Rokia commence à sentir une boule se former dans sa gorge, incapable d'expliquer ce qui lui arrive, tant la panique la submerge. Elle se sent engourdie par cette marée intenable, incapable de réagir. Sa bête aquatique dorée, qui semble comprendre son angoisse, la suit de près, elle aussi plongée dans la même tourmente.
Elle peine à croire ce qui lui arrive ; tout cela lui paraît irréel, comme un mauvais rêve. À peine a-t-elle quitté la terre ferme, hésitante, qu'elle se retrouve aspirée, sans comprendre pourquoi ni où elle va. En un clin d'œil, elle est engloutie dans les profondeurs de l'étang, les images de la surface déjà loin derrière elle.
Comment tout cela est-il possible ? songe-t-elle, désespérée.
Rokia lève la tête, cherchant à évaluer la distance jusqu'au sol, même si elle se sent de plus en plus faible. Son regard croise celui, désespéré, des personnes restées au bord de l'eau, qui, impuissantes, l'observent sombrer. Ce sera la dernière image qu'ils auront d'elle avant qu'elle ne disparaisse dans l'eau noir-bleutée. Ils auraient voulu la sauver, c'est certain, pense-t-elle. Une des personnes s'avance pour essayer de la retenir, mais elle est violemment repoussée par la force de l'impact de l'eau.
Sa gorge commence à la démanger, comme si l'eau cherchait à y pénétrer, et bientôt des poissons l'entourent, créant une danse aquatique autour de son corps. Rokia perd connaissance, et son corps, sans vie, poursuit cette terrible descente dans les abysses.
En dépit de ses efforts pour remonter à la surface, elle commence à manquer d'oxygène ; la panique monte. Elle ferme la bouche pour conserver l'air, mais, malgré elle, des bulles s'échappent alors que son souffle s'estompe peu à peu, signal de sa fin imminente.
Pendant ce temps, les policiers et les pompiers arrivent sur les lieux, observant avec stupéfaction la scène chaotique. Ils ne peuvent rien faire d'autre que d'analyser la situation, s'approchant lentement du bord d'où remontent les bulles de plus en plus espacées.
— Comment cela peut-il arriver ? marmonne l'un des policiers, incrédule.
Sans explication, Rokia finit par retrouver son souffle, miraculeusement, bien qu'elle soit à plusieurs mètres de profondeur. Elle reprend ses esprits, confuse mais respirant, tandis qu'elle continue sa descente. L'algue, serrant toujours sa jambe, ne la lâche pas. Ce qu'elle ne réalise pas encore, c'est que l'opale dans sa gorge lui permet de respirer sous l'eau, lui offrant un sursis inattendu. Cette pierre qu'elle a touchée lui a transmis la capacité de respirer sous l'eau, illuminant son larynx d'une lueur verdâtre qui perce les abysses sombres. Elle atteint sa destination environ trente minutes plus tard, éreintée.
— Je devrais les suivre ? murmure-t-elle en apercevant des formes étranges en mouvement.
Rokia hésite sur la marche à suivre, mais ses animaux aquatiques semblent vouloir l'entraîner vers des escaliers miroitant d'un éclat mystérieux. Tremblante, elle prend finalement son courage à deux mains et avance, tentant de surmonter sa peur.
L'adolescente est surprise de constater qu'il est possible de marcher normalement sous l'eau, presque comme si le sol se reconstituait sous ses pieds. C'est incroyable, pense-t-elle, ébahie.
Les hippocampes, dotés d'une force surprenante, ouvrent une grande porte en corail, révélant un spectacle qu'elle n'aurait jamais pu imaginer.
Dans ce monde sombre, des châteaux se dessinent, en pleine construction, comme dans un rêve. Rokia observe, fascinée, la vie sous-marine qui s'organise dans ces profondeurs.
Les théories de mes frères étaient donc vraies, pense-t-elle, stupéfaite.
Des hommes et des femmes s'affairent à bâtir des maisons de cristal et de corail. Les losanges des structures s'entrelacent, permettant aux habitants de communiquer par des lueurs changeantes. Les châteaux achevés, imposants et majestueux, prennent des teintes en fonction des conditions environnantes, semblant palpiter de vie propre.
Dans ces profondeurs, tout est fait de gemmes polychromes ; elle se demande, songeant aux derniers jours, si ces pierres multicolores ne sont pas la conséquence de la marée noire qu'elle a vue en surface.
En marchant, le sol, gluant et visqueux, rend chacun de ses pas pénible. Cependant, ce qui retient surtout son attention, ce sont les habitants eux-mêmes. Rokia remarque quelque chose de troublant : sur le côté de leur cou, ils portent tous une sorte de barre de vie, contenant un liquide lumineux, dont la longueur varie d'une personne à l'autre.
— Tu en as trouvé plein ? Super ! dit un homme, un grand sourire affiché.
Rokia voit alors plusieurs familles démunies, aux corps émaciés et visages marqués, cherchant désespérément des pierres précieuses bigarrées, se glissant discrètement dans les moindres recoins pour les trouver. Quel spectacle triste, pense-t-elle, profondément touchée.
— Bon, écoutez, il est temps d'aller travailler ! Vous n'avez pas le droit de prendre des gemmes ici ! crie un policier sous-marin, d'une voix sévère.
Des policiers aquatiques arrivent et forcent les familles à cesser leurs recherches illégales. Rokia comprend que les familles se cachent pour tenter d'obtenir ces précieuses gemmes. Les gardes, autoritaires, expliquent qu'elles ne peuvent obtenir ces pierres qu'en travaillant pour la communauté. Les familles, résignées, se plient à ces exigences. Rokia remarque que les travailleurs présentent une barre de vie au maximum, contrastant avec celle des familles appauvries.
— Pourquoi veulent-ils tant de gemmes, et comment font-ils pour respirer sous l'eau ? murmure-t-elle, fascinée mais décontenancée.
Accompagnée de sa méduse, fidèle compagne, Rokia continue de se poser des questions, sans réponses. Mais une scène inattendue se déroule devant elle, et lève une partie du mystère.
— LÂCHEZ-MOI ! crie une femme émaciée, visiblement au bout de ses forces.
Elle est d'une maigreur effrayante, le crâne dégarnie, et peine à marcher. Refusant de se soumettre, elle cherche frénétiquement des opales qu'elle avale une à une, sa barre de vie augmentant sous les regards horrifiés de Rokia.
— VOUS NE VOYEZ PAS QUE JE NE PEUX PAS TRAVAILLER DANS CET ÉTAT ! hurle-t-elle, désespérée.
Ce comportement, cependant, met en colère les gardes, qui l'empoignent sans ménagement et l'entraînent malgré ses supplications.
Rokia commence à comprendre : ces opales permettent aux habitants de respirer. Elle se demande pourquoi, elle, n'en a pas besoin. Touchant sa gorge, elle se souvient soudain de l'opale verdâtre, et comprend que c'est grâce à elle qu'elle respire sous l'eau.
Pendant ce temps, sur la terre ferme, la famille de Rokia, rongée d'inquiétude, décide d'aller à l'étang. Son père, en arrivant, voit la foule rassemblée autour.
— Excusez-moi, ma fille est venue ici avec une méduse. Vous ne l'auriez pas vue ? demande-t-il d'une voix étranglée.
Les gens échangent des regards, et il ne leur faut pas longtemps pour comprendre qu'ils ont en face d'eux le père de l'adolescente. Ils lui expliquent alors la scène étrange qui s'est déroulé.
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Opales des Abysses
FantasiRokia, une jeune fille curieuse, assiste à la foire annuelle des jeux de son quartier. Alors qu'elle participe à différents jeux, elle finit par remporter un prix inattendu : une méduse dorée, un animal aquatique étincelant et mystérieux, enfermé da...