Chapitre 24

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Derek ne saurait dire ce qui l'avait poussé à insister, mais le fait est que son instinct continuait de s'alarmer. Par chance, Stiles ne s'opposa pas à sa demande. Il lui demanda juste un peu d'aide pour se redresser, ce que le loup-garou lui accorda de bonne grâce.

- Montre-moi ton épaule, répéta-t-il alors que le regard de l'hyperactif commençait déjà à se perdre dans le vide.

Il n'avait aucune envie de le forcer, cependant... Une inquiétude certaine le prenait aux tripes, si bien qu'il se voyait mal lâcher l'affaire aussi vite. Evidemment, si Stiles lui demandait d'attendre un peu ou lui disait qu'il lui montrerait son épaule plus tard, il attendrait. Ce ne fut toutefois pas le cas. Le loup-garou fixa les doigts fins qui relevèrent la manche du t-shirt. Il aperçut quelques traces sombres... Suffisantes pour qu'il lui demande de lui faire voir la chose sous un autre angle, pas assez pour qu'il identifie clairement ce que c'était. Il fallut alors que Stiles tire sur son large col noir et le fasse descendre sur son épaule. Ainsi dénudée, la voilà qui étalait ses plus grands secrets au grand jour.

Le souffle de Derek se coupa un instant devant la vision qui s'offrit à lui. La peau beaucoup trop pâle de Stiles était tachée de rouge : quatre marques d'ongles y élisaient domicile... Si profondément qu'un peu de sang coulait et ce, de façon paradoxalement si légère que l'odeur qu'il dégageait n'était pas très forte – mais suffisamment pour qu'il la reconnaisse. Voilà ce qu'il sentait depuis qu'il était près de lui, cette fragrance sur laquelle il n'arrivait pas à mettre de nom. Comment avait-il pu manquer ça ? L'odeur du sang était unique, elle détonnait de toutes les autres ! C'était peut-être le choc, l'inquiétude qui avaient éteint ce sens au point de faire passer ces blessures pour un détail. Elles avaient beau ne pas être plus que superficielles, elles étaient là. Les négliger serait vraiment stupide, voire quelque peu irresponsable au regard de la situation actuelle.

Le premier réflexe de Derek fut d'accuser Stiles de s'être fait mal sans s'en rendre compte et s'il le fit, ce fut seulement dans sa tête. Car il ne se permit pas un mot, jugeant qu'accabler le jeune homme n'arrangerait en rien son état, d'autant plus qu'il venait à peine de sortir d'une crise... D'il ne savait quoi. Alors, à la place, il choisit de vérifier quelque chose.

- Montre-moi tes mains, lui demanda-t-il avec toute la patience dont il était capable en cet instant.

Être réellement doux, il n'y arriverait pas – son esprit était trop perturbé par les marques sur son épaule pour daigner faire un effort de ce genre.

De son côté, Stiles s'exécuta : il lui tendit une main, puis l'autre. Derek prit la droite entre les siennes, la tourna, la retourna et regarda ses ongles avec une attention toute particulière. Il alla même porter ses doigts jusqu'à son nez sous le regard complètement perdu de l'hyperactif, lequel voyait le visage du loup-garou se décomposer de seconde en seconde.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Osa-t-il finalement demander.

Il évitait de regarder son épaule, comme s'il voulait tout, sauf donner de l'importance à la douleur qu'il y ressentait. Comme s'il cherchait également à nier son existence.

Derek fronça les sourcils sans lâcher ses mains, qu'il continuait d'observer dans l'espoir de comprendre. Mais son analyse le poussait vers une conclusion aussi claire qu'incompréhensible. Ce n'est qu'après un moment qu'il poussa un bref soupir et releva le regard dans sa direction.

- Quand tu étais dans la salle de bain...

Stiles se tendit instantanément – Derek le sentit tout autant qu'il le vit.

- Je ne veux pas en parler, lui rappela l'hyperactif, la gorge sèche.

- Tu étais seul ? Faillit le couper Derek.

Parce que même s'il ne voulait en rien le forcer, il avait besoin de savoir... De connaître au moins cet élément qui, malgré son incongruité, avait le pouvoir d'expliquer la présence ces marques sordides.

La mine surprise qu'afficha Stiles n'était pas feinte, si bien qu'elle ne fit rien de moins que perturber davantage Derek.

- Tu n'étais pas avec moi, finit par répondre Stiles, et tu l'aurais senti s'il y avait eu quelqu'un d'autre, donc...

- Stiles, le coupa Derek, est-ce que tu étais seul ?

Ses mots, il les avait détachés clairement, de sorte à ce que l'hyperactif comprenne l'importance de sa question... Et le deuxième sens qu'elle pouvait avoir. Et en attendant sa réponse, il observa à nouveau ses blessures. Stiles ne pouvait pas se les être faites – la largeur des légères entailles ne correspondait pas à ses ongles, d'autant plus que les siens ne sentaient pas le sang outre mesure. Et c'était là que ça coinçait.

Alors Derek avait besoin de réponses et se sentait presque... D'ouvrir son esprit à des choses qui le dépassaient, ne serait-ce pour combler ce que sa conscience considérait comme un vide dérangeant. Effectivement, s'il y avait eu quelqu'un d'autre que lui et Stiles au loft, il l'aurait senti. Mais le fait est que l'on venait de faire du mal à l'humain – et les blessures étaient trop fraîches pour réellement dater. Nier ce qu'il voyait et sentait relèverait de la négligence, selon Derek. A ses yeux, la situation exigeait qu'il fasse attention à tout.

Autant dire qu'il n'apprécia pas le moins du monde l'air plus que gêné qui prit place sur le visage d'ores et déjà déformé par l'épuisement mental. Stiles faisait peine à voir et Derek avait l'impression que les choses n'allaient pas aller en s'arrangeant.

L'hyperactif s'efforçait à ne pas baisser les yeux sur son épaule, cela se voyait. Il ouvrit d'ailleurs la bouche et après quelques instants de réflexion, balbutia, hésitant :

- J'ai... J'ai juste vu ma mère.

Stiles trouvait cette information aussi stupide qu'inutile, d'autant plus qu'il savait qu'il ne s'agissait rien de plus qu'une hallucination, comme il commençait à en faire depuis peu. Et il avait conscience de cela, que son esprit, marqué par les récentes découvertes qu'il avait faites au sujet de sa génitrice, peinait encore à accuser le coup. Difficile pour lui de gommer une croyance – logique – s'étalant sur plusieurs années, quasiment l'intégralité de son existence. Il lui faudrait du temps pour le digérer, du temps pour l'accepter, du temps pour se reconstruire. Ainsi, il était lucide par rapport à sa propre situation et considérait que pour progresser sur ce chemin qui était le sien, il vaudrait mieux qu'il commence à se taire et... Ignorer cette deuxième vision d'horreur. Y faire plus attention que nécessaire, c'était lui donner du crédit, de l'importance : mettre à mal sa santé mentale d'ores et déjà bancale.

Et pourtant, il en avait paradoxalement besoin... Pour donner un sens concret à cette souffrance qu'il s'efforçait de maîtriser au mieux sans être certain que son entreprise connaîtrait le succès. Disons qu'à chaque fois qu'il essayait, qu'il avait l'impression que ça allait mieux dans sa tête... Il se passait quelque chose. Disons qu'il peinait à se sortir le fantôme de sa mère de la tête alors qu'il devait tenter de l'oublier pour guérir et en même temps... N'était-il pas en train d'expérimenter un second deuil ? D'enterrer le souvenir de la maman qu'il avait eue au profit de celui de la simple génitrice ? Pouvait-il finalement se blâmer pour ses faiblesses les plus normales ?

Stiles cogitait si profondément qu'il mit un temps monstrueux à remarquer la façon dont Derek avait blêmi. Et lorsqu'il le notifia, il lui fallut accuser le coup... Parce qu'il n'avait aucune idée de la façon il était censé interpréter cet affolement plus que clair qu'il lisait sur son visage. Ce fut finalement à cet instant qu'il décida d'enfin regarder cette épaule qu'il évitait tant... Ces blessures supposément imaginaires qui pourtant marquaient sa peau de rouge. 

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 17 ⏰

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