Chapitre 13/Bulle de verre

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Audiomachine - The New Earth : https://www.youtube.com/watch?v=b7F6--Aw5hk&index=78&list=PLpzOwWCSckxykrnOf53ZHiKdRa0g3zzw5

Je fus comme happée par les ténèbres. Ma chute à travers le tronc n'était pas naturelle, comme si une force inconnue m'attirait vers le bas. Un frisson douloureux parcourut tout mon corps lorsque mes pieds percutèrent le sol. Je me tenais debout, dans un tronc d'arbre, sans aucune source de lumière. Je ne pus m'empêcher de réprimer un fou rire, où se mêlait ridicule, folie et panique. Je touchai l'écorce de l'arbre, à la recherche d'une faille, ou d'une autre trappe. Rien. Le tronc était aussi lisse qu'une vitre, comme s'il avait été poli pendant des années. Je me sentie soudain oppressée, j'avais besoin d'air. Je commençais sérieusement à paniquer, même s'il fallait l'avouer : la situation vue de l'extérieur paraissait plutôt comique. Je lâchai un violent coup de pied de rage et d'impuissance. Et comme la petite porte par laquelle Alice, dans un conte que mon père me racontait pendant mes premières années, se faufile pour sortir de la maison, une sorte de trappe verticale se dessina, et la cloison s'abattit dans un fracas sourd. Je m'accroupis et passai ma tête par le trou rectangulaire découpé soigneusement dans le tronc. J'eus le souffle coupé. Ce qui se tenait devant mes yeux était éberluant. Je m'attendais à retrouver la verdure de la forêt, et la senteur de l'herbe fraichement coupée. A la place, je trouvai sous mes yeux une pierre rocailleuse, et l'odeur familière de la mer parvint à mes narines. Je me trouvai sous un immense dôme translucide, abritant une véritable ville de pierre. Sous l'océan. J'apercevais de grands poissons et de petites pieuvres semblant voler au dessus de cette bulle de verre. L'immensité bleue qui me surplombait me donnait envie de vomir, je me sentais asphyxiée par la quantité d'eau qui se massait autour de moi. Je sortis du tronc à contrecœur, ébahie par le spectacle qui se profilait devant mes yeux. Je cherchai instinctivement Dren, tournant sur moi même pour avoir une vision complète des environs. Je le repérai à une vingtaine de mètres devant moi, il se tenait debout appuyé nonchalamment contre le tronc d'un arbre. Sa décontraction me prenait au dépourvu. Il ne semblait pas le moins du monde inquiet. Décidément je n'arrivais pas à le cerner. Je vins à sa rencontre.

«  Dis, comment tu as su pour les troncs d'arbre ?

- Ça faisait déjà un bon bout de temps que j'étais dans la forêt quand tu t'es pointée.

- Je vois. Je ne réalise pas vraiment ce qui nous arrive, confessai-je.

- C'est complètement dingue ! Tu te rends compte ? On est arrivés dans une ville sous-marine en sautant dans des troncs d'arbres ! C'est complètement délirant, lâcha-t-il gaiement.

- Je dirais plutôt flippant. Je me demande si je ne suis pas en train de rêver.

- Si jamais c'est un rêve, ça veut dire que rien n'a d'importance. On peut faire ce qu'on veut. Sans aucune conséquence. »

Son ton se faisait plus bas à mesure qu'il débitait ces mots.

« Et qu'est-ce que tu aurais envie de faire ? »

Un sourire mystérieux fendit son visage alors qu'il se rapprochait de moi. Son torse en vint à toucher mon buste. Je pouvais sentir la chaleur de son souffle, et distinguer la faible lueur orangée qui encercle l'iris de ses yeux. Il était près. Trop près.

« T'as bien une petite idée, non ? Chuchota-t-il d'un air malicieux. »

J'avais tout à fait compris. Mais j'avais peur de ce qu'y allait arriver. Je préférai jouer sur la défensive, comme toujours. Je fis volte-face et lui enfonçai mon coude dans le ventre, assez fort pour le calmer, mais pas trop pour ne pas l'affaiblir. Après tout, on n'avait aucune idée de ce que nous allions devoir affronter. Il était plié en deux, sous le choc. Je passai mon bras autour de son cou. J'étais en position de force.

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