Ciao Bardella

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Pov Jordan :

La journée avait pris une tournure amère. Après l'explosion médiatique du meeting, Elena et moi avions décidé de nous retirer chez moi. Nous étions restés silencieux, chacun perdu dans ses pensées. Je savais que ma déclaration allait provoquer un raz-de-marée, mais je ne réalisais pas encore à quel point.

Vers 20 heures, mon téléphone vibra. Un message laconique de Marine :

"Jordan, réunion en urgence ce soir à 19 heures au QG. Sois à l'heure."

Je savais que ce moment finirait par arriver, mais l'appréhension montait malgré tout. L'atmosphère dans notre appartement était pesante. Elena s'aperçut de mon trouble.

« C'est Marine, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle doucement, les yeux chargés d'inquiétude.

J'hochai la tête.

« Elle veut me voir ce soir. Ça pue cette histoire. »

Elle me prit la main.

« Je suis désolée, Jordan. Je n'aurais jamais voulu que ça en arrive là. »

Je secouai la tête.

« Ne t'excuse pas. J'ai pris mes décisions en connaissance de cause. Peu importe ce qui se passe ce soir, je ne regrette rien. »

Je déposai un baiser sur son front avant de me lever.

« Je vais y aller. Commandes à manger, je vais avoir besoin de réconfort. »

En arrivant au QG, une tension palpable régnait dans les couloirs. Les regards des militants étaient fuyants, certains me jaugeaient avec une lueur de pitié. On aurait dit qu'ils savaient déjà ce qui m'attendait. Lorsque je poussai la porte de la salle de réunion, Marine était déjà là, entourée de quelques figures influentes du parti, dont Tanguy. Son visage portait une expression froide et distante, bien différente de l'attitude presque maternelle qu'elle avait eue avec moi par le passé.

Je m'assis face à elle, essayant de garder une façade calme, bien que je sentisse l'orage gronder.

« Jordan, tu sais pourquoi tu es là, » commença-t-elle, sa voix coupante comme une lame. « Ce qui s'est passé aujourd'hui était une faute politique majeure. Non seulement tu as dévoilé des détails intimes devant la presse, mais en plus, tu as attaqué publiquement un membre éminent de notre équipe. Ton altercation avec Jean-Philippe Tanguy est inacceptable. »

Je restai silencieux, écoutant, mais mon cœur battait à tout rompre. Marine poursuivit sans attendre de réponse.

« Tu es devenu un problème pour le parti. J'avais misé sur toi pour incarner le renouvellement, mais aujourd'hui, tu as prouvé que tes émotions passent avant la stratégie. Nous ne pouvons pas nous permettre ce genre de faiblesses, surtout dans une période aussi cruciale. »

Elle fit une pause, comme pour jauger ma réaction. Je restai stoïque, bien que chaque mot résonnait en moi avec une dureté implacable.

« J'ai donc pris la décision de te retirer de la présidence du Rassemblement National. À partir de ce soir, tu es démis de tes fonctions. Jean-Philippe Tanguy prendra la relève en tant que président par intérim, le temps que nous organisions une élection interne. »

Ces mots me frappèrent comme un coup de poing. C'était donc fini. Ils avaient trouvé le prétexte parfait pour me pousser vers la sortie, et tout ce que j'avais construit allait maintenant leur appartenir. Mon regard se tourna vers Tanguy, qui arborait un sourire satisfait, à peine dissimulé.

Je me redressai lentement sur ma chaise.

« Alors c'est comme ça que ça se termine ? Après tout ce que j'ai fait pour le parti, vous me jetez à la première occasion ? »

Marine fronça les sourcils, exaspérée.

« Ce n'est pas une question de loyauté, Jordan. C'est une question de pragmatisme. Tu as perdu le contrôle, et nous ne pouvons pas laisser tes sentiments personnels mettre en péril notre ligne politique. »

Je sentis la colère monter en moi, mais je la contins avec difficulté.

« Ce n'est pas moi qui ai perdu le contrôle, Marine. C'est toi qui as sacrifié tout sens de l'humanité pour des calculs politiques. »

« L'humanité n'a pas sa place dans ce jeu, Jordan. Et si tu ne l'as pas compris, c'est que tu n'étais pas fait pour ce rôle. »

Le silence qui suivit fut glacial. Marine se tourna alors vers Tanguy.

« Jean-Philippe, je te laisse gérer la transition. Jordan a jusqu'à demain pour vider son bureau. »

Sans un mot de plus, je me levai et quittai la pièce. À peine avais-je franchi la porte que j'entendis Tanguy s'adresser à Marine : « Tu as fait le bon choix. Il était devenu ingérable. » Cette dernière phrase, dite avec tant de nonchalance, m'acheva.

En sortant du QG, je me sentis vide. Le poids de la destitution, de l'humiliation publique, et de la trahison me submergea d'un coup. J'avais consacré des années de ma vie à ce parti, à cette cause. Et en une soirée, tout s'était effondré. Le pire, c'était que je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. J'avais fait un choix en décidant de ne plus me cacher, mais ce choix m'avait coûté plus cher que je ne l'aurais imaginé.

Je pris une grande inspiration en levant les yeux vers le ciel parisien, obscurci par la nuit. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais complètement seul. Que me restait-il désormais, à part Elena ?

Je sortis mon téléphone et composai son numéro. À la première sonnerie, elle décrocha.

« Jordan ? Comment ça s'est passé ? » demanda-t-elle, sa voix tendue par l'inquiétude.

Je pris une seconde pour répondre, sentant ma gorge se serrer.

« C'est fini, Elena. Ils m'ont destitué. Je ne suis plus à la tête du RN. »

Un silence se fit à l'autre bout du fil, avant qu'elle murmure .

« Je suis tellement désolée... »

« Ce n'est pas ta faute. » dis-je en essayant de masquer ma douleur. « Mais j'ai besoin de toi. Je rentre. »

Je raccrochai et commençai à marcher, le poids du monde sur mes épaules. Tout était désormais incertain, mais une chose était claire : j'avais perdu bien plus que mon poste ce soir.

Entre deux partisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant