Les Fragments de Nous

Chapitre 1 Mara 2024-Montréal

La pluie battante sur les vitres de mon appartement créait un rythme lancinant qui semblait se synchroniser avec le tourbillon de pensées dans mon esprit. Trois ans s'étaient écoulés depuis la nuit où Thorn avait pris une place troublante dans mes cauchemars. Trois ans de thérapie et de travail acharné pour essayer de reconstruire un semblant de normalité dans ma vie. Aujourd'hui, le ciel lourd et les rues détrempées reflétaient l'état de mon âme.

Les ombres des arbres dénudés dansaient sur le trottoir en dessous, leurs branches secouées par le vent. À travers la brume matinale, Montréal semblait se débattre avec ses propres démons, tout comme moi. La douleur du passé avait laissé des cicatrices indélébiles, et malgré mes efforts pour avancer, Thorn continuait d'être une ombre persistante dans mon quotidien.

Je me levai lentement, quittant la chaleur de mon lit pour me diriger vers la cuisine. Le parfum du café fraîchement préparé emplit l'appartement, un réconfort banal mais essentiel. En attendant que le liquide noir et amer se prépare, je scrutai la vue, essayant de chasser les réminiscences du cauchemar. Les lumières des immeubles voisins scintillaient dans la pluie, chaque éclat semblant rappeler une partie de ce que je cherchais à oublier.

Je pris une gorgée brûlante de café et en sentis l'amertume se mêler à celle de mon humeur. Les souvenirs de cette nuit-là étaient encore clairs dans ma mémoire, chaque détail de la confrontation avec Thorn imprégné de vivacité. Bien que j'aie essayé de séparer le passé du présent, les visages de mes patients et les heures passées en thérapie n'avaient pas réussi à effacer la trace de cette relation tumultueuse.

Mon téléphone vibra sur le comptoir. C'était Anne, ma collègue, un message rapide pour me rappeler notre rendez-vous de ce matin. J'avais toujours beaucoup à faire, mais ces derniers temps, je trouvais difficile de maintenir mon équilibre émotionnel tout en jonglant avec les demandes de mon travail.

J'ai pris un moment pour répondre, en évitant soigneusement de montrer mes propres inquiétudes.

- Merci, Anne. Tout est prêt pour notre séance de ce matin. On se voit bientôt.

J'éteignis le téléphone et me dirigeai vers la salle de bain.

Devant le miroir, les signes du temps et de la fatigue étaient évidents. Les cernes sous mes yeux étaient devenus une partie permanente de mon apparence. J'avais appris à masquer ces signes, à afficher un sourire professionnel et un air déterminé, même lorsque mon esprit était en proie aux tourments du passé. Le rouge à lèvres et le fard à joues étaient mes alliés pour cacher la vérité. Je les appliquai avec une précision qui ne trompait personne, pas même moi.

En sortant de l'appartement, je serrai ma sacoche contre moi comme si elle pouvait m'offrir un peu de protection. L'air était frais et humide, et chaque goutte de pluie qui tombait sur mon visage semblait symboliser les émotions que j'essayais de contenir. Les rues étaient encore presque vides, les rares passants se hâtaient sous leurs parapluies, en quête de refuge.

Les derniers jours avaient été marqués par une intensification des sentiments liés à Thorn, malgré les années qui s'étaient écoulées. La thérapie m'avait aidée, mais certaines blessures semblaient impossibles à guérir complètement. En tant que psychologue, je comprenais bien les mécanismes du traumatisme et de la guérison, mais comprendre ne signifiait pas toujours surmonter.

Je marchai vers le bureau avec la détermination d'une professionnelle, mais à chaque pas, je sentais le poids des souvenirs et des émotions. Les rues mouillées et la grisaille du matin semblaient faire écho à mes sentiments intérieurs. Chaque éclat de lumière dans la pluie et chaque son de la ville offraient un contraste frappant avec la profondeur de la mélancolie qui m'accompagnait.