Chapitre 5 Mara 2018 - Montréal

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L'automne de 2018 enveloppait Montréal dans une fraîcheur vibrante. Les feuilles dorées jonchaient les trottoirs, et le soleil déclinait lentement, projetant une lumière chaude qui contrastait avec le froid croissant. La saison du changement était à son apogée, mais pour moi, le changement était bien plus profond et douloureux.

Ce soir-là, j'étais rentrée chez moi après une journée de travail éreintante, espérant un peu de tranquillité pour me détendre. Mais dès que j'entrai dans notre appartement, je sentis que quelque chose n'allait pas. L'air était chargé d'une tension palpable, et Thorn, assis dans son fauteuil habituel, était le reflet de cette angoisse. Son verre de scotch, posé négligemment sur la table basse, semblait symboliser l'état d'esprit troublé dans lequel il se trouvait.

Je déposai mon sac sur le canapé et me dirigeai vers la cuisine, espérant que la routine me permettrait de gérer cette tension. Je préparai du thé en essayant de calmer mon esprit.

- Salut, mon ange, dis-je d'un ton neutre, bien que je sentais déjà la boule de stress se former dans mon estomac. Comment a été ta journée ?

Il leva les yeux lentement, ses sourcils froncés en un rictus de frustration.

- Nous devons parler, Mara, me dit-il.

Une inquiétude grandissante se mêla à ma fatigue.

- De quoi s'agit-il ? Pourquoi ce ton ?

Il se leva brusquement, posant son verre avec une certaine brusquerie qui fit vibrer la table.

- De nous, me répondit-il. De ce que nous sommes devenus.

Je me retournai, tentant de garder mon calme malgré la montée d'angoisse.

- Qu'est-ce qui te tracasse ? Pourquoi est-ce que tu as l'air si bouleversé ?

Il s'approcha de moi, sa présence imposante remplissant chaque espace entre nous.

- Je suis fatigué, Mara. Fatigué de toujours devoir me battre pour avoir ton attention.

Je me sentis piégée par ses paroles, ma poitrine se contractant sous le poids de son accusation.

- Je fais de mon mieux pour tout équilibrer. Mon travail est exigeant, mais cela ne signifie pas que tu es moins important pour moi.

Thorn secoua la tête, visiblement en colère.

- Ce n'est pas suffisant. Tu es toujours occupée avec ton travail, tes amis, tes projets. Je me sens comme une option, pas comme une priorité.

Je tentai de maintenir ma voix calme, malgré l'émotion qui menaçait de me submerger.

- Je ne savais pas que tu te sentais ainsi. Je croyais que nous avions une bonne relation.

Il s'avança encore, ses traits se durcissant avec chaque mot.

- Ce n'est pas le cas, Mara. Je ne me sens pas aimé, pas assez important pour toi.

Je sentis une douleur aiguë à l'idée d'avoir pu contribuer à son mal-être.

- Que veux-tu que je fasse ? Comment puis-je te prouver que tu es essentiel pour moi ?

Il semblait hésiter, luttant avec ses propres sentiments.

- Peut-être que tu pourrais commencer par vraiment me montrer que je compte. Que je ne suis pas juste un détail dans ta vie chargée.

Soudain, il baissa le ton, ses yeux s'adoucissant d'une manière inquiétante.

- Mara, il y a quelque chose d'autre dont je dois te parler, ajouta-t-il. Quelque chose que j'ai gardé pour moi.

Je sentis un frisson parcourir mon échine.

- De quoi s'agit-il ?, lui demandai-je, inquiète.

Thorn détourna le regard, comme s'il cherchait ses mots.

- J'ai... je t' ai trompé.

Je restai figée, la terreur et la confusion me paralysant.

- Quoi ? demandai-je, ma voix se brisant sous le choc. De quoi parles-tu ?

Il se dirigea vers le canapé et s'assit, la tête baissée.

- Je voulais attirer ton attention. Je pensais qu'en faisant quelque chose de mal, tu te rendrais compte de ce que je ressentais. Mais j'ai juste causé plus de douleur.

Ma bouche s'ouvrit en un cri silencieux, mes émotions se mélangeant en une vague de colère et de tristesse.

- Pourquoi m'as-tu fait ça ? Pourquoi ne m'as-tu pas parlé de tes sentiments au lieu de me tromper ? lui hurlai-je au visage.

Il leva les yeux vers moi, un regard de désespoir mêlé de regret.

- Je ne savais pas comment te le dire. Je pensais que c'était la seule façon pour toi de comprendre combien je me sentais négligé. Mais maintenant, je vois que j'ai juste aggravé les choses.

Je sentis une rage froide envahir chaque fibre de mon être.

- Tu penses que tromper quelqu'un est une solution ? Ça détruit la confiance, Thorn. Ça détruit tout ce que nous avons construit.

Il se leva brusquement, s'approchant de moi avec une intensité désespérée.

- Je ne savais pas quoi faire ! Je suis tellement perdu, Mara ! Ne pars pas, ne me quitte pas. Il n'y a que toi, que toi dans mon esprit. Cette fille, ce n'était rien, elle te ressemblait... Et puis merde, je t'aime Mara !

Ses mains se posèrent sur mes épaules avec une force brutale, et avant que je puisse réagir, il plongea ses lèvres sur les miennes. Les baisers étaient ardents, presque sauvages, remplis d'un mélange de désir et de frustration. Ses mains se déplaçaient sur mon corps, cherchant à établir une connexion physique, comme si cela pouvait réparer les dégâts émotionnels.

Je me débattais contre lui, essayant de me libérer de son étreinte envahissante.

- Lâche-moi, Thorn ! criai-je, mes mots perdus dans la férocité de ses baisers.

Il sembla enfin entendre ma détresse. Il se recula brusquement, haletant, son visage marbré de désespoir et de honte.

- Je ne sais pas comment faire mieux, Mara. Je suis juste désespéré.

Je tremblais, ma voix brisée par les larmes et la colère.

- Je ne peux pas continuer comme ça. Je dois réfléchir à ce que je veux réellement.

Thorn baissa les yeux, un mélange de culpabilité et de défaite visible sur son visage.

- Très bien, Mara. Fais ce que tu as à faire. Mais sache que cela ne change rien à ce que je ressens pour toi.

Il se tourna, quittant l'appartement avec une démarche lourde de regret. Je restai seule, les larmes coulant librement sur mes joues alors que je me laissais tomber sur le canapé. La douleur et la confusion se mêlaient en un tourbillon dévastateur.

Les jours suivants furent marqués par une série de confrontations et de tentatives de réconciliation, chacune empreinte de la même intensité émotionnelle. Les conflits semblaient interminables, et chaque jour apportait son lot de déceptions et de tensions.

Je me retrouvai finalement à devoir faire face à une décision cruciale : rester dans ce cycle de douleur et de conflit ou chercher un chemin vers la guérison et la paix intérieure. Les souvenirs de cette période étaient douloureux, mais ils étaient aussi un rappel que chaque épreuve, aussi difficile soit-elle, finit par passer.

Ce soir-là, alors que je fermai les yeux, je me demandai si un jour je pourrais vraiment tourner la page sur cette période tumultueuse de ma vie. La route vers la guérison était encore longue, mais je savais que je devais faire le premier pas pour retrouver un semblant de paix.

Les Fragments de NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant