Chapitre 7

58 20 3
                                    

Sadio, le père de Rokia, manque de s'évanouir ; il n'en croit pas ses yeux. Les policiers de la ville le maintiennent sur pied. Depuis une heure, il cherche désespérément une solution, mais ils savent tous qu'ils ne peuvent rien faire. À deux doigts de sauter dans l'étang pour récupérer sa chère fille, il se sent perdu.

Pendant ce temps, Rokia, loin de se douter de la détresse de son père, poursuit son périple dans les abysses, découvrant une facette inattendue de la ville sous-marine. Elle observe des êtres aux têtes disproportionnées par rapport à leurs corps : des hommes-poissons, des hybrides humains... Il y a de tout ici. Cependant, ces créatures n'ont pas l'air très heureuses.

Soudain, des hommes-poissons, leur visage jaune et noir, des mains argentées et un corps difforme, la fixent intensément. Après quelques minutes de silence, ils commencent à chuchoter entre eux avant de la saisir par la main avec force. Terrifiée, Rokia en tremble, incapable de refuser leur emprise. Sa méduse la suit, elle aussi réticente.

« Qu'est-ce que vous faites ? Je ne vous connais pas ! »

Les hommes-poissons ne répondent pas. Ils flottent si vite qu'ils semblent en colère, propulsés par leurs nageoires qui leur permettent de se déplacer à toute vitesse.

À peine arrivée à destination, Rokia est émerveillée par ce qu'elle voit. Des toboggans flottants où des jeunes s'amusent, des bancs qui deviennent invisibles lorsque quelqu'un se lève, ne réapparaissant qu'en y posant la main. Elle est également fascinée par les algues dorées qui envahissent le parc.

Curieuse, elle tente d'attraper une algue, mais celle-ci disparaît instantanément. Les hommes-poissons n'ont pas fini avec Rokia.

« Comment se fait-il que vous ne soyez pas au travail ? »

Rokia ne comprend pas ce que ces créatures disent. Ils doivent penser qu'elle fait partie des leurs. Elle tente d'expliquer sa situation, mais elle est interrompue.

« Vous ne vous rendez pas compte à quel point il est grave de ne pas aller travailler ! C'est obligatoire ! Regardez vos camarades ! Ils se battent pour nos aînés, vous ne pouvez pas y échapper. »

« VOUS N'ÊTES PAS ICI POUR GLANDER ! Mettez vite vos tenues et allez travailler ! »

La jeune fille se fait hurler dessus alors qu'elle n'a rien demandé. Les hommes-poissons la conduisent vers l'endroit où se trouvent les tenues. Cet endroit est occupé par un homme qui semble un croisement entre une baleine et un dragon. Pour Rokia, chaque minute révèle de nouvelles créatures inimaginables. Cet homme a des cheveux bleus, une bouche gigantesque et des mains minuscules, ce qui rend son discours difficile à comprendre.

Le lieu est lumineux, rempli d'objets étranges qu'elle n'a jamais vus auparavant. Sur des étagères en triangle, s'entassent des squelettes de poissons, des coraux argentés, un crâne de nature indéfinissable et de la nourriture d'un aspect infect. Elle a l'impression d'être dans un magasin de farces et attrapes plutôt que dans un centre de travail.

« Encore une jeune qui a perdu sa tenue. Tenez, prenez soin de vos affaires la prochaine fois ! »

Rokia aimerait comprendre cet endroit. Pourquoi tous ces jeunes sont-ils obligés de travailler ?

« Euh... attendez, je ne vous connais pas ! Vous n'êtes pas avec moi ? »

Un représentant, apparemment responsable des jeunes, semble enfin réaliser qu'il y a un problème. L'homme, dans la quarantaine, est très grand, avec des yeux verts et une barre sur le cou remplie d'opales multicolores. Rokia essaie de se renseigner.

« J'ai été emmenée ici de force ! Je ne comprends pas pourquoi je suis ici ! »

Elle lui raconte en détail comment elle a été entraînée ici, depuis sa descente spectaculaire à cause des algues jusqu'à son arrivée forcée dans ce centre. Elle ressent un soulagement chez cet homme, qui commence à la tutoyer.

Soudain, il remarque l'opale verte sur le cou de Rokia et comprend immédiatement.

« Écoute, moi aussi je viens de la ville ! »

Elle n'aurait jamais imaginé rencontrer quelqu'un comme elle. Enfin, quelqu'un qui la comprend. L'homme se présente :

« Ça fait deux ans que je suis dans les abysses. Vous êtes les seuls à pouvoir nous faire sortir de là. Je suis ravi de te rencontrer, je m'appelle Cincotti. Je vais te présenter ton camarade avec qui tu seras liée. »

Tout va trop vite pour Rokia. D'un côté, elle est heureuse de trouver quelqu'un qui lui ressemble, mais de l'autre, elle ne comprend pas tout ce que cet homme dit. Néanmoins, elle fait connaissance avec lui et se demande qui est la personne qu'elle doit rencontrer. Avant de la lui présenter, Cincotti lui explique la raison de sa présence dans ce centre.

« Vous, les jeunes, devez travailler pour les personnes âgées. Ici, pour vivre et respirer, il faut des opales, et pour les obtenir, il faut travailler. Malheureusement, à un certain âge, on ne peut plus fournir d'efforts. C'est pour éviter un trop grand nombre de décès parmi les seniors.

Par solidarité, vous devez participer pour fournir des gemmes à vos aînés. Les jeunes peuvent garder la moitié des pierres pour eux, mais vous n'en avez pas besoin car vous avez les opales vertes et violettes spectrales qui vous permettent de respirer sans ingurgiter la moindre opale. »

Rokia commence à réaliser la chance qu'elle a. Cette pierre verdâtre lui a sauvé la vie ; sans elle, elle ne serait plus de ce monde. Cincotti va chercher le jeune avec qui elle doit faire connaissance.

Quelques minutes plus tard, le jeune arrive, accompagné d'une pieuvre dorée. Rokia a l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. L'adolescent a une tache sur le visage semblable à celle de Rokia, mais en violet. Il a des cheveux noirs, est asiatique et a les yeux sombres. Et si c'était lui ?

Il s'approche, et il devient évident que c'est le même garçon ! Sa mère avait reçu ce jeune dans son cabinet. Il a la même opale que Rokia dans sa trachée, mais de couleur pourpre.

Opales des AbyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant