48h

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Je restai allongée dans ce lit d'hôpital, le regard fixé sur le plafond blanc. Jordan me dit un sourire forcé. Il avait les yeux rouges. Je ne l'avais jamais vu dans cet état, et cela m'affectait énormément. Il entra dans la salle de bain et j'entendais l'eau du lavabo couler. On frappa à la porte et le médecin en charge de mon dossier entra. Il m'informa que je devais rester 48h en observation, pour un léger traumatisme crânien et pour ma fausse couche. Je ne ressentais rien à cette annonce. Je signais les papiers, et quand Jordan sorti de la salle de bain, il saisit le dossier et ajouta son numéro à la rubrique « Personne de confiance ». Le médecin sorti, laissant entrer derrière lui Laurie. Elle pris place sur la chaise à côté de moi et me pris par la main. Jordan, assis de l'autre côté de la pièce, restait silencieux, le regard vide.

« - Rima est rentrée. Sébastien est venu la chercher. Elle avait besoin d'une douche, mais ils t'embrassent tous les deux... Et vous souhaites bon courage. »

Nous levions les yeux vers Laurie à ce moment là. Elle tourna la tête vers Jordan en lui faisant un petit sourire réconfortant. Jordan le lui rendit.

« - A ce rythme là, ce ne sera bientôt plus un secret pour personne... Dis-je d'une voix qui trahissait ma peur. Je leur fais confiance, mais eux, Macron... Ça commence à faire beaucoup. »

« - Il n'y a pas qu'eux... J'ai tout avouer à Marine tout à l'heure. »

Laurie et moi nous regardions, choquées de la bombe qu'il venait de lancer. Je tentais de me redresser légèrement dans mon lit, Jordan se précipita vers moi, essayant de m'aider.

« - Mais pourquoi ? Et qu'est-ce qu'elle t'a dit ? »

« - Elle n'a rien dit et m'a prêter sa voiture pour que je viennes ici. Ne t'inquiètes de rien pour l'instant. »

Cette nouvelle nous laissa sans voix. Laurie se proposa d'aller nous chercher des vêtements de rechange à Garches. Jordan accepta, lui remis les clefs de son appartement et la remercia. Il lui demanda également de contacter mes parents afin qu'ils soient rassurés. Il resta à mon chevet, veillant à ce que je mange un minimum. Après ce qui devait être le dîner, il sorti fumer et j'en profitais pour aller aux toilettes.

Je perdais beaucoup de sang, mais c'était normal pour une fausse couche. Assises sur la cuvette, je me remis à pleurer à chaudes larmes. Jordan entra, mon pyjama en main. Il ne put que constater le spectacle que je lui jouait, en pleurs sur le WC, ma robe de chambre tachée de sang. Je devais être pitoyable. Tandis que je me relevais pour sauver le peu de dignité qu'il me restait, sans un mot il s'approcha de moi et m'embrassa le front. Je me lavais les mains et il se tourna vers la douche et alluma l'eau chaude.

« - Prend une douche, je vais demander plus de protections et un changement de draps aux infirmières. Je reviens d'ici deux minutes. »

J'acquiesçai d'un mouvement de tête et entrer dans la cabine de douche. Ni l'eau chaude ni l'odeur de mon gel douche et ne parvenait à apaiser ni mon corps endolori, ni mon esprit. Jordan revint très rapidement, et me tendis une serviette. Une fois que je fus en pyjama et propre, je regagnais mon lit en silence. Jordan me suivit, aussi silencieux que moi. Il alluma la télé et évita soigneusement les chaînes d'infos en continus. Je m'endormais sans regarder le film qui passait en fond.

Je me réveillais dans la nuit. Mon corps ressentait encore les répercussions de la chute, la douleur lancinante à l'abdomen me rappelant sans cesse ce que j'avais perdu. Luna... Ce prénom hantait mon esprit, accompagné par les regrets et le vide immense laissé par l'enfant que je ne porterai jamais. Jordan dormait dans le fauteuil a côté de moi, malgré tout, malgré mon silence des derniers jours, il était là. C'est sur cette pensée que je parvins à me rendormir.

Le lendemain les visites se succédaient dans un ballet incessant. Ministres, députés, représentants de divers partis politiques, tous venaient m'apporter leur soutien. Certains étaient sincères, je le sentais dans leurs regards compatissants, d'autres semblaient simplement soucieux de montrer leur visage au bon moment, pour la caméra, pour la presse. Je me sentais déconnectée de tout ce monde, comme si j'observais une pièce de théâtre dont je n'étais plus qu'un spectateur désabusé. La douleur m'isolait, m'enfermant dans une bulle où rien ne pouvait vraiment m'atteindre. Jordan était resté, alternant entre sa place à la droite de mon lit, et s'enfermant dans la salle de bain pour ne pas être vu à mon chevet. Il avait mal dormis, il était exténué, mais il ne voulais pas rentrer ce reposer. Je pense qu'il avait peur de se retrouver seul.

Mélanchon était venu, m'apportant un immense bouquet de fleurs. Il n'arrêtais pas de répéter que celui qui avait fais ça serait punis. Je ne l'espérais même pas. C'était comme si toute émotion autre que la douleur et la tristesse avait quitté mon corps. Mathilde, qui l'avait accompagné, essayait de me décrocher un sourire. Mais ce jour là je n'y arrivais pas.

J'avais également téléphoné à mes parents, pour essayé de les rassurer. Ma mère était dévastée, et la voix de mon père trahissait son inquiétude profonde.

La nouvelle de ma fausse couche avait fuité, comme l'avait prédit le président Macron. Les journaux, les chaînes d'information en continu, tous s'étaient emparés de l'histoire, analysant chaque détail, spéculant sur ce qui avait pu se passer. Heureusement, l'identité du père n'avait pas été révélée, et je me demandais combien de temps encore cela resterait secret.

Marine Le Pen, avec qui je n'avais jamais entretenu de bonnes relations, avait fait un communiqué de presse dans lequel elle dénonçait la violence dont j'avais été victime. Elle y annonçait également que Jordan était venue me rendre visite la veille en signe de soutien.

Elle n'avait pas trahis le secret, c'était déjà ça.

Jordan était resté à mes côtés tout au long de mon hospitalisation, veillant sur moi avec une attention et une tendresse qui me touchaient profondément. Son soutien m'était vital, même si les mots manquaient souvent pour exprimer ce que je ressentais. Il ne parlait pas beaucoup, et je savais que lui aussi souffrait en silence. Le poids de la perte nous rapprochait d'une manière que je n'aurais jamais imaginée, mais il nous écrasait également sous une tristesse que nous ne savions pas comment surmonter.

Le matin de ma sortie, l'infirmière entra pour une dernière vérification. Je me sentais plus faible que jamais, mais il était temps de quitter cet endroit. Jordan avait donné son adresse à mon chauffeur ( qui ne la connaissait déjà que trop bien ). Il ne m'avait pas laisser le choix de l'endroit où je passerai ma convalescence et ça ne me dérangeait pas.

Une fois les formalités remplies, nous quittâmes l'hôpital. Le trajet jusqu'à la maison de Jordan se fit dans un silence pesant, ponctué seulement par le ronronnement du moteur. Mon esprit vagabondait, se perdant dans le paysage urbain qui défilait à travers la fenêtre. Je me demandais comment j'allais pouvoir affronter la suite, comment j'allais pouvoir continuer à vivre avec cette douleur qui me déchirait de l'intérieur.

Lorsque nous arrivâmes chez Jordan, il m'aida à sortir de la voiture et à entrer dans la maison. L'intérieur était calme, presque trop calme, comme si l'absence de bruit amplifiait le vide que je ressentais. Jordan me guida doucement jusqu'à la chambre, où il avait déjà fais préparé un espace pour que je me repose.

« - Tu as besoin de repos, Elena, » dit-il doucement en déposant mes affaires. « - Je vais m'occuper de tout. »

Je le regardai, essayant de trouver les mots, mais ils restèrent coincés dans ma gorge. À la place, je lui serrai la main, essayant de lui transmettre un peu de la gratitude que je ressentais. Jordan comprit, me répondit avec un sourire triste avant de me laisser seule dans la pièce.

Le silence de la maison m'enveloppa, et je me recroquevillai sous les draps, essayant de retenir les larmes qui menaçaient de déborder à nouveau. Je pensais à Luna, à ce qu'elle aurait pu être, à ce que nous aurions pu vivre ensemble. Le chagrin était insupportable, mais il était le seul lien qui me restait avec elle, alors je m'y accrochais, comme si je pouvais ainsi garder son souvenir vivant en moi.

Je savais que la route serait longue avant que je puisse retrouver un semblant de normalité. Mais pour l'instant, il n'y avait que la douleur, et ce besoin désespéré de comprendre pourquoi tout cela était arrivé.

Entre deux partisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant