Seize

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Jordan attendait devant le bureau. Marine l'avait convoqué une nouvelle fois. Il se sentait comme un enfant qu'on punissait car il avait fait une bêtise. Mais était-ce une bêtise de tomber amoureux de quelqu'un du même sexe ?

Il n'avait pas dormi de la nuit, il se sentait affaibli et d'énormes cernes s'étaient creusées sous ses yeux.

Les photos montrant les deux hommes politiques ensemble avaient fait le tour des réseaux en seulement quelques heures.

Jordan se sentait vide. Hier, il s'était promit d'être le plus discret possible avec Gabriel, et voilà qu'aujourd'hui il avait déjà échoué. C'est fou comment tout peut basculer d'un coup...

Toutes les caméras étaient rivées sur eux. Les journalistes attendaient toute la journée devant la porte du siège du Rassemblement National, se bousculant les uns les autres dès que quelqu'un sortait, afin d'avoir des renseignements sur les photos.

En plus de ça, il demeurait sans nouvelle de Gabriel, lui aussi devait être envahit par les médias. Il s'en voulait tellement de l'avoir entraîné dans ce parc. Il aurait voulu s'excuser, lui envoyer un message, mais il n'avait pas encore trouvé les bons mots...

Tout d'un coup, la porte s'ouvrit et Marine indiqua à Jordan qu'il pouvait rentrer. Elle avait un sourire diabolique sur le visage.

« Je t'avais dit de te rapprocher du premier ministre... » commença t-elle en s'asseyant sur son fauteuil. « Et toi, tu as compris que tu devais passer sous le bureau ?! »

La blonde lâcha un petit rire, mais elle était sérieuse et paressait plus qu'énervé. Jordan ne répondit rien, gêné et dépassé par la situation.

« Tu te rends compte que ça va nous faire une très mauvaise image ? » s'écria t-elle.

Le plus jeune acquiesça. Oui, il en était conscient, il avait eu le temps d'y penser, pendant son insomnie.

« Heureusement, j'ai une idée pour calmer les rumeurs... » déclara Marine, passant d'un regard enragé à un regard malicieux.

Le cœur de Jordan se contracta, cela n'annonçait rien de bon.

Gabriel avait passé sa journée dans son bureau, évitant au maximum toute conversation avec le monde extérieur. Il s'était enfermé dans sa bulle, refusant même l'aide de Stéphane quand celui-ci lui avait proposé d'aller se promener pour se changer les idées. Il voulait être seul. Il avait besoin de réfléchir.

Mais, il n'y parvenait pas et il était temps de quitter sa forteresse, le président de la République avait demandé à le voir, évidemment. Alors, il rangea un peu ses affaires qu'il avait éparpillé partout sur la table et quitta son bureau pour rejoindre sa voiture.

Ce ne fut pas simple. En sortant du bâtiment, il dû se frayer un chemin entre les micros et les caméras que tendaient les journalistes de partout. Il les ignora. Il était un peu habitué à cette vague de mouvements à la sortie de cet enceinte, ce n'était pas la première fois.

« Monsieur Attal, est-ce vraiment Jordan Bardella à qui vous tenez la main sur les photos publiées ? »

« Est-ce que votre relation avec le président du Rassemblement National est plus qu'amicale ? »

« Est-ce que vous aimez réellement Jordan Bardella, ou est-ce que vous sortez avec lui parce que vous aimez casser les codes ? »

La tête de Gabriel allait exploser. Ignorer n'était pas si facile que ça, il se retenait de crier sur chaque journaliste que ce n'était pas leurs affaires.

Enfin arrivé à sa voiture, il quitta au plus vite le parking, s'engouffrant dans les rues animées de la capitale. Il se rendit directement à l'Elysée, son cœur tambourinant dans sa poitrine.

Il patienta quelques minutes devant le bureau du président avant que celui-ci vienne lui ouvrir.

« Bonsoir, Gabriel. » déclara t-il d'un ton relâché mais sérieux.

Emmanuel Macron était un bon ami pour le premier ministre, lui qui avait toujours joué un rôle crucial au côté du président : ministre, secrétaire d'état, porte-parole du gouvernement,...

Mais là, leur amitié allait être mise de côté. Leur réunion s'apprêtait à être plus sérieuse que les précédentes, bien que les enjeux soient totalement différents.

« Bon, je vais entrer dans le vif du sujet directement. » expliqua Emmanuel, essayant de ne pas prendre un air trop sévère. « Est-ce que tu confirmes que s'est bien toi sur les photos ? »

Gabriel ne pouvait pas mentir, il n'avait aucun moyen d'échapper à cette question. Alors, il hocha la tête lentement.

« Bien. » reprit le président. « Je suis désolé d'avoir à te demander ça mais, est-ce que tu ressens quelque chose pour Jordan Bardella ? Est ce qu'il y a quelque chose entre vous ? »

Le premier ministre hésita. Bien évidemment qu'il ressentait des choses pour le président du RN, mais est-ce que Emmanuel, en tant que président de la République, avait vraiment besoin de le savoir ?

Il pourrait simplement dire qu'ils se baladaient entre amis. Malheureusement, tout était plus compliqué, étant donné qu'il était ouvertement homosexuel...

« Oui, je l'apprécie. » répondit froidement Gabriel. « On est amis, rien de plus. »

Si Emmanuel était étonné par cette réponse, il le cachait bien. Il se contenta de noter ses paroles sur une feuille en gardant son air rigoureux.

Gabriel sentit le stress monter en lui, allait-il lui poser plus de questions ? Des questions plus... personnelles ?

Le président releva la tête.

« Bon, je sais que ce n'est pas évident, mais on a que deux solutions : faire une annonce public expliquant les faits, ou attendre que les médias se calment et que l'histoire se tasse... » reprit-il en regardant l'homme en face de lui droit dans les yeux.

« Qu'est ce que vous voulez que je fasses exactement ? » questionna le premier ministre, sa voix vrillant sous l'effet de l'anxiété grandissante dans sa poitrine.

Emmanuel se leva et vint se tenir debout derrière lui. Il posa une main sur son épaule avant de répondre.

« C'est à toi de voir, Gabriel. Fais ce qui te semble être la meilleure solution. »

Le jeune politicien était perdu. Choisir entre apaiser les rumeurs ou les laisser s'enflammer. Mentir aux français ou garder le silence. Se faire passer pour un faible qui ne se préoccupe que de son image ou se faire passer pour un malhonnête qui conspire avec un parti adverse.

Les deux possibilités, et il le savait, le rongerait de l'intérieur. Quoi qu'il décide de faire, il finirait par le regretter. Alors, mettant sa raison de côté, il choisit la solution qui lui semblait la moins dangereuse pour lui sur le moment.

Puis il quitta l'Elysée pour retourner chez lui après cette longue journée, se demandant qu'elle décision avait prit Jordan pour répondre à la crise...

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Quand la politique s'efface... (bardella x attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant