Chapitre 10

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Oliver

Je longe le lac Michigan à grandes foulées. Les rayons du soleil picotent mon torse nu et une légère brise me rafraîchit en retour. Une semaine que je n'ai pas touché pas aux amphétamines. Le besoin a fichu le camp. L'envie persiste à me vriller les nerfs. Parfois, ma main cherche cette plaquette dans le fond de ma poche. Pour faire face à ce sale tique, je dérouille un sac de frappe ou je chausse mes baskets. Je cours jusqu'à l'épuisement. Jusqu'à ce que cette envie ne devienne qu'un mauvais souvenir. Mon père m'accompagne, aujourd'hui. Je jette un œil par dessus mon épaule. Il est à dix mètres derrière moi. Je ralentis l'allure pour qu'il puisse me rattraper.

— Ça va ?

Il stoppe et se penche en avant, les mains posées sur ses genoux.

— Laisse-moi souffler deux minutes et on repart.

Je m'arrête.

— T'es plus en grande forme, papy ! je ricane.

Il me lance un regard médusé.

— Si j'avais dix ans de moins, je t'aurais battu à plat de couture.

— Assieds-toi sinon je vais devoir appeler le 911.

Mon rire redouble, ce qui lui fait pincer les lèvres. Je me laisse tomber sur le sable. Il en fait autant. En attendant qu'il reprenne son souffle, je fixe l'horizon. À plusieurs miles d'ici, se trouve l'île où j'ai emmené Stefanie cinq ans plus tôt. Je me souviens parfaitement de cette journée. Ses caresses sous l'eau. Notre complicité. Et cette cabane déglinguée pour laquelle Stefanie a eu le coup de foudre. Je lui ai fait une promesse, ce jour-là. Tout est réuni pour que je l'honore.

— Je vais aller faire un tour en bateau, cet après-midi.

— Tu veux que je vienne avec toi ?

— Je préfère y aller seul. J'ai un truc à vérifier.

— Pas de problème.

Il hausse un sourcil, mais ne me demande pas d'infos supplémentaires. Je lui ferai part de mon projet dès qu'il s'avérera réalisable. Pour l'instant, ce n'est qu'une simple ébauche. Je me relève, pressé de me retrouver là-bas.

— Tu peux repartir ou je dois te porter sur mon dos ?

Il me tend la main pour que je l'aide à se relever.

— Je crois qu'on va marcher, je pouffe.

— Moque-toi, fils indigne !

On rentre tranquillement. Le portail donnant sur la cour intérieure franchi, j'aperçois Coraly qui patauge dans la piscine. Rien n'a vraiment changé entre nous. Je l'ai pourtant reléguée au second plan assez longtemps pour qu'elle me boude. Le frère attentionné a pris l'apparence d'une vague connaissance. J'ai bien l'intention de retrouver ma place d'outsider dans son cœur. Tout en me débarrassant de mes pompes, j'avertis mon père.

— Je vais rejoindre Coraly.

Je m'élance vers la piscine et y plonge en effectuant une magnifique bombe. Ma petite sœur éclate de rire. Je renoue immédiatement avec mes anciens travers. D'un geste vif, je la saisis par les jambes et l'embarque sous l'eau avec moi. Elle se dégage pour refaire surface. La voir pester me fait rire.

— Qu'est-ce qui t'arrive, pot de colle ? Tu ne sais plus nager ?

Elle me tire la langue et s'agrippe au rebord de la piscine. Je la rejoins. Coraly me zieute.

— Je préfère quand tu es rasé.

Depuis quelques jours, j'ai repris figure humaine. La barbe de trois jours s'est faite dégagée. Les cernes se sont estompées. Je n'ai pas encore déterré la meilleure version de moi-même, mais je creuse avec acharnement. Seuls ces tremblements et mon humeur changeante me différencient du mec que j'étais. Mes parents abordent ces contretemps avec compréhension. Me laisser tranquille est l'option qu'ils privilégient. Je ne les remercierai jamais assez de tout ce qu'ils font pour moi. C'est dans ces moments de solitude que je gratte les cordes de ma guitare. Il m'arrive de griffonner deux trois paroles dans mon carnet. Le sevrage est dur. Je m'accroche à la poignée de messages vocaux, que Stefanie m'a envoyé.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 19 ⏰

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My Love Song, second couplet : pardonner(tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant