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Farouk n'a rien répondu mais j'ai bien vu que j'avais touché dans le mille. Je me détourne et rentre dans ma chambre, qu'il verrouille derrière moi point je n'ai plus accès aux appartements de Farès ni au petit salon. Je suis punie.

Mon ordinateur portable, mon téléphone et même ma liseuse ont disparu de mes affaires. Je vais m'asseoir dans un fauteuil en velours, disposé dans un coin de la pièce et passe le reste de la journée à fixer pensivement la fenêtre qui donne sur les jardins. Quelle arme me reste-t-il pour m'opposer à ce mariage?

À la tombée du soir, la petite bonne qui s'occupe de moi m'apporte un plateau. Les événements de la journée m'ont tellement contrarié que je n'ai absolument pas faim. je n'y touche pas et je le laisse refroidir sur la petite table de ma chambre.

Lorsqu'elle revient elle récupère le plateau, elle n'ose emettre de commentaire.

Le lendemain matin, je me réveille encore bouleversée par mon altercation avec Farès et je ne touche pas au nouveau plateau qu'elle m'a apporté. Lorsqu'elle vient le récupérer, elle s'inquiète:

"Le repas ne vous convient pas? Souhaitez vous autre chose? "

« je n'ai pas faim, merci »

Le même schéma se reproduit le midi puis le soir.

Le lendemain matin, Farès m'apporte lui-même le petit-déjeuner.

« croyez-vous impressionner qui que ce soit avec votre petite grève de la faim ? »

Je ne réponds pas. Je n'ai pas envie de répondre, je n'ai pas envie de me disputer avec lui, je n'ai même pas envie de le regarder.

« vous allez manger votre petit déjeuner sinon, ça va mal se passer ! » dit-il sur un ton de menace.

Que pourrait-il faire de plus ? Il n'a plus rien à me confisquer, je n'ai plus ni liberté, ni sortie, ni appareil électronique, ni même un livre à lire. Peut-être pourrait-il obstruer la fenêtre ou me descendre dans les geôles? Ou me violenter peut-être?

Peu importe, je suis désormais désarmée, je n'ai plus aucun moyen de m'enfuir, de contacter mes amis et ma seule possibilité est désormais une résistance passive.

« je ne mangerai pas votre plateau, vous pouvez l'emporter avec vous et vous pouvez même ordonner qu'aucun autre ne me soit servi car je ne mangerai rien d'ici au mariage »

« très bien. Nous verrons combien de temps vous tiendrez... »

Trois jours sont passés ainsi.

Des bleus étaient apparus sur ma gorge, là où sa main s'était refermée dans sa colère.

On ne m'apportait pas la moindre biscotte, pas même un verre d'eau, je me contentais d'avaler quelques gorgées d'eau au robinet de la salle de bain. Le tiraillement de mon estomac était insupportable mais mon ego était plus fort que la faim et je continue à fixer désespérément la fenêtre donnant sur le jardin en attendant que ma petite grève de la faim appitoie mon geôlier.

Le quatrième jour le tiraillement était devenu si violent, que j'avais l'impression de devoir vomir à chaque instant mais mon estomac était trop vide pour pouvoir expulser quoi que ce soit. Mon corps avait des difficultés à réguler la température et j'oscillais régulièrement entre les bouffées de chaleur et les claquements de dents.

Debout devant le miroir de la salle de bain ,je jette un regard à mon image. J'ai l'air d'une folle. Ces quelques jours de jeûne m'ont émacié les joues, mes yeux sont cernés et mon teint est pâle. Mes côtes sont apparentes et mon ventre creusé.

Je recule d'un pas, comme pour mettre encore un peu de distance entre moi et cette triste image que me renvoie mon miroir mais je trébuche dans le tapis et m'effondre de tout mon long.

Mince! Je gromele en me redressant sur mes fesses. Je ramène mes jambes vers moi pour constater qu'une bosse ornee d'une petite plaie est apparue sur ma jambe. Un filet de sang en jaillit et macule ma jambe, jusqu'à ma cheville. J'appuie mes doigts pour stopper l'écoulement de sang en cherchant autour de moi de quoi éponger.

La vue du sang me trouble, et je sens la tête commencer à me tourner.
La plaie me semble devenir un cœur palpitant sans mon corps, le sang coule entre mes doigts et je dois poser ma tête contre le carrelage de la douche pour ne pas m'effondrer.

Après de longues minutes, je parviens à reprendre suffisamment le dessus pour me relever et enfiler mon peignoir, avant d'aller chercher de l'aide.

Je frappe à la porte de communication entre ma chambre et le salon, mais après de longues minutes, je n'obtiens pas de réponse. Évidemment. Le garde n'attend pas devant la porte du salon mais à l'extérieur des appartements du cheikh...

La tête me tourne violemment, j'ai l'impression que ma chambre tout entière tourne autour de moi. Je fixe le montant de porte qui se déforme et prend des proportions vertigineuses. Épuisée par la sensation, je me redresse, avant de m'effondrer à nouveau, happée par les abysses.

Série: L'otage. Tome 5. Les Yeux De LailaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant