Chapitre 2

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Rokia est éblouie. Elle perd les mots pour décrire ce qu'elle voit, comme si elle était dans un rêve, les yeux rivés sur le verre, où la lumière joue avec les formes.

— Tu comprends pourquoi ton père est passionné par les pierres ? demande-t-il, un sourire en coin, le regard pétillant de passion.

Elle hoche la tête, acquiesçant timidement, encore émerveillée. Son père, pris dans son enthousiasme, se justifie, partageant son amour pour les pierres précieuses, qu'il considère presque comme vivantes.

— Il y a dix ans, c'était inimaginable. On ne voyait ça que dans les films, ajoute-t-il, d'un ton songeur. C'est pratique pour multiplier une pierre en plusieurs.

Il conclut cette douce expérience par une question, le regard scrutant sa réaction.

— O bɛɛ ye bi ta ye. Yala o ko diyara i ye wa ? 

— C'est tout pour aujourd'hui. Tu as apprécié l'expérience ? demande-t-il ensuite, d'un air plus détendu.

— C'était génial ! s'exclame Rokia, avec un sourire lumineux.

Elle brûle de désir d'en savoir plus sur le temple de bijoux de son père, mais elle choisit de le laisser terminer ses expériences sans le déranger davantage, par respect pour sa concentration.

— Kan bɛn kɔfɛ !

— À tout à l'heure ! répond-il avec un clin d'œil.

Trente minutes plus tard, son père rejoint la famille pour le dîner. Tout le monde est réuni, et Rokia écoute les discussions de ses frères, absorbés par leurs idées complotistes qui, elle le sait, l'amusent toujours.

Pour les jumeaux et beaucoup d'autres dans la ville, l'étang n'est pas un simple lac dont la couleur change parfois. Selon eux, il cacherait des profondeurs abyssales abritant une vie humaine, un mystère qui les intrigue. Un homme d'une quarantaine d'années aurait disparu en tentant de vérifier cette hypothèse, sans jamais être retrouvé.

Ses frères la font rire avec leurs histoires absurdes, qui lui semblent sorties d'un roman. Le pire, c'est qu'ils ne sont pas les seuls à croire à cette légende urbaine, ce qui rend la situation encore plus cocasse.

— Rokia, écoute, c'est une théorie plausible ! commence Alassane, sur un ton à la fois solennel et convaincu, comme s'il s'agissait d'une vérité scientifique.

— Il y a mille ans, des humains se sont aventurés dans les abysses à la recherche d'un trésor, continue-t-il, emporté par sa propre narration. Ne parvenant pas à remonter à la surface, ils se sont retrouvés bloqués. Les survivants ont trouvé une solution pour vivre et se reproduire, créant ainsi une vie humaine sous-marine. En deux mille seize, ces humains n'ont aucune connaissance de la vie terrestre. Leurs ancêtres ne leur ont pas transmis la vérité.

Rokia préfère ignorer ces dires, les trouvant plus amusants que sérieux, et se tourne vers sa mère, qui, avec douceur, lui parle d'un de ses patients.

— Aujourd'hui, j'ai eu un cas exceptionnel, raconte sa mère, visiblement encore marquée. Un jeune homme asiatique, accompagné de sa mère, avec une énorme tache violette sur le visage. Il avait l'air perdu, ne comprenait pas ce que c'était. Je lui ai prescrit des traitements pour atténuer la plaque.

Les histoires de sa mère lui rappellent combien il est essentiel pour un médecin de maîtriser tous les traitements, un savoir qu'elle admire en elle. Les discussions vont bon train jusqu'à la fin du repas. Rokia monte alors dans sa chambre et reçoit un appel.

Sa meilleure amie, Coumba, essaie de la joindre à plusieurs reprises, impatiente de lui proposer quelque chose.

— Ça te tente qu'on se fasse une petite sortie toutes les deux demain pour terminer l'été en beauté ? Ce temps ensoleillé me donne envie de sortir. Rester à la maison me déprime, dit Coumba, pleine d'enthousiasme.

Rokia, ravie, accepte avec un sourire large et fixe une heure pour se retrouver avant de raccrocher.

Elle finit les quelques miettes de nourriture restantes avant de quitter la table pour aller se reposer, des idées d'aventures plein la tête.

Le lendemain, en début d'après-midi, Rokia est prête pour cette sortie. Elle s'est levée il y a deux heures et s'habille avec soin, choisissant une tenue à la fois simple et élégante. Elle porte un petit haut blanc avec une pieuvre, un short en satin et des sandales noires. On dit souvent qu'elle ressemble beaucoup à sa mère : petite, avec des cheveux nattés en chignon et des yeux noirs mis en valeur par des lunettes. Son corps est équilibré, le juste milieu, à l'image de sa mère, sauf pour les lunettes, qu'elle n'a pas héritées.

Ses frères, en revanche, ressemblent à leur père : grands, fins, avec des yeux marron et un sourire éclatant. Ce qui les distingue, c'est le crâne dégarni de leur père. Les jumeaux prennent soin de leurs cheveux, se rendant régulièrement chez le coiffeur pour leurs fameuses coupes.

Coumba l'attend sur le palier, les yeux brillants. Rokia la rejoint en souriant et lui souhaite une bonne journée à son père, qui lui fait un signe de la main.

— Tu as vu ma toute nouvelle coiffure ? demande Coumba, passant la main sur ses nattes agrémentées de mèches et de perles blanches.

Rokia admire sa copine, trouvant la coiffure à la fois sophistiquée et élégante. Sa meilleure amie est également bien apprêtée, portant une robe à cœurs et des sandales bleues. Elles marchent pendant une quinzaine de minutes, discutant de tout et de rien, riant des anecdotes de la semaine.

— Regarde, c'est juste là-bas ! On est presque arrivées ! s'exclame Coumba, désignant un point au loin avec excitation.

Rokia réalise que ce n'est pas si loin. Elles aperçoivent la banderole affichée en grand. Le monde est déjà au rendez-vous, et certains sortent avec des bras chargés de lots. Elles aussi espèrent gagner plein de choses, impatientes de se lancer dans la compétition.

— Normalement, on n'est pas arrivées trop tard ! Ne t'inquiète pas, il est encore tôt dans l'après-midi, assure Rokia, optimiste.

Elles s'approchent du lieu et sont émerveillées. C'est comme un paradis du jeu. Les stands sont colorés, et les animateurs affichent des sourires radieux. Chacun semble s'amuser, même si le gain n'est pas garanti. Il y a des activités pour les petits et des défis pour les grands.

— Ça te dit, on se fait ce jeu-là ? propose Coumba, les yeux pétillants d'envie.

Elle l'emmène vers le stand de tir à la fléchette, où il faut éclater des ballons portant le mot « surprise ». L'animateur fait des démonstrations pour expliquer comment bien lancer les fléchettes et maximiser ses chances de gagner, suscitant des rires dans le public.

— Un cadeau surprise ? Ça m'intrigue, j'aimerais bien gagner pour découvrir ce que c'est, dit Rokia, le regard fixé sur les ballons colorés.

Les deux copines s'arrêtent, déterminées à tenter leur chance. L'animateur précise qu'elles ont droit à trois lancers. Elles patientent, observant la personne devant elles.

— Tu as vu comme il galère ? Il est déjà à son troisième essai ! chuchote Rokia, amusée.

Le jeune homme rate encore une fois, et c'est maintenant au tour de Rokia. Elle s'avance vers les fléchettes, observe, en prend une et tente sa chance... raté. Elle prend une deuxième fléchette, fronçant les sourcils pour mieux viser, mais c'est encore un échec. C'est sa dernière chance ; elle recule un peu, applique la même technique, puis lance.

— Ce n'est pas vrai ! Rokia, tu l'as eu ! s'exclame Coumba, ébahie.

Rokia n'arrive pas à y croire : elle a réussi ! Parmi tous les participants du jour, c'est l'une des premières à avoir gagné le fameux lot tant convoité. Une joie immense l'envahit.

L'animateur du stand s'absente pour aller chercher le gain. Elles attendent, le cœur battant.

— Voilà, ma belle. Prends-en soin ! dit-il en lui tendant le prix.

Elle reçoit quelque chose de surprenant entre ses mains. Elle n'aurait jamais imaginé un tel objet en sa possession.

— Je... viens... de gagner... une méduse ? Tout ça, pour ça ? murmure-t-elle, stupéfaite.

Opales des AbyssesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant