Galantis - Runaway : https://www.youtube.com/watch?v=szj59j0hz_4
L'adrénaline fusait dans mes veines et mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Ma chevelure rousse s'emmêlait dans les branches alors que j'entrais dans la partie non entretenue de la forêt, mes boucles volumineuses s'agrippaient aux arbres tels les tentacules multiples d'une pieuvre. Des ronces envahissaient le sol et s'élançaient sur plusieurs mètres de hauteur. Aucun sentier ne se dessinait. Je courrais, ignorant mes jambes endolories. Je portais un débardeur et en guise de pantalon un tissu marron très léger, en lambeaux à cause des épines me griffant les cuisses. Je devais semer les Traqueurs, qui n'hésiteraient pas à entrer dans cette partie ci de la forêt : leurs épaisses combinaisons les protégeaient de tout. Je savais que je ne pourrais pas me cacher bien longtemps dans la forêt, mais peut être jusqu'à la tombée de la nuit. La pénombre me permettrait de quitter l'île plus facilement. L'idée de quitter I-7 m'était insupportable. Mais je ne devais pas y penser et me concentrer. Je ne savais pas quoi faire. Monter sur un arbre me prendrais trop de temps, je n'avais pas assez d'avance sur les Traqueurs. Plus le temps passait, plus je me fatiguais. Je devais trouver une solution et vite. Mais l'échos des pas des Traqueurs me pétrifiait et m'empêchait de réfléchir. Ma gorge commençait à s'assécher. J'avais besoin d'eau. L'eau. C'était ça la solution ! Il fallait que je trouve un plan d'eau. Je continuais ma course pendant encore un bon bout de temps. Je ne saurais dire combien, j'avais perdu toute notion du temps. Je courrais peut être depuis une heure, ou peut être depuis 5 minutes seulement. Soudain, je débouchai sur un carrefour. Trois chemins bien définis se trouvaient devant moi. Je n'avais pas le temps d'hésiter, pourtant, ce choix pourrait être décisif. Je ralentissai ma course, et le bruit de mes pas s'estompant un peu, un bruit parvint à mes oreilles. Comme un tambourinement incessant. Comme si quelque chose tombait d'une hauteur importante, puis venait s'écraser sur une surface dure. Le son réveilla en moi une image. C'était il y a quelques mois, Santa m'avait emmené dans la forêt par une belle journée d'été, le jour de mon anniversaire. Il avait voulu me faire un cadeau. Mais en Aveze, nous ne sommes pas en droit de posséder quoi que ce soit d'autre que nos vêtements jusqu'à la majorité, qui est de 17 ans. Majorité que j'aurais acquise dans exactement 8 mois. Il me guida donc, les yeux bandés d'une écharpe, au sein de la forêt. Je me souviens comme j'étais émerveillée par les odeurs intenses du bois, de la sève, et des pins. Ce bruit m'étais parvenue à quelques pas de l'endroit où Santa m'ôta l'écharpe. « Joyeux anniversaire ! » avait-il crié, essayant de se faire entendre malgré le mélodieux vacarme provoqué par ce qui se trouvait devant mes yeux. Une gigantesque cascade. Nous nous trouvions à l'endroit de sa chute, sa source se situait une centaine de mètres plus haut. C'était magnifique.
Je remerciai Santa intérieurement de m'avoir montré cette merveille, aujourd'hui elle pourrait bien me sauver la vie. Je n'hésitai pas, je fonçai en direction du bruit de l'eau s'écrasant dans le bassin. J'y arrivai très rapidement. Je me débarrassai immédiatement de ma besace, contenant le repas que je m'étais préparé ce matin, prête à plonger. Mais un problème se posa. Le bassin était très profond, mais étroit. Le seul endroit où je pouvais me cacher était directement sous la chute. Je n'avais pas le choix. Sachant que je ne pourrais pas rester longtemps sous la surface, je devais attendre d'entendre arriver les Traqueurs. Avec un peu de chance, il ne prendraient pas le même chemin.
Tout à coup, je perçus des bruits de pas groupés. Ils étaient près. Trop près. Je pris une longue inspiration. Je bloquai l'air dans mes poumons. Je fermai les yeux, puis sautai. Comme je le supposais, l'eau était gelée. Mais ce n'était pas le pire. L'eau de la chute me frappait de plein fouet, me propulsant vers le fond du bassin, d'une profondeur inconcevable. Mon corps tout entier se convulsait sous la force de l'eau pénétrant dans le bassin. J'étais projetée de part et d'autre des paroies, me cognant contre les rochers. J'ouvris les yeux, surprise, lorsque mon corps entra en contact avec un courant d'eau chaude. Il y avait en face de moi un creux dans la roche, circulaire, à peu près de la taille d'une meule de foin. Il semblait avoir été creusé par l'homme, et m'apparaissait profond. Je n'eus pas le temps d'en savoir plus, mes poumons, vides, criaient famine. J'avais besoin d'air. Remonter à la surface fût un véritable périple. L'eau de la chute me repoussant sans cesse vers le fond du bassin. Je parvins néanmoins à sortir mon visage de l'eau quelques instants, me permettant de prendre une grande inspiration et de constater avec soulagement l'absence des Traqueurs. Puis je replongeai, à la recherche du dit-creux. Il se situait une quinzaine de mètres plus bas. Je m'y rendis aussi vite que possible, économisant l'air. Je pénétrai dans le creux, nageai sur quelques mètres, les yeux grands ouverts. Le creux était en fait un tunnel. Un tunnel creusé par l'homme dans le bassin de la cascade, qui débouchait logiquement dans la mer. C'était un miracle d'avoir découvert ce tunnel aujourd'hui. Il me permettrait de quitter I-7 sans trop de difficultés. Il me suffirait d'emprunter ce tunnel une fois la nuit tombée, le traverser et atteindre la mer. Si c'est bien là que le tunnel débouchait, je ne pouvais en être certaine. L'obscurité du ciel et de la mer me rendraient difficilement repérable par les Gardes de Nuit. Je remontai à la surface, m'extirpai de l'eau, frigorifiée. Un bon feu n'aurait pas été de refus, mais c'était beaucoup trop risqué. Je m'assis sur une pierre, et me rendis compte que j'étais affamée. Je sortis alors mon déjeuner. L'adrénaline m'avait creusé l'estomac. Je dévorai mon maigre repas, puis me désaltérai avec l'eau de la cascade. Je me déshabillai, grelottant, et étalai mes vêtements sur la plus sombre des pierres m'entourant. Elle était chaude, la matinée avait été plutôt ensoleillée. Ma peau nue rougit rapidement au contact de la pierre. Être dénudée me gênait, je me sentais fragile tout à coup. Montrer mon corps n'avais jamais été quelque chose de naturel chez moi. Et bien que j'habitais sur une île, je me baignais rarement. Par pudeur. De plus, je m'étais aperçue il y a quelque temps déjà que j'avais une cicatrice à l'intérieur de la cuisse. Je ne me souviens pas comment je m'étais blessée, mais ce n'était pas jolie à voir. La toucher me donnait des frissons inexplicables et je me sentais tout à coup prise d'un malaise.
J'attendais patiemment la tombée de la nuit, assise sur la pierre, maintenant froide, derrière un buisson. Enfin, la pénombre envahit la forêt, cependant éclairée par l'imposante lune, dessinant un cercle parfait. Pas de chance pour moi, elle me rendrait plus visible, donc vulnérable. Je remis mes vêtements, toujours humide. Je m'approchai de l'eau, reflétant les nombreux pins m'entourant. Je pris alors conscience que plus jamais je ne les reverrai. Ni la cascade. Ni le centre d'entraînement. Ni Santa. Ni ma famille, dont mon au revoir pour eux fût une querelle. Les larmes me montèrent aux yeux. Ma vie ne serait à présent que fuite et débauche. Je devais m'y résigner. Je ravalai mes larmes, pris de grandes inspirations et me calmai. Puis, je sautai la tête la première. Mes yeux, furtifs, cherchaient le tunnel. En quelques secondes, je le repérai. Je me dirigeai vers lui, aussi vite que mes bras, quoique musclés par les heures d'entraînements acharnées, me le permettaient. Je l'atteignis en quelque seconde et y pénétrai. Un fort courant facilita ma traversée. J'espérais cependant qu'il ne s'étendait pas trop, ma quantité d'air étant limitée. Je parvins à discerner ce qui me sembla des gravures, sur les murs. Ce n'était pas des mots, mais des dessins, comme des symboles. Incompréhensibles pour moi. Je regardai devant moi et une lueur au bout du tunnel m'indiqua la fin de celui- ci. Soudain, le courant s'intensifia et je fus propulsée dans les airs. Le tunnel débouchait sur une autre cascade. Ma chute vers les profondeurs de la mer me parût durer une éternité. Je percutai la surface de l'eau, avec la sensation de m'écraser sur une dalle de béton. Je remontai à la surface, essayant de me situer. D'ici, je pouvais voir la Pacerelle : tous les ilôts d'Aveze sont reliés par des pontons appelés pacerelles. Ils sont surveillés par les Gardes de Nuits depuis les îlots. Il fallait donc s'éloigner des côtes pour éviter d'être repéré. Je levai les yeux et aperçus la source de la cascade, tout en haut d'une falaise. J'ignorais jusqu'à présent son existence. Je supposai que la plupart des habitants aussi, cette partie de l'ilôt était très peu fréquentée du fait de l'omniprésence de la forêt, interdite. Je priais pour que les Traqueurs ne connaissent pas l'existence du tunnel. Je n'avais pas une minute à perdre. Je rejoignis la Pacerelle, nageant sous la surface de l'eau, faisant le moins de bruit possible. Je m'agrippai aux rambardes de bois cirées du ponton, me hissai hors de l'eau, pour me retrouver sur les planches grinçantes de la Pacerelle. Je m'autorisai un dernier regard vers l'île, derrière les nombreux bateaux de pêche et les plantations d'arbustes, je pouvais distinguer les habitations, leurs fenêtres illuminées me rappelant ces journées d'hiver passées au coin du feu, blottie contre ma sœur, riant. Puis je me mis au pas de course, craignant que les planches ne craquent sous mon poids à chacune de mes foulées, celles-ci créaient un rythme sinistre de crissements rauques, comme l'écho d'un mauvais pressentiment.
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Aveze
Science Fiction"Cache tes émotions. Refoule les. Enfoui les au plus profond de ton être. Ne laisse rien paraître. La moindre étincelle de colère, de haine ou de jalousie te trahirait. Tes yeux te trahiront. Oui, tes yeux. Ces miroirs révélateurs ne trompent pas...