Ch IX: L'éveil

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Je suis complètement déboussolée. Chaque jour qui passe sans nouvelles de Charly me plonge un peu plus dans l’angoisse. Noël est un véritable supplice. Sa maison semble déserte, aucun signe de vie, aucune réponse à mes messages. Mes copines et Norra font tout leur possible pour me rendre heureuse, mais rien n’y fait. Le poids de son absence me pèse, au point que je commence à perdre du poids. Chaque moment de bonheur que nous avons partagé me hante. Chaque nuit, je rêve de nous, riant ensemble, se promenant main dans la main, mais chaque matin, je me réveille en larmes, la réalité me frappant de plein fouet.

Les fêtes de fin d'année, habituellement joyeuses, me laissent cette fois-ci un goût amer. Le Nouvel An arrive, et je le passe avec ma famille, tentant de cacher mon chagrin. Mes amies me souhaitent une bonne année, et je leur rends la politesse, mais mon cœur n’y est pas. Je pleure souvent, à l’abri des regards.

À l’école, la situation ne s'améliore pas. Je vois Will passer de plus en plus de temps avec Claïra. Bien que je sache qu’ils n’ont rien de romantique entre eux, je ressens parfois une pointe de jalousie, un sentiment d’abandon. Mais ce n’est pas eux, c’est le vide laissé par Charly qui me ronge.

Aujourd’hui, je me rends sur le balcon pendant la pause, cherchant un peu de paix en admirant le paysage. Je ferme les yeux, inspirant profondément, et des souvenirs me reviennent. Je nous revois, Charly et moi, se tenant la main, riant de tout et de rien. Je nous revois assis sur ce même balcon, à parler de nos rêves, de notre avenir. La douleur de son absence se fait soudain insupportable. Les larmes montent, mais je les retiens, jusqu’à ce que je sente une main se poser doucement sur mon épaule. Je sursaute légèrement, ouvrant les yeux pour voir Will, son visage préoccupé.

- Salut, Alie ! dit-il doucement.
- Salut, Will, murmuré-je en essuyant discrètement une larme.

Il m'observe un instant, comme s'il cherchait les bons mots.

- Je me fais du souci pour toi, continue-t-il. Tu n’es plus la même. Tu ne souris plus, tu restes souvent seule… Tu dois faire un effort, Alie. Je sais que c’est difficile, mais il faut que tu te battes pour réussir.

Je secoue la tête, sentant les larmes menacer de nouveau.

- Si seulement c’était aussi simple, dis-je, ma voix tremblante.

- Je sais que Charly te manque, reprend-il avec douceur. Mais tu dois trouver la force de continuer, pour toi.

Je n’en peux plus. La peine, la peur, tout se mélange. Je m’effondre dans ses bras, mes larmes coulant librement.

- Alie, tu pleures ? demande-t-il, inquiet.

- Will… J’ai peur, avoué-je en sanglotant. Je n’ai plus de ses nouvelles… Je ne sais pas ce qui s'est passé. Et ça me tue à petit feu.

Il me serre encore plus fort, sa chaleur réconfortante apaisant un peu ma détresse.

- Je suis vraiment désolé, ma belle, murmure-t-il. Si j'avais pu faire quelque chose...

Je reste dans ses bras un moment, laissant mes larmes se tarir, me sentant un peu plus légère, même si le poids de l’incertitude est toujours là. La cloche sonne, brisant le moment. Will relâche doucement son étreinte.

- On devrait retourner en classe, propose-t-il.

J'acquiesce, essayant de composer un sourire, même si mon cœur est toujours lourd. Ensemble, nous rejoignons la salle de classe, mais au fond de moi, l’inquiétude reste omniprésente.

Après cette journée ennuyeuse comme les autres, nous rentrons chez nous. Dès que nous approchons de la maison, je remarque la voiture des Parker garée devant. Norra et moi échangeons des regards ébahis. Nos pas ralentissent, et j’aperçois alors Madame Parker, en train de parler à son chauffeur. Lorsqu’elle me voit, son visage se transforme rapidement, affichant une froideur que je n’avais encore jamais vue.

- Bonsoir, Madame Parker, dis-je, hésitante.

- Tu veux quoi? Tu n’as pas causé assez de problèmes? réplique-t-elle sèchement.

Je reste figée, la bouche ouverte, incapable de comprendre ce qu’elle insinue.

-  Euh... quoi? finis-je par balbutier, encore plus déstabilisée.

- T’en es sûre? Son ton devient acerbe, presque accusateur.

- Oui, je veux seulement avoir des nouvelles de Charly.

Je sens mon cœur battre plus vite, anxieuse de savoir ce qui a bien pu se passer.

- Vraiment!? Si Charly pensait la même chose, il t’aurait contactée. Maintenant, il est trop occupé à s’enrichir pour perdre son temps avec toi. Fais de même, et laisse-le tranquille.

Ses mots sont comme des coups de poing. Je reste là, les yeux grands ouverts, tentant de digérer ce qu’elle vient de dire. Alors qu’elle tourne les talons pour rentrer dans sa voiture, Norra accourt vers moi, m’attrape par le bras et me traîne presque jusqu’à la maison. Sans son aide, je serais restée plantée là, incapable de bouger.

Nous entrons à la maison, et je remarque l’absence de ma mère, probablement à l’église, et celle de mon père, certainement au travail. Dès que la porte se ferme derrière moi, je sens la douleur monter en flèche, incontrôlable. Un cri m’échappe, un cri de douleur, de colère, de désespoir. Je me laisse tomber devant mon lit, les larmes inondant mon visage.

Norra entre dans la chambre et me voit effondrée. Elle s’assoit à mes côtés, passe un bras autour de mes épaules, essayant de me consoler.

— Alie, s’il te plaît, reprends-toi... Je t’en supplie, murmure-t-elle, sa voix tremblant d’inquiétude.

Je ne réponds pas, mais je sens sa présence réconfortante. Elle continue, sa voix devenant plus ferme, plus déterminée :

- La grande sœur que je connais ne se laisse jamais abattre. Elle est super forte, elle est mon exemple. Alors je veux qu’elle revienne. Oui, c’est dur, mais relève-toi, Alie, je t’en prie.

Norra se lève, me tend la main, un regard plein de détermination dans les yeux. Je prends sa main, et elle m’aide à me lever. Elle a raison. Je ne dois pas me laisser faire. Pas comme ça.

- Maintenant, tu vas prendre une douche et te faire belle, car je veux ma grande sœur de retour, ordonne-t-elle, avec l’autorité d’un général s’adressant à un soldat.

— Bien reçu, dis-je en esquissant un sourire. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi, soeurette.

Elle me serre dans ses bras, et je sens une chaleur apaisante se répandre en moi. C’est ce qu’il me fallait. Je passe à l’action, mais une pensée me traverse l’esprit : quelque chose cloche dans toute cette histoire, mais peut-être que le mieux est de laisser tomber.

Parce que s’il m’aimait vraiment comme il le disait si souvent, il aurait fait tout son possible pour avoir de mes nouvelles, même si sa mère représentait un obstacle. Maintenant, je dois prendre ma vie en main et laisser le passé derrière moi.

C’est décidé. Je ne me laisserai plus abattre par ce qui semble être une trahison. Je suis plus forte que ça.

À travers les âges...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant