin passe en silence, entouré de petits cerceaux blancs dont elle se demande l'utilité. Anjali lui explique avec un sourire malicieux qu'il faut un mot magique pour ouvrir le buffet mis à disposition, un mot qui change toutes les deux semaines. Elle s'essaie à l'exercice, amusée par l'idée. Pour allumer la lumière, il suffit de taper des mains ; Anjali le lui montre avec un entrain contagieux.
Après quelques instants, elles s'installent, prêtes à faire plus ample connaissance.
— Moi, c'est Anjali ! C'est quoi ton prénom ? lance-t-elle joyeusement, visiblement ravie d'avoir une nouvelle amie.
— Je m'appelle Rokia, enchantée ! répond-elle, déjà plus à l'aise.
— Ça va ? Ça fait combien de temps que tu es ici ?
— Depuis aujourd'hui ! Je viens de la terre ferme, précise Rokia avec un sourire nostalgique.
Anjali fronce les sourcils, clairement intriguée, ne comprenant pas ce que cela signifie. Elle n'a aucune connaissance de la vie au-dessus des abysses, et cela se voit dans ses yeux écarquillés. Rokia lui explique doucement qu'elle a été projetée ici par des algues mystérieuses et ajoute qu'à la surface, personne ne mange d'opale pour vivre.
— Ça alors ! Il y a une vie hors des profondeurs ? Et on peut vivre et respirer là-bas sans manger ces affreuses opales ? Je veux aller là-bas ! s'exclame Anjali, des rêves plein la voix, les yeux brillants.
Avec hésitation, Rokia lui montre la pierre verdâtre coincée dans son larynx. Anjali reste un instant bouche bée, stupéfaite, fascinée par cette gemme verte qu'elle n'a jamais vue ici. Au travail, ils ne reçoivent que des pierres polychromes ; celle-ci lui paraît précieuse et presque surnaturelle. Elle fixe la gemme, qui brille de mille feux dans la pénombre, en rêvant de la posséder.
— Tu as de la chance... murmure Anjali, sa voix trahissant une peine profonde. Mes parents sont morts par manque d'opale. Ils étaient gravement malades et ne pouvaient plus travailler. J'aurais voulu les inscrire à ce dispositif pour obtenir des gemmes gratuites, mais c'est réservé aux personnes âgées. Moi, toute seule, je ne pouvais pas subvenir à leurs besoins, malgré mes heures supplémentaires... Je les ai vus mourir sous mes yeux. Si j'avais eu cette pierre verte, j'aurais pu les sauver.
Anjali, les yeux embués, commence à ingurgiter des opales pour augmenter sa jauge d'oxygène, une habitude devenue une nécessité pour elle, tout en racontant son histoire avec une résignation poignante. Elle avale les pierres avec une amertume évidente, un regard sombre sur le passé, cherchant ainsi à éviter de finir comme eux.
Rokia, quant à elle, est bouleversée par ce que lui raconte sa nouvelle camarade, les mots lui laissant un goût amer. Elle peine à croire l'horreur de la situation ici, prenant lentement conscience de la chance immense qu'elle a d'avoir cette opale verte ; sans elle, elle se rend compte qu'elle serait probablement déjà morte, comme les parents d'Anjali.
Plus tard, en essayant de trouver le sommeil, Rokia ressent soudain une douleur sourde dans son bras, une sensation étrange et désagréable. C'est similaire à la dernière fois chez elle, mais cette douleur est encore plus intense, lui arrachant un gémissement qu'elle tente de retenir. Elle serre les dents, essayant de ne pas réveiller Anjali, qui vient de s'endormir paisiblement. En serrant son bras comme si cela pouvait atténuer la douleur, elle espère secrètement que cette souffrance mystérieuse s'apaisera, se demandant si ce n'est pas un nouvel effet des abysses, toujours plus sombres et imprévisibles.
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Opales des Abysses
FantasyRokia, une jeune fille curieuse, assiste à la foire annuelle des jeux de son quartier. Alors qu'elle participe à différents jeux, elle finit par remporter un prix inattendu : une méduse dorée, un animal aquatique étincelant et mystérieux, enfermé da...