Chapitre 6

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Rokia commence à sentir une boule se former dans sa gorge, incapable d'expliquer ce qui lui arrive. Elle se sent engourdie par cette marée intenable. Sa bête aquatique dorée la suit, plongée dans la même tourmente.

Elle peine à croire ce qui lui arrive. À peine a-t-elle quitté la terre ferme qu'elle se retrouve aspirée sans comprendre pourquoi ni où elle va. En un clin d'œil, elle est engloutie dans les profondeurs de l'étang. Comment tout cela est-il possible ?

Rokia lève la tête, cherchant à évaluer la distance jusqu'au sol, malgré son manque d'énergie. Elle croise le regard désespéré des personnes présentes, désolées de ne pas pouvoir la sauver. Ce sera la dernière image qu'ils auront d'elle avant qu'elle ne disparaisse dans l'eau noir-bleutée. Une des personnes essaie de la retenir, mais elle est violemment repoussée par la force de l'impact.

Sa gorge commence à la démanger, et des poissons l'entourent. Rokia perd connaissance, son corps poursuivant sa terrible descente.

En dépit de ses efforts pour remonter à la surface, elle commence à manquer d'oxygène. Elle ferme la bouche pour conserver l'air, mais des bulles s'échappent alors que son souffle s'estompe peu à peu.

Pendant ce temps, les policiers et les pompiers arrivent sur les lieux, mais ils constatent des dégâts inexplicables. Ils ne peuvent rien faire d'autre que d'analyser la situation, s'approchant un peu plus près de l'endroit d'où remontent des bulles depuis un certain temps.

« Comment cela peut-il arriver ? »

Sans explication, Rokia finit par retrouver son souffle, bien qu'elle soit à plusieurs mètres de profondeur. Elle reprend ses esprits et continue sa descente, l'algue qui serre toujours sa jambe ne la lâchant pas. Ce qu'elle ne réalise pas, c'est que l'opale dans sa gorge lui permet de respirer sous l'eau. Cette pierre qu'elle a touchée lui a transmis la capacité de respirer sous l'eau. L'opale verdâtre dans son larynx illumine les abysses sombres. Elle atteint sa destination environ trente minutes plus tard.

« Je devrais les suivre ? »

Rokia se demande ce qu'elle doit faire. Ses animaux aquatiques semblent l'entraîner vers des escaliers. Hésitante, elle surmonte finalement son inquiétude. Elle prend son courage à deux mains et avance.

L'adolescente est surprise de constater qu'il est possible de marcher normalement sous l'eau, comme si le sol se reconstituait sous ses pieds.

Les hippocampes, grâce à leur force inégalée, ouvrent une porte, révélant un spectacle incroyable.

Dans ce monde sombre, des châteaux sont en construction. Rokia est émerveillée de voir qu'il y a de la vie dans les abysses ; les théories de ses frères semblent donc plausibles. Des hommes et des femmes s'affairent à bâtir des maisons.

Les losanges s'entrelacent, permettant aux habitants de communiquer. Les châteaux achevés, impressionnants, changent de couleur selon les conditions environnantes.

Dans ces profondeurs, tout est fait de gemmes polychromes ; il faut dire que les opales sont précieuses ici. Elle se demande si ces pierres multicolores ne sont pas le résultat de la marée noire observée à la surface.

En marchant, le sol semble gluant, rendant ses déplacements difficiles. Ce qui la fascine, ce sont ces habitants déshumanisés. Rokia remarque quelque chose d'étrange chez ces citoyens : sur le côté de leur cou, ils portent une sorte de barre contenant un liquide, dont la longueur varie d'une personne à l'autre.

« Tu en as trouvé plein ? Super ! »

Plusieurs familles démunies, aux corps affaissés, cherchent désespérément des pierres précieuses bigarrées. C'est une scène empreinte de tristesse infinie. Tout le monde semble en quête de ces gemmes omnicolores.

« Bon, écoutez, il est temps d'aller travailler ! Vous n'avez pas le droit de prendre des gemmes ici ! »

Des policiers forcent les familles à cesser leurs recherches illégales. On dirait qu'elles se cachent pour venir ici. Les forces de l'ordre expliquent comment obtenir des pierres : en participant à la construction de bâtiments ou en effectuant d'autres travaux pénibles. Les familles, résignées, se plient à ces exigences. Les travailleurs affichent une barre de vie au maximum, contrairement à celle des familles.

« Pourquoi veulent-ils tant de gemmes, et comment font-ils pour respirer sous l'eau ? »

Accompagnée de sa méduse, Rokia continue de se poser des questions. Une scène qui se déroule devant elle va lui fournir des réponses.

« LÂCHEZ-MOI ! »

Une femme appauvrie, avec des dents manquantes et un crâne dégarnie, peine à marcher. Elle refuse de partir travailler et continue à chercher des pierres malgré les avertissements des forces de l'ordre. Désespérée, elle commence à ingurgiter des opales colorées, et sa barre de vie augmente de façon drastique.

« VOUS NE VOYEZ PAS QUE JE NE PEUX PAS TRAVAILLER DANS CET ÉTAT ! LAISSEZ-MOI PAR PITIÉ ! JE VAIS MOURIR SINON ! »

Elle agit ainsi pour protéger ses opales. Ce comportement met en colère les gardes ; ils se moquent de son état et, après une lutte, elle est arrêtée et emmenée en prison.

Rokia commence à comprendre que ces opales polychromes permettent aux habitants de respirer. Elle se demande pourquoi elle a de l'oxygène sans avoir besoin de ces pierres. Touchant sa gorge, elle réalise rapidement la situation : elle se rappelle l'opale verdâtre. Ce qu'elle peine à comprendre, c'est qu'elle n'a pas besoin de manger d'opales.

Pendant ce temps, sur la terre ferme, la famille de Rokia s'inquiète de son absence prolongée. Le père de famille décide de se rendre à l'étang. Il ne comprend pas pourquoi il y a tant de monde. Il s'informe auprès des personnes présentes.

« Excusez-moi, ma fille est venue ici avec une méduse. Vous ne l'auriez pas vue ? »

Les gens échangent des regards, et il ne leur faut pas longtemps pour comprendre qu'ils sont face au père de l'adolescente. Ils commencent à lui expliquer ce qui s'est passé en détail.

Opales des AbyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant