Parenthèse

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Les jours qui suivirent furent une période hors du temps, une retraite inattendue où Jordan et moi nous déconnectâmes complètement du monde extérieur. Il était là, constamment à mes côtés, me protégeant du tumulte de la vie publique, me donnant l'espace et le temps dont j'avais besoin pour guérir. Nous étions comme dans un cocon où la douleur était partagée, adoucie par sa présence rassurante.

Jordan s'occupa de moi avec une attention infinie, comme si je faisais partie d'un cristal fragile qu'il craignait de briser davantage. Le matin, enfin plutôt vers midi il se levait avant moi pour préparer le petit déjeuner, déposant une du café latté sur la table de nuit, accompagné d'un plateau avec des fruits frais et du pain grillé. Il restait avec moi tout au long de la journée, jouant a sa précieuse PlayStation et m'initiant aux joies du « Match a mort par équipe », lisant ou discutant de tout et de rien, simplement pour que je ne me sente jamais seule. Les nouvelles, les appels, les emails, tout ce qui venait de l'extérieur était filtré par Jordan, qui veillait à ce que rien ne me perturbe. Il avait pris un congé temporaire de ses fonctions pour rester à mes côtés, un geste qui me touchait plus que je ne pouvais l'exprimer.

Chaque soir, il me tenait dans ses bras, ses caresses silencieuses m'apportant un réconfort que je ne trouvais nulle part ailleurs. C'était dans ces moments de tendresse, où les mots étaient superflus, que je réalisais à quel point je l'aimais, à quel point il était devenu essentiel à ma vie. Sa patience, son amour, sa manière d'être là sans jamais me presser, tout cela me faisait tomber encore plus profondément amoureuse de lui. Je m'apercevais que même dans la douleur la plus profonde, son amour avait la capacité de me guérir, de me donner une raison d'avancer.

Laurie nous rendait parfois visite, apportant quelques provisions ou des nouvelles filtrées de l'extérieur. Elle respectait notre besoin de solitude, ne s'attardant jamais trop longtemps, mais toujours avec un mot gentil ou une attention délicate. Elle était l'une des rares personnes en qui j'avais confiance à ce moment-là, et sa discrétion, ainsi que son soutien indéfectible, étaient inestimables. Elle comprenait, sans que je n'aie besoin de le dire, que cette période de retrait était vitale pour Jordan et moi, un moment suspendu où nous pouvions nous retrouver sans les pressions du monde extérieur.

Jour après jour, je sentais les liens entre Jordan et moi se renforcer. Nous parlions de tout, de notre passé, de nos rêves, de ce que l'avenir pourrait nous réserver. La douleur de la perte était toujours là, un fond constant dans notre vie quotidienne, mais elle devenait plus supportable, atténuée par l'amour que nous partagions. Jordan me faisait rire, me redonnait goût à la vie avec ses attentions délicates, ses petits gestes pleins d'amour. Parfois, il me surprenait en m'emmenant sur la terrasse, sous les étoiles, pour regarder le ciel et parler de tout et de rien, de nos espoirs et de nos peurs, des rêves que nous ne voulions pas encore abandonner.

Il y eut des moments où l'idée de retourner à la vie normale me terrifiait. J'aimais cet isolement, cette bulle protectrice où nous n'étions que tous les deux, loin des caméras, des obligations, des discours. Nous pouvions être nous-mêmes, sans masque, sans artifice. Et plus le temps passait, plus je redoutais le jour où cette parenthèse idyllique prendrait fin.

Un soir, alors que nous étions allongés sur le canapé, enveloppés dans une couverture, je brisai le silence.

« - Je voudrais que cela dure éternellement, Jordan, » murmurais-je en posant ma tête sur son épaule. « - Que nous restions ici, juste nous deux, loin de tout le reste... »

Il passa une main dans mes cheveux, son regard perdu dans le mien.

« - Moi aussi, Elena, » répondit-il doucement. « - Je n'ai jamais été aussi heureux que ces derniers jours, malgré tout... malgré la douleur. Je veux te protéger, te rendre heureuse... si seulement nous pouvions rester ainsi pour toujours. »

Nous savions que c'était une illusion, un rêve impossible. Mais cela n'enlevait rien à la sincérité de nos sentiments. Nous étions deux âmes blessées, cherchant un réconfort l'une dans l'autre, et cette retraite imprévue nous avait permis de découvrir une profondeur nouvelle à notre amour, une force que nous ignorions avoir.

Ce moment de paix, aussi éphémère soit-il, nous avait permis de nous retrouver, de nous reconnecter d'une manière que ni l'un ni l'autre n'aurait cru possible avant cela. Et même si l'avenir restait incertain, avec son lot d'épreuves à venir, nous savions maintenant que tant que nous serions ensemble, nous pourrions tout surmonter.

Entre deux partisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant